Xi Jinping en France : que peut-on attendre de cette visite ?

dimanche 5 mai 2024, par Christine Bierre

Xinhua

Xi Jinping en France : une entente sino-française pour une détente internationale ?

Le président chinois Xi Jinping est arrivé en France pour une visite d’Etat du 6 au 7 mai. Au cœur de cette visite, la guerre en Ukraine et en Palestine, ainsi que les différends commerciaux qui enveniment les relations entre la Chine et l’UE (accusation européenne de subventions chinoises aux voitures électriques, et accusation chinoise de dumping des eaux de vie européennes, notamment le cognac).

Mais la question sur toutes les lèvres est : que peut-on attendre de cette visite ? Emmanuel Macron sera-t-il sensible aux propositions du président Xi Jinping, alors qu’il vient de renouveler sa menace, dans The Economist, de déployer des troupes au sol en Ukraine, créant les conditions d’une nouvelle guerre mondiale ? Alors qu’il songe à jouer un rôle plus important en Europe en s’alignant sur les Etats les plus russophobes, Pologne et Etats baltes, et en jouant les premiers de la classe à l’OTAN ?

L’approche chinoise permettrait au contraire à Emmanuel Macron de redonner à notre pays le rôle de puissance d’équilibre : une France indépendante des blocs, jouant un rôle de médiatrice pour la paix et le développement, face aux Empires et aux oligarchies.

C’est là que le 60e anniversaire, que nous fêtons cette année, de l’ouverture par Charles de Gaulle et Mao Zedong de relations diplomatiques entre la France et la Chine, le 27 janvier 1964, prend toute son importance comme source d’inspiration historique pour les responsables politiques chinois et français. Il y a 60 ans, nos deux nations indépendantes et inclusives décidaient d’agir ensemble pour changer la donne lorsque la paix et le développement sont menacés dans le monde, lorsque l’humanité est mise en danger par la constitution de blocs et les menées d’idéologies impériales.

Le plan de paix de la Chine pour l’Ukraine

De ce point de vue, il est, urgent qu’Emmanuel Macron réexamine les douze « positions chinoises pour un règlement politique de la crise ukrainienne », abondamment dénigrées par les incompétents et les géopoliticiens car elles ne seraient que des « principes ». Or, dans ce monde à la dérive qui perd ses valeurs citoyennes et morales, ce sont justement les principes qui régissent ces questions qu’il nous faut rétablir. Un premier document intitulé « Initiative pour la sécurité mondiale », publié en février 2021, se donne pour but « d’éliminer les causes de ces conflits internationaux » en promouvant « une paix durable ainsi que le développement du monde ». Et ceci, « par la voie du dialogue plutôt que l’affrontement » et par une « coopération gagnant-gagnant plutôt qu’un jeu à somme nulle ». Dans un deuxième document, publié le 24 février, la Chine présente sa « position sur le règlement politique de la crise ukrainienne », en 12 points.

En voici, résumés, les principaux points :
1. « Respecter la souveraineté de tous les pays. »
2. « Renoncer à la mentalité de guerre froide. (…) Toutes les parties doivent (...) promouvoir la construction d’une architecture de sécurité européenne équilibrée, effective et durable. Il faut s’opposer à ce qu’un pays recherche sa propre sécurité au prix de celle d’autrui, prévenir l’affrontement des blocs et œuvrer ensemble à la paix et à la stabilité sur le continent eurasiatique. »
3. Il faut aussi « cesser les hostilités, (…) soutenir la Russie et l’Ukraine de sorte qu’elles travaillent dans la même direction pour reprendre au plus tôt un dialogue direct, promouvoir progressivement la désescalade de la situation et parvenir finalement à un cessez-le-feu complet. » Et enfin,
4. « Lancer les pourparlers de paix. Le dialogue et les négociations sont la seule solution viable à la crise ukrainienne. »

Rétablir la paix en Palestine

Les positions française et chinoise sur la guerre à Gaza sont plus proches entre elles que de celle des Etats-Unis. Toutes deux appellent à un cessez-le-feu immédiat et permanent. Et si la Chine a reconnu l’État Palestinien, la France a toujours défendu le principe de la paix grâce à la création de deux Etats, alors que les Etats-Unis, en votant contre ou en s’abstenant à l’ONU, face à toutes les résolutions visant à arrêter l’offensive israélienne, et en continuant à livrer des armes à Israël pour commettre ses massacres, ont pris fait et cause pour Netanyahou.

La paix par le développement économique

Mais, ces plans de paix ne seront fructueux que s’ils sont soutenus par des projets de développement à long terme, permettant aux populations d’avoir un niveau de vie qui progresse rapidement. Et c’est là que nous arrivons à cette question fondamentale abordée par la Chine dans son « Initiative pour la sécurité mondiale », où elle dit que pour « éliminer les causes de ces conflits internationaux », il faut promouvoir « le développement du monde ».

Un « Plan Oasis » pour la paix au Proche-Orient, pour l’Asie du Sud-Ouest, pour le monde

Rien n’illustre mieux l’approche qui doit guider les efforts de paix entre Israël et la Palestine que le plan Oasis, proposé en 1975 par notre ami Lyndon LaRouche, et qui a été soutenu à l’époque par des responsables palestiniens et israéliens.

Ce plan, dont l’objectif était de permettre à ces pays souffrant de stress hydrique aigu de coopérer pour avoir de l’eau à volonté et assurer leur développement agricole et industriel, grâce à une énergie abondante permettant de dessaler l’eau de mer, est toujours d’actualité. Si Israël a résolu son problème, c’est en partie en pillant l’eau des Palestiniens. Le besoin en eau reste intact, non seulement pour le Proche-Orient mais aussi pour de nombreux pays en Asie du Sud-Ouest, en Afrique et dans le reste du monde.

Voilà un domaine où la Chine et la France pourraient faire des propositions constructives.

Bâtir une nouvelle architecture de sécurité dans le monde

Dans ses propositions, la Chine appelle à établir une nouvelle architecture de sécurité européenne, fondée sur ces principes. Jacques Cheminade et l’Institut Schiller d’Helga Zepp-LaRouche militent, quant à eux, pour la création d’une « Nouvelle Architecture de sécurité mondiale ».

Aujourd’hui, ce projet est en voie de concrétisation, grâce au renforcement des BRICS, passés de cinq (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) à dix, avec l’adhésion de l’Iran, de l’Arabie saoudite, des Emirats arabes unis, de l’Egypte et de l’Ethiopie (dont trois pays gros producteurs de pétrole). Les BRICS+ sont le fer de lance du Sud global qui revendique la fin du colonialisme et son accès à l’entière croissance.

Emmanuel Macron face au choix de sa vie

Il n’y a pas si longtemps, Emmanuel Macron demandait aux BRICS d’inviter la France à leur Sommet en Afrique du Sud, en août 2023. Au même moment, il avait organisé à Paris, en juin 2023, un « Sommet pour un nouveau pacte financier mondial » afin de discuter d’aménagements aux institutions qui régissent l’ordre financier du monde (FMI, Banque mondiale, etc.), sommet auquel la Chine et d’autres pays des BRICS avaient envoyé des représentants.

Or, si les BRICS cherchent non pas à se constituer en un bloc anti-occidental, mais à bâtir un monde plus juste, celui-ci n’est pas compatible avec ceux qui, en Occident, ne veulent pas renoncer à la mentalité de guerre froide, qui cherchent à imposer leurs intérêts au détriment des autres ou qui manipulent des conflits, comme l’OTAN…

Emmanuel Macron doit choisir. Rester dans l’OTAN et contribuer à déclencher une nouvelle guerre mondiale, ou saisir la main tendue par la Chine, dans l’esprit de Charles de Gaulle et de Mao Zedong, en 1964, et entrer dans l’histoire comme celui qui aura contribué à mettre fin à un empire financier, dirigé par Wall Street et la City de Londres, qui nous conduit au bord du gouffre, et à créer, avec le Sud global, les conditions pour la paix et pour un nouveau départ productif pour nos pays dits occidentaux.

Christine Bierre, responsable Chine à S&P

À lire aussi, sur le site de nos amis de l’Institut Schiller : L’idée de Justice et l’harmonie, Contribution pour une anti-géopolitique par Jérôme Ravenet

À voir, cette interview de Jacques Cheminade par Mandarin TV à l’occasion des 60 ans de l’ouverture des relations diplomatiques France-Chine :