Madame la Députée, Madame la Sénatrice,
Monsieur le Député, Monsieur le Sénateur,
Les élections européennes approchent à grands pas, mais aussi la probabilité d’une guerre sur le sol européen. En tant que citoyen(ne), je suis très préoccupé(e) par l’idée que mes enfants et moi puissions connaître, et qui plus est dans un horizon rapproché, une troisième guerre mondiale.
Je vous interpelle pour vous faire savoir que dans ce contexte, mon choix pour le 9 juin ira inexorablement vers la liste qui proposera une offensive diplomatique plutôt que militaire.
Face à l’ultime menace, qui œuvre pour désamorcer le conflit et réorienter vers la paix l’Europe et sa périphérie ? L’enjeu n’est plus désormais d’ordre moral ou idéologique, il est d’ordre pratique et vital, quelle que soit la responsabilité de Vladimir Poutine dans cette affaire.
Ma question est donc : puis-je ou non compter sur votre formation politique pour accompagner les voix de la paix qui s’élèvent dans le monde ?
Puis-je espérer que vous saurez faire de la France et de l’Europe, comme à l’époque de De Gaulle, de Mitterrand ou de Chirac, non un marchepied vers un conflit généralisé, mais une puissance de paix, un pilier du dialogue en vue d’une désescalade et d’une détente, une entente et une coopération ?
Même s’il fallait pour cela revenir sur vos déclarations précédentes, je vous en serais reconnaissant(e), et tous les Français avec moi. En effet, vous auriez ainsi le courage de l’humilité, et de penser non du point de vue d’une stratégie de communication, mais de l’intérêt collectif.
Attaquer le territoire russe ?
J’ai récemment pris connaissance d’événements particulièrement préoccupants :
— Tout d’abord, dans la nuit du 22 au 23 mai, des drones ukrainiens (assistés pour leur ciblage par les Occidentaux) ont frappé la station radar d’Armavir, proche de la frontière russo-kazakhe, à 600 km de la frontière ukrainienne, donc loin à l’intérieur du territoire russe !
— Le 26 mai, un autre drone appartenant à la direction générale du Renseignement du ministère de la Défense ukrainien (HUR MOU), aurait « parcouru une distance de plus de 1800 kilomètres » pour atteindre sa cible, un système de radar longue portée russe, situé à proximité de la ville d’Orsk (oblast d’Orenbourg), au sud des monts Oural, près de la frontière avec le Kazakhstan, un « nouveau record de portée de destruction pour les drones-kamikazes » ukrainiens. D’autres attaques du même type ont déjà eu lieu ou sont en cours.
Dans les deux cas, il s’agit d’éléments clés du système d’alerte précoce russe contre les attaques de missiles nucléaires (ICBM). D’autres dispositifs de ce type deviennent désormais des cibles de choix pour l’Ukraine et ceux qui les incitent à commettre ces actes.
Si les dégâts matériels restent à évaluer, le fait d’avoir atteint des installations essentielles à la dissuasion russe ne peut que conduire à l’escalade.
Le sénateur russe et ancien directeur de Roscosmos, Dmitry Rogozin, n’a pas dissimulé son irritation le 23 mai :
« Ainsi, nous ne nous trouvons pas seulement au bord du précipice, mais au bord du gouffre, au-delà duquel, si l’ennemi n’est pas arrêté dans de telles actions, un effondrement irréversible de la sécurité stratégique des puissances nucléaires commencera. »
Le symbole est fort et la Russie ne pourra pas ne pas réagir. Elle choisira sans doute, de façon asymétrique, le moment d’agir, le moment venu où sa riposte sera décisive. Peut-on imaginer des drones militaires mexicains (téléguidés avec l’aide du renseignement russe) frappant des bases américaines sur le sol des Etats-Unis ?
De plus, ces attaques surviennent quelques jours seulement après que la Russie a effectué des exercices militaires nucléaires tactiques, espérant dissuader ceux qui, chez nous, n’excluent plus d’envoyer des troupes occidentales au sol. Sommes-nous aussi sourds et aveugles qu’en 1914 ? Il semble que chez nous, certains adorent « jouer avec le feu nucléaire russe » dont ils ne veulent pas voir la menace.
— Début mai, l’ambassadeur britannique avait été convoqué par Moscou après les déclarations du ministre britannique des Affaires étrangères, David Cameron, « sur le droit de l’Ukraine à frapper le territoire de la Russie à l’aide d’armes britanniques ».
— Ensuite, lors d’un déplacement à Kiev le 15 mai, le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken, bottant en touche, avait déclaré :
Nous n’avons pas encouragé ni favorisé les frappes hors d’Ukraine, mais au final, c’est à l’Ukraine de décider de la manière dont elle mène cette guerre.
— Le 24 mai, dans un entretien avec The Economist de Londres, Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’OTAN, a appelé à lever les restrictions imposées par les alliés sur l’usage de certaines armes et à accorder à Kiev « le droit de frapper des objectifs militaires légitimes » sur le territoire russe.
– Enfin, le mardi 28 mai, prenant la parole en Allemagne, Emmanuel Macron, qui jette pardessus bord toute idée de « souveraineté » européenne ou française, a lui aussi estimé que l’Ukraine doit avoir la possibilité de procéder à des frappes en profondeur sur le sol russe ! On doit permettre aux Ukrainiens de « neutraliser les sites militaires depuis lesquels ils sont agressés », mais pas d’autres cibles en Russie a dit le chef de l’État. Dans ces conditions, il n’y a pas selon lui de risque d’« escalade »...
OTAN, c’est le moment de partir
Si Macron, Cameron et Blinken sont des « politiques », Stoltenberg dépasse gravement ses prérogatives de secrétaire-général de l’OTAN, car l’adoption d’une telle orientation est soumise aux décisions prises, après discussion préalable et à l’unanimité, par les chefs d’Etats des pays membres.
Il confirme également ce que de nombreux anciens responsables de l’Alliance ont dénoncé : d’alliance défensive, l’OTAN est devenue « un train fou » qui, par son bellicisme, menace désormais cette sécurité mondiale qu’elle prétend vouloir sauvegarder.
L’attaque ukrainienne (occidentale) contre Armavir et le blanc-seing donné par l’OTAN à s’engager sur cette voie, ne doivent-ils pas pousser la France, en attendant l’occasion de refonder une architecture de sécurité globale, à adopter immédiatement la politique de « la chaise vide » à l’OTAN, bloquant de fait toute dérive belliqueuse ? Que fait donc la France (grande puissance européenne) dans une alliance où elle n’est ni respectée ni écoutée ?
Je vous remercie par avance d’avoir pris le temps de lire mon appel et de réfléchir à ces enjeux, en vue d’un positionnement sain qui puisse assurer tant notre protection que la sécurité et la paix dans le monde. Dans le contexte brûlant qui est le nôtre, soyez assuré(e), Madame la députée, que je prendrai soin d’utiliser tous les moyens pour tenir informés de votre réponse (ou de son absence) mon entourage et un maximum de mes concitoyens – ainsi que des suites données ou non à cette problématique par votre formation politique.
Soyez également assurée que cela aura une incidence sur mon choix électoral le 9 juin et, à l’évidence, sur celui de beaucoup des Français que je tiendrai informés.
En espérant pouvoir compter sur votre sens de mission, votre dévouement pour l’intérêt général, ainsi que votre détermination à défendre la sécurité de vos compatriotes autant que des autres populations de l’UE, je vous prie de recevoir, Madame/Monsieur la Député(e)/Sénatrice/Sénateur, l’expression de ma considération distinguée.
EN PJ : Communiqué de presse de l’Institut Schiller avec les avis des experts militaires y compris français.
https://www.institutschiller.org/Une-attaque-ukrainienne-sur-un-radar-russe-d-alerte-precoce-menace-de