Plan Oasis élargi : l’Égypte inaugure la plus grande station d’épuration du monde

samedi 22 juin 2024, par Karel Vereycken

La station d’épuration égyptienne « Nouveau Delta » d’El Hamman est entrée en service il y a quelques mois.

Selon une dépêche publiée le 15 juin sur le site web du Service d’information national, l’Égypte a célébré l’obtention du prix Guinness de la plus grande station d’épuration au monde, lors d’une cérémonie à laquelle assistaient Hany Sowailem, le ministre de l’Irrigation et des Ressources hydriques, et Ahmed Al-Azazi, le commandant de l’Autorité du génie des forces armées, qui a réalisé le doublement du canal de Suez.

L’usine d’El Hamman détient d’ailleurs plusieurs records du monde : elle est la plus grande en son genre en surface, puisqu’elle s’étend sur plus de 320 600 mètres carrés, et en capacité, car elle peut fournir 7,5 millions de m3 d’eau douce par jour, soit 86,8 m3 par seconde !

Les défis à relever par l’Égypte sont bien connus : plus de 90 % de sa population croissante (109 millions d’habitants) vit sur 5 % de son territoire, principalement dans le delta du Nil, région fertile du nord.

Mais l’urbanisation grignote les surfaces agricoles.

L’Égypte est confrontée à une grave pénurie d’eau et l’UNICEF estime que le pays sera à sec d’ici 2025.

Pour relever ces défis, le gouvernement a décidé en 2021 de construire dans le nord-ouest du pays un « fleuve artificiel » de 114 km, pour un coût de 9,7 milliards de dollars. Il s’agit d’un vaste système d’adduction d’eau et d’un programme d’irrigation connu sous le nom de projet « Nouveau Delta ».

L’objectif, dans sa deuxième phase, est d’irriguer 9200 km2 (environ la taille de Chypre ou de Porto Rico) de terres dans le désert occidental, ce qui représente une augmentation de 25 % du total des terres cultivées de l’Égypte ou une augmentation de 42 % du delta du Nil. C’est le plus grand programme d’irrigation de l’histoire de l’Égypte.

Les équipes ont achevé la construction de l’usine en 24 mois et 27 millions d’heures de travail, en faisant venir des équipements spécialisés de 14 pays. Compte tenu de l’éloignement extrême du site et de l’importance de la main-d’œuvre (6500 personnes), les responsables du projet ont dû établir un camp à proximité, doté d’un large éventail de commodités.

La station d’épuration d’El Hamman, un investissement de 522 millions de dollars, est l’élément clé d’un projet en quatre phases :

  • Les eaux de drainage agricole recyclées du delta nord et les eaux polluées du lac Mariout et de la côte méditerranéenne d’Alexandrie seront d’abord collectées et acheminées vers l’ouest par une canalisation de 50 km parallèle à la côte, comprenant 26 km de canalisations fermées et 24 km à ciel ouvert.
  • Ensuite, une canalisation souterraine de 22 km et un canal ouvert de 42 km amèneront l’eau non traitée vers le sud jusqu’à la station d’El Hammam, dans le désert.
  • Une fois traitée, l’eau douce produite par El Hamman, additionnée d’une faible quantité d’eau dessalée, sera acheminée vers une zone désertique sélectionnée pour la qualité de ses terres arables et les activités de développement qui en découlent pour de nouvelles communautés agricoles et résidentielles dans tous les domaines.
  • Un autre canal de 42 km, provenant directement du Nil, apportera l’eau nécessaire à l’irrigation de la partie orientale des nouvelles terres agricoles.

La station d’El Hammam contribuera à préserver la richesse halieutique, car la pollution des lacs réduit la quantité de poissons. Les lacs du nord représentent 75 % de la richesse halieutique de l’Égypte. Le plan du Nouveau Delta réduira considérablement la dépendance de l’Égypte à l’égard des importations de céréales étrangères. Or, le conflit entre l’Ukraine et la Russie, qui a éclaté en février de l’année dernière, a provoqué une flambée mondiale des prix du blé, mettant en difficulté l’Égypte, le plus grand importateur de blé au monde. La Russie et l’Ukraine lui ont ainsi fourni 80 % de ses importations de blé en 2021. L’élevage et la production laitière, les nouvelles industries et la connectivité avec les principaux ports et routes sont inclus dans le programme.

Selon le ministre de l’Irrigation, ce projet montre au monde entier que l’Égypte tient à ne pas gaspiller l’eau,

parce qu’elle essaie de tirer profit de chaque goutte en réutilisant, après traitement, les eaux usées agricoles en toute sécurité dans l’agriculture.

A ceux qui se demandent à quoi peuvent bien servir les armées en temps de paix, l’Égypte offre là un magnifique exemple.