Si l’euthanasie devient un jour légalement, socialement, moralement acceptable, les pressions que l’on mettra sur les personnes qui représentent un poids important pour notre société pourraient bien augmenter […] Je ne dis pas que cela arrivera forcement – je n’en sais rien – mais je suis profondément inquiet quand je vois tous ces signes d’insouciance, de manque d’humanité, partout dans le monde, à l’égard des gens vulnérables, brisés, marginalisés. »
David Roy, professeur d’éthique à Montréal.
Aujourd’hui un tiers de la population française n’a plus un total accès aux soins. Les deux tiers des EHPAD sont en déficit. Le Haut-conseil du financement de la protection sociale prévoit même un nouveau trou de 60 milliards pour l’année 2027. Devant ce bilan, le nouveau gouvernement Macron-Barnier doit statuer sur le déficit de la Sécurité sociale et du Fonds de solidarité vieillesse.
Sans vision sur une sortie de crise, le débat à l’Assemblée nationale porte sur la réduction des coûts dans le secteur de la santé et de la vieillesse et… sur la fin de vie et l’aide active à mourir. Dans le monde politico-économique, le hasard n’a pas sa place et dans la vie tout a un prix, chers concitoyens.
Tout comme celui de l’allongement de la durée de cotisation pour les retraites ou de l’annulation de l’Aide médicalisée d’Etat (AME), il serait temps d’inclure dans la somme des injustices sociales, le débat sur la légalisation de l’euthanasie.
« Le droit à la vie est d’abord de ne pas en être privé »
Le 21 septembre 2024, la proposition de loi mettant l’accent sur « l’accompagnement des malades et de la fin de vie » du député Modem Olivier Falorni a été jugée recevable par le Parlement. Cette proposition de loi est fortement contestée au sein des divers groupes parlementaires et certains députés ont alerté, sur
les conséquences irréversibles d’une législation libéralisant la mort provoquée dans des conditions d’exercice de ce droit que d’autres pays n’avaient pas été en mesure de maîtriser.
En première lecture, quelques députés proposaient déjà l’euthanasie des mineurs ou de personnes souffrant de troubles psychiques. Ces pratiques sont déjà en vigueur dans des pays nord européens, en totale opposition avec leur propre législation.
Ici, il faut rappeler ce que prévoit la législation européenne en matière de droit à la vie et préciser que donner intentionnellement la mort est un assassinat selon la loi française.
L’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme reprend la même disposition que dans son alinéa premier article :
Art 1. « Le droit à la vie est d’abord de ne pas en être privé » et
Art 2. « La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d’une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi. »
Aussi déléguer au personnel médical l’aide active à mourir – dans la dignité ou pas – est un acte politique d’une lâche hypocrisie, soit une soumission irresponsable à des intérêts financiers européens forçant au triage des populations.
Le directeur du Comité National d’Ethique, Jean-François Delfraissy, ajoute laconiquement que de toute façon la « décision sera discutée au niveau européen ».
« Donner la mort n’est pas un soin »
Le 12 septembre 2024, il a donné une conférence au sein de la Sorbonne dont le thème était « Bioéthique : quels enjeux en 2024 ? ». Il y rappelait que l’Académie de médecine s’était prononcée, le 12 juillet 2023, sur un non à « l’euthanasie consistant en l’administration par un tiers d’un produit létal à une personne qui en fait la demande », mais un oui à « l’assistance au suicide consistant à mettre un produit létal à disposition d’une personne qui le demande et se l’auto administre ».
Nous pouvons en conclure que l’Académie de médecine a fort bien compris l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme et les conséquences légales pour le personnel médical d’un acte d’euthanasie.
De plus, les soignants s’insurgent et affirment que « donner la mort n’est pas un soin », selon la formule de l’Association française d’accompagnement et de soins palliatifs. Mais si le quidam pense que « sa mort lui appartient », alors… Alors, on joue les Ponce Pilate et les médecins seront autorisés à fournir la petite pilule que tout un chacun emportera à son domicile. A chacun son chemin de croix.
« Nous vivons dans un monde de l’argent, la rentabilité, le pouvoir dominent. Comment croire qu’une autorisation, même assortie de garanties, ne sera pas vouée à des détournements ? Parce que nous ne vivons pas dans un monde idéal, penser que l’euthanasie pourrait se limiter à l’euthanasie volontaire relève de l’illusion… », affirme David Roy.
C’est ici que la question de la balance coût/rentabilité s’impose.
Dis-moi combien tu coûtes ?
Dans notre pays qui vend ses entreprises aux puissances financières, la voie de conséquence est que la masse salariale diminue dramatiquement et la Sécurité sociale perçoit moins de cotisations et de contributions sociales sur l’activité que prévu (-1,1 milliard d’euros par rapport à la prévision), selon la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2024 adoptée en décembre 2023. Encore un trou qui nous mènera au cimetière.
Alors que la dette de la France a dépassé les 110 % du produit intérieur brut pour la troisième année d’affilée, voici quelques chiffres évocateurs des dépenses dans les secteurs de la santé et de la vieillesse :
- Les dépenses totales de santé représentent 11,9 % du PIB et les régimes de base ont versé 226,0 milliards d’euros de prestations nettes, en 2023.
- Les dépenses de l’ensemble des régimes de retraite de base et complémentaire ont représenté 13,3 % du PIB en 2023 et 270,0 milliards d’euros de prestations nettes ont été versées en 2023 par l’ensemble des régimes de base, en 2023.
- La France comptait 17,0 millions de personnes retraitées de droit direct début 2022 sur 68 373 433 habitants.
L’endettement des administrations publiques est à peu près égal au PIB de la France (pratiquement 2 300 Md d’euros en 2022) ; et ceci, malgré une honteuse mise sur les marchés de la dette de la Sécurité sociale pour rentabiliser cette dernière ou pire, s’il en est, le détournement systématique des recettes (cotisations sociales, impôts, taxes…) pour le paiement des intérêts de la dette de la France à ces marchés financiers.
Ici tout est dit : La France doit faire un choix. Soit payer sa dette aux marchés financiers, soit relancer une planification indicative favorisant l’activité, ce qui signifie reprendre son indépendance monétaire et économique. En effet, dans une France où la protection des entreprises et des travailleurs est une priorité et un droit fondamental, il y a de la place pour tous, mais dans une société en contraction budgétaire, les gestionnaires financiers prennent la place.
Sinon, citoyens, sommes-nous prêts à nous battre pour une véritable solidarité et le progrès nécessaire pour y parvenir ?
Sources :
https://touscentenairesetbienport.blog/2023/09/16/euthanasie/ , Le débat politisé sur le « droit à mourir », Agnès Farkas, 16 septembre 2023
https://touscentenairesetbienport.blog/2023/08/27/au-fond-du-trou-de-la-secu-securite-sociale-dette-et-speculation/ , Au fond du « trou de la sécu », Agnès Farkas, 27 août 2023
https://www.fhf.fr/sites/default/files/2024-04/Enqu%C3%AAte%20nationale%20FHF%20-%20situation%20financi%C3%A8re%20des%20EHPAD%20publics%20VDEF%20-%20synth%C3%A8se.pdf Enquête nationale FHF et Situation financière des EHPAD publics à fin 2023
https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/03/20/le-deficit-de-la-securite-sociale-a-reflue-a-10-8-milliards-d-euros-en-2023_6223120_823448.html , AFP, 20 mars 2024
https://www.bfmtv.com/politique/parlement/fin-de-vie-une-proposition-de-loi-deposee-la-premiere-de-la-nouvelle-assemblee_AN-202407200123.html , Glen Gillet, 20 juillet 2024
https://www.lefigaro.fr/vox/societe/la-legalisation-de-l-euthanasie-ne-saurait-etre-une-priorite-politique-20240926 , Laurent Frémont et Emmanuel Hirsch, 26 sept 2024
https://www.securite-sociale.fr/files/live/sites/SSFR/files/medias/DSS/2024/Chiffres-cles-DSS-2023-ed24.pdf , Édition 2024, Les chiffres clés de la Sécurité Sociale 2023