L’huile britannique sur le feu de la guerre mondiale

mercredi 25 septembre 2024


Le 13 septembre, l’humanité a échappé de peu à un basculement imminent dans la 3e Guerre mondiale, lorsque le Pentagone (en opposition au Département d’État et à la Maison-Blanche) a refusé d’autoriser l’Ukraine à frapper des cibles en territoire russe avec des missiles à longue portée Storm Shadow. Et ceci, dans l’indifférence quasi-générale, il faut bien le souligner.

Depuis, le monde reste comme suspendu à un fil au-dessous du gouffre, tandis que les Britanniques, qui sont à la manœuvre depuis le début sur cette question des missiles à longue portée, font tout pour entraîner l’OTAN dans une guerre contre la Russie.

Londres tient la barre

A la conférence de rentrée de Solidarité & progrès, le 21 septembre, Scott Ritter, ancien inspecteur américain de l’ONU en charge du désarmement, a souligné qu’en effet, si Joe Biden avait signé les documents que lui soumettait le Premier ministre britannique Keir Starmer, lors de leur rencontre le 13 septembre à la Maison-Blanche, un engrenage fatal se serait enclenché :

L’opération sur la liste de cibles, ou une partie de cette liste, aurait été exécutée cette nuit-là. Des techniciens britanniques sont déjà en Ukraine, chargeant les données sur les missiles Storm Shadow. (…) Ainsi, lorsqu’un Storm Shadow est tiré contre une cible à l’intérieur de la Russie, il est littéralement téléguidé par l’OTAN ! L’OTAN approuve l’objectif et facilite l’utilisation de ce système d’armes contre l’objectif. Cela signifie que l’OTAN est partie prenante au conflit.

Parmi les rares médias grand public à avoir évoqué le danger de guerre mondiale, le quotidien Le Monde a publié un article au lendemain de la rencontre Biden-Starmer, dans lequel il cite notamment Vincent Tourret, doctorant à l’université du Québec à Montréal et chercheur associé à la Fondation pour la recherche stratégique, qui estime qu’un feu vert des Américains représenterait le franchissement d’un palier, dans la mesure où « utiliser ce type d’armes suppose une participation des pays alliés à la conception et à la planification des opérations ».

Le Monde reconnaît au passage que c’est bien le Royaume-Uni qui est « en pointe pour tenter de convaincre les États-Unis d’autoriser l’Ukraine à frapper des sites militaires situés en Russie ».

D’ailleurs, les va-t-en-guerre britanniques ne cherchent plus à cacher leur jeu. Un article publié le 19 septembre dans le Times de Londres se vante en effet que les forces britanniques sont à l’avant-garde de la course à la guerre mondiale. Sans prendre la peine de citer la moindre preuve, ni même une source anonyme, le Times affirme que le régime de Kiev pourrait obtenir une « dérogation privée » des États-Unis et du Royaume-Uni pour tirer des missiles Storm Shadow sur la Russie, contournant ainsi le blocage exprimé le 13 septembre par Washington.

L’article relève que l’ancien Premier ministre Boris Johnson et cinq anciens secrétaires à la Défense conservateurs exhortent la Grande-Bretagne à ignorer la réticence américaine et à autoriser l’Ukraine à utiliser ses Storm Shadow.

En outre, lorsque le secrétaire d’État américain Tony Blinken était à Paris le 20 septembre, le ministre britannique des Affaires étrangères, David Lammy, s’y trouvait également, ainsi que les ministres des Affaires étrangères de France, d’Allemagne et d’Italie. « Les alliés se sont efforcés de conclure un accord avant l’Assemblée générale des Nations unies la semaine prochaine, où Sir Keir Starmer se dirige vers des pourparlers avec d’autres dirigeants mondiaux », poursuit le Times.

Un labrador tirant son propriétaire vers la guerre mondiale

Pourquoi donc l’élite britannique voudrait-elle entraîner les États-Unis dans une guerre thermonucléaire avec la Russie ? peut-on se demander.

Dans le magazine américain The Nation, l’analyste politique britannique Anatol Lieven, professeur invité au King’s College de Londres et chercheur principal au Quincy Institute for Responsible Statecraft, explique que l’establishment britannique n’est pas, comme on le décrit habituellement, « le caniche de l’Amérique ». Plutôt qu’un docile toutou qui aboie hystériquement, il ressemble plus à un labrador entraînant son maître « dans n’importe quel buisson ou flaque d’eau à proximité ».

Lieven rapporte notamment que des « experts » britanniques, tout auréolés de hautes distinctions et décorations, affirment que la menace d’une escalade avec la Russie est « absurde » parce que Poutine « fait déjà le pire contre les sociétés occidentales ».

Par ailleurs, des analystes militaires de haut rang et des militaires à la retraite déclarent sans ciller, dans la même phrase, que les forces armées russes sont si affaiblies que quelques missiles supplémentaires pourraient permettre à l’Ukraine de « gagner », avant d’affirmer qu’elles sont si fortes que si on ne les arrête pas en Ukraine, elles pourraient lancer d’ici peu une attaque directe contre la Grande-Bretagne.

« Comment expliquer un tel délire collectif, de la part de personnes dont le devoir professionnel (…) est de livrer une analyse objective au service de l’État et du peuple britanniques, et de leurs intérêts vitaux ? » s’interroge Lieven.

Parmi toutes les raisons expliquant pourquoi la Grande-Bretagne s’est placée en première ligne par rapport aux autres gouvernements occidentaux, il est essentiel de comprendre que cela reflète

la volonté héritée et profondément enracinée de l’establishment britannique de donner l’impression de jouer le rôle d’une grande puissance sur la scène mondiale.

Bien que Lieven omette de mentionner le rôle fondamental de l’addiction de Londres aux produits financiers dérivés, qui motive leur besoin de pousser la Russie et la Chine à la soumission, cette « volonté héritée et profondément enracinée » est effectivement un facteur causal, visant à détourner l’attention vers des ennemis extérieurs, tout en maintenant à flot une bulle financière dont l’ampleur dépasse de loin la somme des PIB des nations et surtout, ce que l’entendement humain est capable d’appréhender.

La grande peur de l’anglosphère face aux BRICS

Comme l’a expliqué samedi dernier la présidente de l’Institut Schiller Helga Zepp-LaRouche, lors de l’Assemblée générale de Solidarité & progrès, les cinq à six prochaines semaines s’annoncent extrêmement dangereuses. Car désormais, au cœur de l’establishment anglo-américain, « on parle ouvertement de la guerre que les États-Unis, et avec eux, l’OTAN, devront bientôt mener sur trois fronts, contre la Russie, la Chine et la Corée du Nord, et contre l’Iran aussi d’ailleurs, ajouterons-nous ».

La grande peur qui les tenaille est de perdre leur position dominante dans le monde, tandis que les BRICS+ (acronyme pour Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud, auxquels viennent s’ajouter l’Égypte, les Émirats arabes unis, l’Éthiopie et l’Iran) tiendront du 22 au 24 octobre leur sommet annuel à Kazan, en Russie. « A ce moment-là, il apparaîtra clairement qu’ils représentent déjà la grande majorité de la population mondiale, à laquelle de nouveaux membres voudront s’ajouter », a expliqué Mme Zepp-LaRouche.

Pour ces cerveaux impérialistes détraqués, il est hors de question de laisser l’OTAN perdre la face vis-à-vis de cette « majorité mondiale » représentée par les BRICS+, et dans ce contexte, mieux vaut une guerre contre la Russie.

Ce serait la troisième fois que cela est tenté, a rappelé la présidente de l’Institut Schiller. La première fois, c’était avec Napoléon. Je pense que les Français portent encore dans leur chair le douloureux souvenir de l’issue de cette entreprise. La deuxième fois, c’était Hitler, et l’Europe ne s’est pas encore remise des conséquences de cette mégalomanie. Et maintenant, c’est l’OTAN, ou plutôt ‘l’anglosphère’ pilotant l’OTAN, qui veut tenter la même chose.

Il faut donc de toute urgence redoubler d’efforts, en mobilisant les populations, pour contraindre les gouvernements occidentaux à s’arracher à l’influence morbide de cette anglosphère aux abois, afin de rejoindre la dynamique des BRICS pour bâtir un paradigme complètement nouveau dans les relations internationales. « Nous avons besoin d’une nouvelle architecture de sécurité et de développement qui tienne compte de l’intérêt et de la sécurité de chaque pays de la planète, exactement comme cela s’est produit avec la paix de Westphalie [en 1648] », a conclu Helga Zepp-LaRouche.

Pour suivre chaque vendredi en direct les discussions de la Coalition internationale pour la paix, faire la demande auprès de l’Institut Schiller au 07 83 34 26 75 ou en écrivant à instschiller_france@institutschiller.org