Le Premier ministre Viktor Orbán vient de publier sur son site la version intégrale de sa lettre envoyée le 18 juillet à Charles Michel, Président du Conseil européen depuis 2019. Pour savoir de quoi il s’agit, il est toujours bien de pouvoir lire les auteurs dans le texte. Voici notre traduction en FR.
Rapport du Premier ministre Viktor Orbán à Charles Michel, Président du Conseil européen
18/07/2024
Source : Cabinet du Premier ministre
Monsieur le Président,
Veuillez trouver ci-dessous une évaluation sommaire de mes récentes discussions avec les dirigeants de l’Ukraine, de la Russie, de la Chine, de la Turquie et avec le président Donald J. Trump, ainsi que quelques suggestions à prendre en considération.
- Il est généralement admis que l’intensité du conflit militaire connaîtra une très forte escalade dans un avenir proche.
- J’ai personnellement constaté que les parties belligérantes sont déterminées à s’engager plus avant dans le conflit, et qu’aucune d’entre elles ne souhaite prendre des initiatives en faveur d’un cessez-le-feu ou de négociations de paix. Nous pouvons donc supposer que les tensions ne diminueront pas et que les parties ne commenceront pas à chercher un moyen de sortir du conflit sans une implication extérieure significative.
- Trois acteurs mondiaux sont en mesure d’influencer l’évolution de la situation : l’Union européenne, les États-Unis et la Chine. Nous devons également prendre en compte la Turquie en tant qu’acteur régional important, seul médiateur ayant réussi à concilier l’Ukraine et la Russie depuis le début des hostilités en 2022.
- La Chine poursuivra sa politique, également formulée dans les documents internationaux, appelant à un cessez-le-feu et à des pourparlers de paix. Toutefois, la Chine ne jouera un rôle plus actif que si les chances de succès de son engagement sont proches de la certitude. Selon eux, ce n’est pas le cas actuellement.
- En ce qui concerne les États-Unis, j’ai constaté lors du sommet de l’OTAN et de mes entretiens avec le président Trump que les États-Unis sont actuellement très préoccupés par la campagne présidentielle. Le président sortant déploie d’immenses efforts pour rester dans la course. Il est évident qu’il n’est pas en mesure de modifier la politique américaine actuelle en faveur de la guerre et qu’on ne peut donc pas s’attendre à ce qu’il lance une nouvelle politique. Comme nous l’avons constaté à maintes reprises au cours des dernières années, dans de telles situations, la bureaucratie, sans leadership politique, continuera à suivre la voie précédente.
- Lors de mes entretiens avec le président Trump, je suis arrivé à la conclusion que la politique étrangère ne jouera qu’un rôle mineur dans sa campagne, qui est dominée par des questions de politique intérieure. Il ne faut donc pas s’attendre à ce qu’il prenne des initiatives de paix avant les élections. Je peux cependant affirmer avec certitude que peu après sa victoire électorale, il n’attendra pas son investiture, mais sera prêt à agir immédiatement en tant qu’intermédiaire de paix. Il a des plans détaillés et bien fondés à cet effet. [1]
- Je suis plus que convaincu que dans le résultat probable de la victoire du président Trump, la proportion de la charge financière entre les États-Unis et l’UE changera de manière significative au désavantage de l’UE en ce qui concerne le soutien financier de l’Ukraine.
- Notre stratégie européenne, au nom de l’unité transatlantique, a copié la politique de guerre des États-Unis. Jusqu’à présent, nous n’avons pas eu de stratégie européenne souveraine et indépendante ni de plan d’action politique. Je propose de débattre de la question de savoir si la poursuite de cette politique à l’avenir est rationnelle. Dans la situation actuelle, nous pouvons trouver une fenêtre d’opportunité pour entamer un nouveau chapitre de notre politique sur une base morale et rationnelle solide. Dans ce nouveau chapitre, nous pourrions nous efforcer de réduire les tensions et/ou de créer les conditions d’un cessez-le-feu temporaire et/ou d’entamer des négociations de paix.
- Je propose d’entamer une discussion sur les propositions suivantes :
a. [Prendre] l’initiative de mener des discussions politiques de haut niveau avec la Chine sur les modalités de la prochaine conférence de paix ;
b. tout en maintenant les contacts politiques de haut niveau actuels avec l’Ukraine, réouverture des lignes directes de communication diplomatique avec la Russie et réhabilitation de ces contacts directs dans notre communication politique ;
c. lancement d’une offensive politique coordonnée vers le Sud global dont nous avons perdu la considération du fait de notre position sur la guerre en Ukraine, ce qui a pour conséquence l’isolement global de la communauté transatlantique. - J’espère que mes rapports et mes suggestions pourront être une contribution utile aux éventuelles propositions et initiatives que vous présenterez aux dirigeants de l’UE à une occasion appropriée et dans un format adéquat.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de mes salutations distinguées,
Viktor ORBÁN
Budapest, le 12 juillet 2024