Israël-Palestine : éteindre le feu avant qu’il ne devienne nucléaire

mardi 24 octobre 2023

Chronique stratégique du 24 octobre 2023

Toute personne saine d’esprit prend conscience que nous sommes potentiellement au bord d’une guerre nucléaire mondiale à court terme, qui peut être déclenchée par une nouvelle escalade de l’un ou l’autre des deux conflits — la guerre en Ukraine et le conflit entre Israël et le Hamas.

Ce qui rend cette situation si dangereuse et sans précédent, c’est le fait que les dirigeants occidentaux ne font pas pression pour un cessez-le-feu immédiat et une solution diplomatique, mais prennent parti unilatéralement.

Lundi dernier, au Parlement européen, plus de 400 eurodéputés ont rejeté un amendement exigeant un « cessez-le-feu » immédiat, textuellement identique à ce que demande le secrétaire-général de l’ONU António Guterres et des milliers d’ONG dans l’incapacité d’apporter du secours. Le compromis final, c’est une « trêve humanitaire pouvant conduire à un cessez-le-feu », formule bancale qui évite de condamner les crimes du guerre commis devant notre nez.

Par ailleurs, les États-Unis se préparent clairement, à moyen terme, à mener des guerres simultanées avec la Russie et la Chine, des conflits qui deviendront fatalement nucléaires.

Face à cette menace existentielle pour l’ensemble de l’humanité, nous avons besoin :

  • d’une mobilisation mondiale pour un cessez-le-feu immédiat dans les deux conflits,
  • d’un soutien à la proposition chinoise d’une conférence de paix en Asie du Sud-Ouest,
  • et d’une nouvelle architecture mondiale de sécurité et de développement qui mette définitivement de côté la géopolitique, qui place l’intérêt de l’humanité toute entière au premier plan et qui prenne en compte les intérêts de chaque nation de cette planète.

En d’autres termes, nous avons besoin de toute urgence d’un paradigme complètement nouveau comme base de la politique internationale.

Gaza

Hier, le ministre israélien de la défense, Yoav Gallant, a indiqué qu’une offensive terrestre à Gaza était imminente et qu’elle serait « longue et intense ». Dans le même temps, les voisins d’Israël se préparent à une escalade régionale qui pourrait voir l’ouverture d’un second front entre Israël et le Hezbollah au Liban et, dans le pire des cas, impliquer l’Iran. À ce moment-là, tout peut devenir hors de contrôle.

Les États-Unis disposent déjà de deux groupes de porte-avions, le USS Dwight D. Eisenhower Carrier Strike Group et le Gerald R. Ford Group, ainsi que du navire de commandement USS Mount Whitney, le navire amiral de la 6e flotte américaine, soit un total de dix navires de guerre et de 12 000 hommes, qui seront bientôt placés sous le commandement conjoint du commandant de la 6e flotte, le vice-amiral Thomas Ishee, près à intervenir.

Entre-temps, l’administration Biden a discrètement livré des missiles ATACMS à l’Ukraine, marquant ainsi une nouvelle escalade contre la Russie. L’ambassadeur russe à Washington, Anatoly Antonov, s’est montré consterné : « Les conséquences de cette action, qui a été délibérément cachée au public, seront de la plus grande gravité. (...) Nous avons déclaré que le fait de remplir d’armes le régime de Kiev compromettait gravement la sécurité stratégique et régionale. Les États-Unis incitent à une confrontation directe entre l’OTAN et la Russie ».

En réponse à ces développements, le président russe Vladimir Poutine, lors d’une conférence de presse donnée depuis la maison d’hôtes du gouvernement à Pékin, a annoncé en toute décontraction que des avions russes effectuaient désormais des patrouilles permanentes au-dessus de la mer Noire et étaient équipés du missile hypersonique Kinzhal, qui peut voler à la vitesse de Mach 9.

Il a ajouté : « Enfin, une erreur plus importante et très significative, bien qu’imperceptible jusqu’à présent, est que les États-Unis s’impliquent plus directement dans ce conflit. (...) Je tiens à dire — ce que je vais dire et dont je vais vous informer n’est pas une menace — que j’ai donné l’ordre aux forces aérospatiales russes de commencer à patrouiller en permanence dans la zone neutre au-dessus de la mer Noire. Nos avions MiG-31 sont équipés de systèmes Kinzhal qui, comme chacun sait, ont un rayon d’action de plus de 1 000 kilomètres et peuvent atteindre la vitesse de Mach 9 ».

Le président Poutine a ensuite répété : « J’ai insisté sur le fait qu’il ne s’agissait pas d’une menace. Mais nous effectuerons un contrôle visuel et un contrôle par les armes de ce qui se passe en mer Méditerranée ».

Cela signifie que ces missiles, contre lesquels il n’existe actuellement aucune défense, pourraient, en un temps de vol très court, atteindre toutes les cibles militaires en Ukraine et couler le groupe de porte-avions américains au large des côtes israéliennes. Seuls les planificateurs savent exactement quand les missiles Kinzhal pourraient être déployés, par exemple si des alliés russes tels que la Syrie ou l’Iran étaient impliqués dans des opérations militaires de plus grande envergure.

Encore des dollars pour les guerres

Dans le même temps, Joe Biden tente de réunir un « package » de 100 milliards de dollars supplémentaires pour diverses opérations, alors que les États-Unis sont massivement endettés, à hauteur de 33 628 038 748 492 dollars au début du mois d’octobre, et de les faire passer au Congrès malgré les énormes problèmes économiques et sociaux du pays : environ 60 milliards de dollars pour l’Ukraine, 10 milliards de dollars pour Israël, le reste pour Taïwan et la défense contre les réfugiés à la frontière avec le Mexique. Et la secrétaire au Trésor Janet Yellen, malgré tous les signes d’une énorme perte de réputation du dollar et de la dédollarisation qui en découle, continue de s’appuyer sur la capacité à multiplier miraculeusement l’argent et souligne que les États-Unis n’ont aucun problème à financer deux guerres en même temps.

Indépendamment de toutes les réalités du champ de bataille — l’échec de la contre-offensive ukrainienne est désormais admis même par les grands médias —, une fin rapide des guerres, tant dans le cas de l’Ukraine que dans celui d’Israël et du Hamas, est explicitement exclue : le département d’État somme les diplomates américains et les médias de ne pas utiliser des termes tels que « désescalade », « pourparlers de paix », « fin de la violence » ou « cessez-le-feu ».

La question est de savoir si les Européens souhaitent toujours faire « tout ensemble » avec les États-Unis ? Le nouveau plan stratégique militaire des États-Unis envisage un conflit simultané avec la Russie et la Chine, ce qui représente un écart significatif par rapport à l’évaluation précédente, selon laquelle les États-Unis pourraient, au mieux, gérer une guerre avec une superpuissance et un conflit régional simultané.

Et puis, il y a cette phrase remarquable que M. Biden a prononcée le 15 octobre dans l’émission 60 Minutes de la chaîne CBS News : « Imaginez ce qui se passerait si nous unissions toute l’Europe et si Poutine était finalement déposé, là où il ne peut plus causer le genre de problèmes qu’il a causés ». Cette expression est clairement irresponsable lorsqu’elle est utilisée en rapport avec le commandant en chef de la plus grande puissance nucléaire du monde.

Lorsqu’on lui a demandé de commenter la remarque de M. Biden, M. Poutine a répondu de manière relativement calme : « En Russie, nous avons un dicton bien connu : Vivez longtemps, apprenez beaucoup. Et cela ne s’applique pas seulement au président Biden, mais à toute l’élite politique des États-Unis. Nous devons apprendre à respecter les autres, et alors il n’y aura plus besoin de mettre qui que ce soit à terre. (...) Le respect des autres peuples, des autres pays, des autres nations, c’est autre chose, c’est la prise en compte de leurs intérêts ».

Jusqu’à présent, cependant, il ne semble pas que les intérêts d’une seule nation aient été pris en compte, mais plutôt ceux du complexe militaro-industriel des États-Unis et de l’Europe. Après le déclenchement du conflit entre Israël et le Hamas, les actions de Lockheed Martin ont augmenté de 9 % en une seule journée, et les autres grands fabricants d’armes ont également réalisé de gros bénéfices.

Toutefois, le fait de se ranger inconditionnellement du côté d’Israël ne répond pas à la question de savoir de quel Israël on parle. S’agit-il de l’Israël dont les citoyens sont descendus dans la rue pendant des mois contre la réforme constitutionnelle de Netanyahou, ou de l’Israël qui veut faire disparaître les derniers vestiges de la possibilité d’un État palestinien, ou de l’Israël dans lequel il est question d’écarter Netanyahou le plus rapidement possible ? Il en résulterait des perspectives tout à fait différentes.

Et ne serait-il pas opportun que les médias rapportent enfin qui est publié en Israël, à savoir le soutien délibéré, depuis des décennies, de Netanyahou et sa clique d’extrémistes aux branches les plus extrémistes du Hamas afin de rendre impossible une fois pour toutes l’option d’un État palestinien ?

Toutes les forces désireuses d’empêcher que les crises d’Ukraine et d’Asie du Sud-Ouest ne dégénèrent en guerre mondiale doivent faire pression sur leurs gouvernements pour qu’ils prennent les initiatives de paix qui s’offrent à eux.

La conférence de paix pour l’Asie du Sud-Ouest proposée par la Chine n’est pas la moindre de ces initiatives. Le « Plan Oasis » proposé par Lyndon LaRouche en 1975 fournit la charpente d’une politique de développement économique nécessaire qui doit être la base de toute pacification de la région. Les principes de la paix de Westphalie de 1648 imposent également que la résolution 242 du 22 novembre 1967, adoptée par l’ONU et acceptée par Israël lui-même, soit enfin mise en œuvre.

Sans cela, le monde restera sur une trajectoire conduisant tôt ou tard à la catastrophe. Nous avons donc besoin d’un revirement complet dans notre façon de penser.

Références :