La dernière chose dont on a besoin, c’est une politique étrangère inspirée par Palantir. C’est contre quoi met en garde William D. Hartung, chercheur principal au Quincy Institute for Responsible Statecraft, le 28 août sur le site Responsible Statecraft.
Hartung met l’accent sur le fait que l’ancien député Mike Gallagher (R-WI) a accepté son nouveau rôle de chef du « secteur de la défense » de Palantir, l’entreprise technologique de Peter Thiel.
Palantir est une entreprise de services et d’édition logicielle spécialisée dans l’analyse et la science des données (communément appelé « Big data »), dans le Colorado. Dans ce cadre Palantir a développé deux logiciels dédiés à la fusion, la visualisation et le travail opérationnel sur les données : Palantir Gotham et Palantir Foundry.
Palantir Gotham est d’abord utilisé par la communauté du renseignement des États-Unis (NSA, CIA, FBI, les US Marines, l’US Air force et les Opérations spéciales), ainsi que les services de police de New York et de Los Angeles. NYPD. Ce logiciel est également utilisé par les services de renseignement d’une douzaine de pays européens dont la France (Direction générale de la Sécurité intérieure), ce qui fait que Palantir est devenue une force qui compte.
Comme Elon Musk, Peter Thiel, qui a initialement fondé Palantir avec des fonds de la CIA et qui est le plus grand investisseur américain dans le cannabis légal, est revenu (après une querelle) en tant que donateur majeur de la campagne pour la réélection de Trump.
Musk et Thiel ont cofondé « America PAC », un nouveau Super PAC (un « comité d’action politique » qui, entre autres, collecte des dons) créé pour soutenir Trump. Pour ce faire, les deux hommes ont largement fait appel à leur réseau. Selon le New York Times, l’un des directeurs du fonds est Joe Lonsdale, cofondateur avec Thiel de Palantir, qui a personnellement contribué à hauteur d’un million de dollars au Super PAC.
Le fait que d’anciens militaires et élus trouvent un emploi dans l’industrie de la défense n’est pas nouveau, mais ne cesse de croître. Quatre-vingt pour cent des généraux trois et quatre étoiles qui ont quitté le service public au cours des cinq dernières années sont allés travailler dans le secteur de l’armement d’une manière ou d’une autre. En 2023, 700 anciens hauts fonctionnaires du Pentagone et d’autres gouvernements étaient employés par l’un des 20 principaux fournisseurs d’armes.
Mais l’affaire Gallagher est délicate, car l’objectif de Palantir, souligne M. Hartung,
est de façonner la politique de sécurité nationale des États-Unis qui peut déterminer dans quelle technologie militaire les États-Unis investiront pour la prochaine génération. L’embauche de M. Gallagher s’inscrit parfaitement dans ce plan.
À en juger par ses états de service en tant que principal faucon de la Chine au Capitole pendant son mandat au Congrès, et en tant que président du House Select Committee on Strategic Competition Between the United States and the Chinese Communist Party (comité spécial de la Chambre des représentants sur la concurrence stratégique entre les États-Unis et le Parti communiste chinois), les opinions de M. Gallagher sont remarquablement proches de celles de ses nouveaux employeurs. Par exemple, le PDG de Palantir, Alex Karp, a déclaré que les États-Unis allaient « probablement » entrer en guerre avec la Chine et que la meilleure politique consistait à « effrayer à mort l’ennemi » - sans doute en partie en utilisant des systèmes construits par Palantir.
Palantir effectue déjà des recherches pour l’armée sur les utilisations futures de l’IA et sur le ciblage, dans le cadre d’un projet connu sous le nom de Tactical Intelligence Target Access Node (TITAN). En janvier de cette année, Karp et Thiel se sont rendus en Israël, où ils ont conclu un accord avec le gouvernement israélien « pour exploiter la technologie avancée de Palantir à l’appui de missions liées à la guerre ». Il s’agirait notamment d’utiliser les systèmes de Palantir basés sur l’Intelligence artificielle (AI) pour sélectionner des cibles à Gaza. Bravo les artistes !
Karp et Gallagher sont pratiquement frères d’armes en ce qui concerne leurs opinions sur la Chine. M. Gallagher a coécrit un article récent dans Foreign Affairs intitulé « No Substitute for Victory : America’s Competition With China Must Be Won, Not Managed » (Pas de substitut à la victoire : la compétition entre l’Amérique et la Chine doit être gagnée et non gérée). Dans cet article, Gallagher et son co-auteur, Matthew Pottinger, affirment que les États-Unis doivent
mettre en place une meilleure politique : une politique qui réarme l’armée américaine, réduit l’influence économique de la Chine et recrute une coalition plus large pour affronter la Chine.
Thiel et Karp investissent des deux côtés de l’échiquier politique. M. Karp a donné 360 000 dollars à la campagne de Kamala Harris, et M. Thiel a été à la fois le mentor et le donateur du candidat républicain à la vice-présidence J.D. Vance, qui a travaillé dans la société d’investissement de M. Thiel.
Le résultat le plus probable de son conseil [celui de Karp] serait une course à l’armement extrêmement coûteuse qui rendrait plus probable une guerre entre les États-Unis et la Chine. Et même si une telle guerre n’atteignait pas le niveau nucléaire, ce serait un désastre stratégique, économique et humanitaire pour toutes les parties concernées. Il s’agit de prévenir une guerre avec la Chine, pas de la prédire et d’en tirer profit. (...) Quel que soit le vainqueur en novembre, s’inquiète Hartung, la dernière chose dont nous ayons besoin, c’est d’une politique étrangère inspirée par Palantir.