« Trou budgétaire béant », « la France vit au-dessus de ses moyens », proclament ceux-là mêmes qui ont provoqué cette situation ! Bruno Lemaire, Le Point, l’Express, Le Figaro se déchaînent. Est-ce vrai ? La gauche parlementaire, elle, multiplie les promesses sociales comme si le gouvernement avait les moyens de les tenir. Les a-t-il ? Qui a tort, qui a raison ? Comme dans les shows télévisés, la vérité est que tout le monde officiel a tort et qu’on lance des nuées de statistiques et de paroles pour cacher la vérité.
détente, entente et coopération
Sur le terrain de l’oligarchie financière, notre déficit budgétaire et notre dette sont intenables. Dès le 20 septembre, ou un peu plus tard si Michel Barnier obtient un délai du bourreau dont il est complice, nous devrons rendre des comptes à la Commission européenne pour déficit budgétaire excessif. Cela est utilisé par la droite libérale, toutes nuances confondues, comme un instrument de chantage. Lorsqu’on a trop dépensé, nous disent-ils, il faut payer, en réduisant les dépenses et augmentant les recettes, comme un bon père de famille. Version hard : pour arriver à 3 % seulement de déficit en 2027, il faudra trouver 110 milliards d’euros en quatre ans ! Cela signifie une austérité sans précédent, frappant les retraités, les salariés et les classes moyennes, les riches et ultra-riches étant déjà montés aux paradis... fiscaux. Version soft : on désindexe et on laisse courir l’inflation, c’est-à-dire qu’on réduit le pouvoir d’achat sans que cela apparaisse en monnaie. On augmente la contribution sociale généralisée (CSG-CRDS) de 2 points, on encaisse 32 milliards, ce qui fait environ 60 milliards avec les effets de la désindexation et on s’en tire temporairement. La réalité est que dans le système existant, cela commencera par le soft et finira par le hard.
Il faut dire que l’État se comporte depuis longtemps comme un père de famille vicieux. Il s’est soumis aux marchés financiers, à Bruxelles, à Wall Street et à la City, à travers leurs complices français. Et maintenant, il veut faire payer le peuple pour ses détournements. On vous répondra que ce n’est pas nouveau. C’est vrai, si nous lisons L’argent de Zola, de Balzac ou de Péguy. Mais cette fois, cela se passe à l’échelle du monde, dans une économie de guerre, au bout de laquelle il y a la guerre nucléaire. Pour survivre, l’oligarchie a toujours eu besoin de faire la guerre, mais cette fois c’est « l’anéantissement de l’humanité » dont parlait Charles de Gaulle qui est au bout du chemin.
Nous devons donc, si la France doit demeurer elle-même en échappant à l’austérité et à la guerre, unir notre souveraineté aux nations qui défendent la leur. C’est le cas des pays du Sud global – je préfère dire Sud planétaire – et des BRICS qui se réunissent à Kazan du 22 au 24 octobre. Choix risqué ? Bien sûr, mais il n’y en a pas d’autre permettant de sortir du dilemme. Prendre des risques et faire preuve d’autorité dans la tempête est ce qui fait la différence entre ceux qui cèdent aux circonstances, comme nos présidents depuis soixante-dix ans, et les hommes de caractère. En jetant le défi au monde occidental de rallier un monde de détente, d’entente et de coopération, seul susceptible d’assurer la paix, hors de la logique de blocs.
Dès lors, le ciel de notre politique intérieure pourra s’éclairer. Nous sortirons de la cage financière pour entrer dans le domaine de l’économie physique. Recherche, production, éducation, santé publique et infrastructures pourront alors constituer la priorité, et non les comptes de fourmis vicieuses ou de cigales écervelées. Ce pouvoir d’achat que tout le monde réclame pourra être satisfait car on bâtira les fondements réels pour l’assurer.
Est-ce difficile ? Oui, parce qu’un combat politique exige de sortir du vice pessimiste, qui est une drogue dure. En est-on capable ? Oui, parce que nous sommes des êtres humains qui ne peuvent pas supporter l’injustice. L’alternative est le carnage et ces chiens de la guerre évoqués par Marc-Antoine dans le Jules César de Shakespeare.