L’éradication de Gaza doit être stoppée

mercredi 15 mai 2024


Il n’est désormais plus possible de le dire autrement : la guerre d’Israël à Gaza est entrée dans une phase d’extermination. Le 11 mai, l’armée israélienne a émis un « avertissement urgent » demandant aux habitants des quartiers centraux de Rafah de les quitter immédiatement pour rejoindre la « zone humanitaire » de la zone côtière d’Al Mawasi. De même, les Palestiniens du camp de Jabalia, au nord de Gaza, ont été invités à évacuer vers la ville de Gaza, au nord-ouest de la bande. Mais ce que personne ne peut plus ignorer, c’est que ces prétendues « zones humanitaires » sont dépourvues de tout.

Nulle part où aller

Le 9 mai, l’ONU a signalé qu’il n’y avait absolument rien dans la zone côtière d’Al Mawasi – ni eau, ni électricité, ni carburant, ni fournitures médicales, ni nourriture – rien. De même pour Khan Younis, où l’armée israélienne a suggéré aux habitants de se rendre, ou encore pour l’ouest de la ville de Gaza, au Nord, où les Palestiniens de Jabalia sont appelés à évacuer.

Sans aucun scrupule, Tsahal a affirmé qu’elle faisait cela pour éloigner les civils de la zone de combat « conformément au droit international ».

La soi-disant « zone humanitaire élargie » où les habitants de Rafah sont censés trouver refuge, ne dispose d’aucune infrastructure et ne peut certainement pas accueillir les 150 000 personnes supplémentaires qui sont en train d’affluer. La plupart des réfugiés pensent qu’il n’y a aucune zone sûre et que chaque centimètre carré est une cible. Le New York Times cite un Palestinien déplacé : « Nous ne savons pas ce qui va nous arriver. Nous allons vers l’inconnu. Tout le monde ressent la même chose. »

La réalité est que 1,5 million de Palestiniens déplacés n’ont nulle part où se réfugier en toute sécurité car la plus grande partie de Gaza a été réduite en ruines, et Rafah est le dernier endroit abritant des hôpitaux encore partiellement fonctionnels. Ainsi, une attaque israélienne dans cette ville porterait un coup fatal au système de santé déjà moribond de Gaza.

Blocus

L’urgence est criante. Depuis le 5 mai, nourriture, carburant, médicaments et autres fournitures ne peuvent plus pénétrer dans la bande de Gaza. L’armée israélienne a en effet fermé les deux points d’entrée frontaliers de Rafah et Kerem Shalom, empêchant ainsi le passage des convois de camions de fournitures se présentant aux postes frontières.

Le 9 mai, Truthout a rapporté que la directrice de la communication de l’UNRWA (l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine), Louise Wateridge, avait déclaré à la BBC que dans les prochains jours, il n’y aurait plus d’hôpitaux, de services de traitement de l’eau ou d’assainissement à Gaza si Israël poursuivait son blocus du carburant et de toutes les autres formes d’aide humanitaire.

Plusieurs organisations d’aide publiques et privées tirent la sonnette d’alarme. Le 11 mai, tandis que le Programme alimentaire mondial et l’UNRWA signalaient qu’il n’y avait désormais « plus de nourriture à distribuer », cinq hôpitaux, 28 services d’ambulances et 17 cliniques ont fermé.

Les requêtes se multiplient auprès de la Cour de La Haye

Face à l’horreur, de plus en plus de pays se mobilisent. Le 10 mai, l’Afrique du Sud a déposé auprès de la Cour internationale de justice (CIJ) de l’ONU, à La Haye, une demande de mesure d’urgence pour que la CIJ appelle les Nations unies à agir pour exclure Israël de Gaza. « La situation provoquée par l’attaque israélienne sur Rafah, et le risque extrême qu’elle représente pour les fournitures humanitaires et les services de base à Gaza, pour la survie du système médical palestinien et la survie même des Palestiniens de Gaza, n’est pas seulement une escalade de la situation actuelle, mais donne lieu à de nouveaux faits qui causent un préjudice irréparable aux droits du peuple palestinien à Gaza », affirme la requête sud-africaine.

Le même jour, la Libye déposait une « déclaration d’intervention » auprès de la CIJ, à l’appui du nouveau dépôt sud-africain, dénonçant le viol par Israël de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, adoptée en 1948 par l’ONU.

Le 12 mai, l’Égypte a décidé à son tour de dénoncer le génocide israélien auprès de la CIJ. Le ministère égyptien des Affaires étrangères a déclaré que Le Caire avait l’intention de se joindre à l’affaire devant la Cour internationale de justice, en raison de l’escalade de l’agression d’Israël contre les civils palestiniens. Le même jour, un porte-parole égyptien anonyme a averti que si Israël poursuivait le massacre à Gaza, l’Égypte pourrait remettre en cause le traité de paix israélo-égyptien de 1979.

« Cette démarche (…) est faite à la lumière de la gravité et de l’ampleur des attaques israéliennes contre les civils palestiniens dans la bande de Gaza, et de la poursuite de pratiques systématiques contre le peuple palestinien, y compris le ciblage direct des civils et la destruction des infrastructures dans la bande de Gaza, et le fait de pousser les Palestiniens à fuir », a déclaré le ministère égyptien des Affaires étrangères dans un communiqué.

L’Égypte se joindra à la Turquie et à la Colombie pour demander officiellement à endosser la requête judiciaire contre Israël, après que ces deux pays ont annoncé il y a quelques semaines leur intention de le faire.

Le développement mutuel ou la barbarie

À Gaza, le nombre de morts a dépassé les 35 000, dont plus de 14 000 enfants et 9000 femmes, et l’on compte plus de 78 000 blessés (chiffres officiels du Hamas, sans doute bien en-dessous de la réalité — voir à ce propos les estimations faites par l’ancien officier Guillaume Ancel). À moins d’arrêter le processus d’extermination en cours, le nombre de morts atteindra rapidement des centaines de milliers et les 2 millions d’habitants de la bande de Gaza se verront privés de toute possibilité de vivre dignement.

La Ligue des États arabes, l’Organisation de la coopération islamique et l’ensemble de la communauté internationale sont confrontés au spectre de l’élimination massive du peuple palestinien, un processus qui a lieu sous nos yeux, diffusé d’heure en heure par les médias grand public et les réseaux sociaux.

Il est grand temps d’intervenir : un cessez-le-feu et une aide humanitaire à grande échelle doivent être mis en place de toute urgence. Et surtout, la seule solution politique envisageable doit être mise sur la table : la reconnaissance de l’État palestinien et l’adoption du « Plan Oasis » proposé par l’Institut Schiller pour assurer l’approvisionnement en eau et le développement économique de la Palestine et d’Israël. Ce plan pourrait ensuite intégrer la Transjordanie à l’ensemble la région, de l’Afrique du Nord à l’Asie du Sud et à l’Europe, à travers des projets d’infrastructure d’eau et d’énergie, qui bénéficieront à tous les acteurs de la région.

Comme Jacques Cheminade l’a rappelé mardi soir, lors d’une conférence de Solidarité & Progrès, Israël et la Palestine sont le berceau de notre culture, et à ce titre, la guerre qui s’y déroule nous concerne tous. « C’est là-bas, à Rafah, qu’est en train de se jouer notre capacité à assurer qu’il n’y ait pas une société définie par l’outrage infligé à l’autre et le massacre », a-t-il déclaré.