En tant qu’ancienne candidate aux élections législatives de juin 2024 pour la 10ème circonscription des Français de l’étranger, je tiens à faire part aux Français vivant au Liban et aux Libanais tout mon soutien et ma profonde indignation face à ce qu’ils subissent.
Les derniers développements que vient de connaître le Liban devraient provoquer en France de la colère ou, à tout le moins, de vives réactions compte tenu des liens étroits entre nos deux pays. Ils devraient susciter un changement d’attitude quant à la tiédeur complice qui a marqué la politique étrangère de la France ces dernières années, et tout particulièrement depuis le 7 octobre dernier. Je partage le choc terrible provoquée par la mort des 1200 Israéliens qui ont perdus la vie dans l’assaut du Hamas et l’angoisse des otages et de leurs familles ignorant tout de leur sort ; pour autant, je ne commettrai pas l’affront de prétendre ignorer ce qui crevait les yeux pour quiconque s’intéresse à l’histoire de la région, à savoir que le feu couvait sous la cendre, comme dans toute situation où un Etat colonial opprime et brutalise des populations qui luttent pour leur droit et leur survie.
Après Gaza, c’est donc au tour du Liban d’être frappé par l’arbitraire israélien, avec le soutien plein et entier des Etats-Unis et la complicité des pays européens (à quelques exception notables comme l’Irlande et l’Espagne).
Comme il était à prévoir, l’armée israélienne a enclenché des « opérations limitées » sur le territoire libanais, ceci en violation flagrante du Droit international et sans que quiconque dans le monde occidental ne s’insurge contre [1] ni ne semble se préoccuper des implications gravissimes que cela revêt. En effet, une fois ces violations admises et justifiées par simple inaction – « qui ne dit mot consent » – on accepte implicitement que les mêmes faits se reproduisent, ici ou ailleurs.
Le comble du cynisme et du mépris ouvertement affichés par Benjamin Netanyahou à l’égard du Droit international éclate lorsque l’on apprend qu’il aurait donné l’ordre (la décision finale ayant de toute évidence été entérinée bien avant), de tirer sur le QG du Hezbollah depuis les bureaux des Nations unies, en pleine Assemblée générale là où, quelques jours auparavant, le 18 septembre, une résolution venait d’être votée à une écrasante majorité pour exiger la fin de l’occupation de la Palestine par Israël. Or, quand bien même les résolutions de l’ONU ont toutes été systématiquement piétinées, il est nécessaire de s’en saisir comme d’un fil ténu permettant de raccrocher la réalité sur le terrain à l’exigence du Droit et de la Justice pour la Palestine et les Palestiniens.
Car un cap fatidique vient d’être franchi par Benjamin Netanyahou avec l’aval et l’aide militaire des Etats-Unis, notamment par la fourniture des bombes pénétrantes BLU-109, avec l’élimination de Hassan Nasrallah dans une tentative d’entraîner l’Iran dans une guerre qui débordera inéluctablement du Moyen-Orient au risque d’entraîner le monde vers une troisième guerre monde.
Quelles que soient les erreurs et les manquements en amont de la classe politique libanaise, et ils sont indéniables, ce que vit actuellement le Liban est en grande partie le résultat de l’attitude des pays occidentaux dans leur soutien aveugle au régime d’extrême droite, fanatique et sanguinaire de Benjamin Netanyahou et ses sinistres acolytes. Le rôle des Etats-Unis, tout particulièrement dans sa « relation spéciale » avec ses amis anglais, restera dans l’histoire comme ce qui a créé les conditions du plus grand désastre de l’histoire contemporaine, si ce n’est de toute l’histoire de l’humanité. Quant aux pays européens dont – à mon immense regret – la France, ils ne font que suivre la politique décidée à Washington, parfois avec réticence mais toujours avec zèle.
Si le Droit international avait encore un sens, si les institutions internationales fonctionnaient, Benjamin Netanyahou, Bezalel Smotrich et Itamar Ben Gvir auraient déjà comparus devant la Justice ; une demande aurait d’ores et déjà été formulée pour qu’Israël soit exclu des Nations unis ; une force d’interposition de casques bleus aurait été envoyée à Gaza et une aide humanitaire d’urgence mise en place. Or l’inaction coupable des instances internationales dont le rôle est précisément d’intervenir dans des situations aussi tragiques laisse penser que ceux ayant autorité pour agir à ce niveau, soit sont de connivence, soit sont ceux-là mêmes qui violent tous les mécanismes de sauvegarde mis en place après la deuxième guerre mondiale pour que « jamais plus les mêmes horreurs ne se reproduisent ».
Alors, où se trouvent les solutions face à cette insupportable tragédie et à la mise en danger de l’humanité elle-même ? Si une véritable opposition à la guerre voyait le jour aux Etats-Unis, un changement pourrait s’opérer rapidement. C’est ce à quoi travaille la Coalition internationale pour la paix. Elle ne donne pas seulement une voix aux dissidents qui refusent de plier le genou face à la barbarie, elle réunit et fait travailler ensemble tous ceux animés par une passion commune pour la paix basé sur le droit au développement et sur le respect absolu de l’être humain.
Partageant les mêmes principes que les BRICS, elle sympathise avec ces derniers et fait converger ses efforts dans la même direction car, dans ce contexte extrême où nous vivons aujourd’hui, toute solution ne peut venir que d’une conjonction de forces dessinant un nouveau paradigme basé sur « la détente, l’entente et la coopération », pour reprendre les termes du Général de Gaulle. Pour fonctionner, ce nouveau paradigme doit être adossé à une nouvelle architecture de sécurité, reprenant l’approche ayant présidé à la paix de Westphalie, seule garante d’une paix durable. A la logique de jeu à somme nulle où le gagnant rafle la mise au détriment du perdant, il faut substituer une vision du monde ne se définissant plus par l’opposition amis/ennemis aujourd’hui hégémonique mais par le constat que les pays sont complémentaires entre eux et qu’ils ont besoin les uns des autres pour exister, prospérer et faire face aux défis du siècle.
Une telle vision est incompatible avec la volonté de domination et l’esprit néo-colonial qui animent hélas toujours bon nombre des pays occidentaux. Pour autant, et quelles qu’aient pu être les difficultés, cette vision inclusive s’est imposée progressivement auprès d’un nombre toujours plus grand de pays qui ont vu les résultats concrets, qui ont vu comment ils qui dessinent un futur de progrès et de développement. Elle est portée par les pays des BRICS et ceux que l’on appelle de plus en plus souvent le « Sud planétaire », regroupant nombre des anciens « non-alignés » pour qui il ne peut y avoir de paix sans développement.
C’est dans cet esprit que j’avais placé ma campagne aux élections législatives de 2024 sous l’appel, pour la France, à avancer « main dans la main avec le Sud planétaire » [2] au nom de l’énorme potentiel que représente cette approche ; idéaliste autant que réaliste, généreuse autant que pragmatique, bref « gagnant-gagnant ». Il est d’ailleurs significatif que ce soit ces mêmes pays membres des BRICS qui se mobilisent actuellement et qui font des efforts pour faire cesser la guerre, en Ukraine comme au Moyen-Orient.
Enfin, en dépit de tous les obstacles, de toutes les blessures, de toutes les horreurs, en dépit de toutes les réticences, il faudra que les ennemis d’aujourd’hui trouvent la force de se réunir demain et travaillent ensemble à une paix juste pour tous et chacun. A cet égard, concernant le Hezbollah et quelque soient les jugements diamétralement opposés qui sont portés sur lui, je constate qu’il est un interlocuteur incontournable.
Sur la table de paix devra figurer la reconnaissance de la Palestine en tant qu’Etat souverain, le retrait des forces militaires israéliennes du Liban comme de tous les territoires occupés, en vertu de la résolution 242 des Nations unies (et la résolution 1701, en ce qui concerne le Liban). Cette reconnaissance devra s’accompagner de la perspective du plan Oasis. Il s’agit d’un plan d’action s’attaquant au défi numéro un pour la survie et la cohésion de la région, l’eau, que ce soit en termes d’approvisionnement, de production et de mise à disposition tant pour la population que pour les besoins économiques. L’eau n’est pas seulement un enjeu de survie immédiate pour l’ensemble du Moyen-Orient, c’est la base de toute prospérité économique, de toute justice sociale et de toute participation à une culture de la vie et du progrès, bref la garantie tangible de la paix.
Je place cet enjeu au cœur de tout perspective de reconstruction car à lui seul, il recoupe tous les autres.
Le Moyen-Orient a toujours été un carrefour des cultures, où toute la mosaïque de l’humanité s’est côtoyée, où l’Orient et l’Occident se sont rencontrés et ont échangé, où les religions ont pu coexister en bonne intelligence. Pour nous, Européens, il est le creuset de nos civilisations. Aujourd’hui, on peut renouer avec cette coexistence positive pourvu que justice soit rendue aux opprimés et que le cancer du colonialisme soit éradiqué.
Source : blog d’Odile Mojon.