Chronique stratégique du 9 février 2024
Comme nous l’avons rapporté dans la dernière chronique, tout porte à croire qu’Israël semble déterminé à donner raison à l’accusation de génocide portée par l’Afrique du Sud devant la Cour internationale de Justice (CIJ), et à mépriser sans vergogne les ordonnances promulguées par cette Cour le 26 janvier dernier exigeant que l’État hébreu – et ses complices – empêchent tout acte de génocide en Palestine.
En effet, une opération terrestre se prépare dans le Sud de la bande de Gaza, où se trouvent entassés un million et demi de Palestiniens, à Rafah. Al Jazeera rapporte que la panique grandit parmi elles à l’idée de se retrouver face aux chars israéliens sans aucune issue où se réfugier. « Ce que les gens vivent dans la partie sud de la bande de Gaza, c’est une recrudescence des attaques aériennes, terrestres et maritimes », explique un envoyé spécial d’Al Jazeera depuis Rafah. « Gaza est l’un des lieux les plus densément peuplés de la planète, et Rafah est aujourd’hui le lieu le plus densément peuplé de Gaza. Toute forme de campagne militaire ou de frappe aérienne amplifierait les risques d’attaques disproportionnées », a déclaré Omar Shaki, directeur de la division Israël-Palestine à Human Rights Watch. La densité de population de Rafah atteindrait 22 000 personnes par kilomètre carré, soit près de huit fois plus qu’avant le conflit.
Dans un communiqué publié le 8 février, le Conseil norvégien pour les réfugiés prévient que les opérations terrestres israéliennes à Rafah risquent de causer davantage de morts parmi les civils et d’entraîner l’arrêt des opérations d’aide humanitaire. « Une expansion des hostilités pourrait transformer Rafah en une zone d’effusion de sang et de destruction dont les gens ne pourront pas s’échapper. Il n’y a plus nulle part où les gens peuvent fuir », a déclaré Angelita Caredda, directrice régionale du Conseil norvégien pour les réfugiés (NRC) pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord. « Les conditions à Rafah sont déjà désastreuses, et une opération militaire israélienne à grande échelle entraînera encore plus de pertes en vies civiles. Les travailleurs humanitaires sont aux prises avec l’insécurité et l’insuffisance de l’aide depuis des mois. Les attaques dans les zones où ils fournissent de la nourriture, de l’eau et des abris signifient que cette aide vitale sera entravée, voire complètement arrêtée ».
Selon le NRC, une nouvelle détérioration des conditions humanitaires à Rafah serait d’autant plus catastrophique que la maladie et la famine font déjà des ravages parmi cette population réfugiée. « Une évaluation par le NRC de neuf abris accueillant 27 400 civils à Rafah a révélé que les gens n’avaient pas d’eau potable, de douches ou d’articles d’hygiène personnelle. (…) Des maladies, notamment l’hépatite A, la gastro-entérite, la diarrhée, la variole, les poux et la grippe, ont été signalées dans tous les endroits évalués ».
Des organisations israéliennes appellent au cessez-le-feu
Le 7 février, 24 organisations israéliennes ont lancé un appel pour un cessez-le-feu complet et immédiat et pour une aide massive, compte tenu de la situation humanitaire désastreuse à Gaza pour quelque 1,7 million de personnes :
« Nous, soussignés, organisations de la société civile et de défense des droits de l’homme basées en Israël, appelons à un cessez-le-feu immédiat dans la bande de Gaza et exigeons la libération immédiate des otages détenus dans la bande de Gaza. Un cessez-le-feu immédiat permettra d’éviter de nouvelles pertes en vies civiles et facilitera l’accès à l’aide vitale pour Gaza afin de faire face à la catastrophe humanitaire sans précédent qui s’y déroule.
En plus de 120 jours de guerre à Gaza, à la suite de l’attaque flagrante du Hamas le 7 octobre qui a tué quelque 1200 Israéliens et internationaux, nous avons été témoins de bombardements israéliens et de la politique de siège causant des morts et des destructions insondables dans la bande de Gaza, poursuivent les organisations.
Selon le ministère palestinien de la Santé, quelque 27 000 personnes ont été tuées, plus de 66 000 autres ont été blessées et des milliers d’autres sont toujours ensevelies sous les décombres. Le système de santé a été presque totalement décimé par les assauts militaires, les coupures d’électricité, le nombre énorme de membres du personnel médical tués ou déplacés et les pénuries de médicaments et d’équipements médicaux. Seuls 14 des 36 hôpitaux sont partiellement opérationnels et ils sont déjà sur le point de s’effondrer en raison d’une surcharge extrême et d’un manque de fournitures. L’approvisionnement en nourriture et l’eau potable font défaut dans toute la bande de Gaza, et l’ensemble de la population est exposée à un risque imminent de famine et de déshydratation.
Quelque 1,7 million de personnes, soit environ 75 % de la population, ont été déplacées. Les abris pour personnes déplacées sont surpeuplés et manquent de conditions de base, avec des pénuries extrêmes de nourriture, d’eau et d’autres produits de première nécessité. De vastes zones de la bande de Gaza ne sont plus habitables. Des milliers de maisons ont été lourdement endommagées ou détruites par les bombardements israéliens, tandis que des infrastructures civiles essentielles, des bâtiments publics, des institutions culturelles, des lieux de culte et des sites patrimoniaux sont en ruines.
La pénurie de ravitaillement et les hostilités actives empêchent une réponse humanitaire efficace. Israël n’a pas accès à certains articles humanitaires et matériels médicaux nécessaires. Les fortes pluies, le froid et la surpopulation extrême dans les campements de tentes et les abris ont considérablement augmenté l’incidence des maladies. La distribution du peu d’aide qui entre est considérablement entravée par l’absence d’accès sûr à l’intérieur de la bande de Gaza. Aucun lieu de Gaza n’est sûr pour les civils.
Nous appelons donc toutes les parties à parvenir à un cessez-le-feu immédiat et nous demandons à Israël d’autoriser l’entrée et l’acheminement sans entrave de l’aide humanitaire et des biens à l’intérieur et à l’extérieur de Gaza, comme l’a ordonné la Cour internationale de Justice. Le Hamas doit de, son côté, libérer sans condition toutes les personnes prises en otage le 7 octobre. Nous appelons la communauté internationale à respecter son obligation légale de rétablir le respect du droit international humanitaire et de protéger les civils. La communauté internationale doit veiller à ce que tous les responsables de graves violations du droit international humanitaire et des droits de l’homme soient amenés à rendre des comptes. Ces mesures sont vitales pour garantir les droits de l’homme et la sécurité des Israéliens et des Palestiniens ».