Génocide à Gaza : « Savait ou aurait dû savoir »

mardi 6 février 2024

Chronique stratégique du 6 février 2024

Résumons la situation stratégique : la Cour internationale de justice (CIJ) a statué le 26 janvier 2024 qu’il est plausible qu’un génocide soit activement perpétré par Israël contre le peuple palestinien de Gaza, comme l’a accusé le gouvernement d’Afrique du Sud.

La CIJ a également demandé que « les États tiers agissent de manière indépendante et immédiate pour empêcher tout génocide par Israël et pour s’assurer qu’ils ne violent pas eux-mêmes la convention sur le génocide en aidant ou en assistant à la commission d’un génocide. Cela impose nécessairement à tous les États, l’obligation de cesser de financer et de faciliter les actions militaires d’Israël, qui sont vraisemblablement génocidaires », comme l’a déclaré le ministre sud-africain des affaires étrangères, Naledi Pandor, le 31 janvier.

Les décisions de la CIJ sont contraignantes pour les gouvernements impliqués et pour leurs responsables ; Israël s’est ainsi vu accorder 30 jours pour rendre des comptes à la Cour et documenter sa conformité avec l’ordonnance de la Cour.

Au lieu de se conformer aux exigences de la Cour, Israël et ses principaux alliés internationaux ont bafoué avec arrogance ces décisions. Le 26 janvier, le jour même où l’ordonnance de la CIJ a été rendue, dans une tentative de diversion flagrante, les gouvernements d’Israël et des États-Unis se sont entendus pour suspendre tout financement de l’UNRWA (Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine), qui fournit la grande majorité de l’aide humanitaire vitale pour la bande de Gaza, sous l’égide des Nations unies. Ils ont pris pour prétexte un dossier israélien secret, qui n’a toujours pas été rendu public, accusant une douzaine d’employés de l’UNWRA (sur 13 000 à Gaza et 30 000 dans la région) d’avoir été impliqués dans l’action terroriste du Hamas le 7 octobre.

Au total, 17 pays, dont les États-Unis, l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni et l’Italie), ainsi que l’Union Européenne, ont gelé leur financement de l’UNRWA, et l’on peut d’ores et déjà affirmer que la menace de famine qui pèse actuellement sur 2,3 millions de personnes à Gaza se transformera en une véritable famine, puisque le financement de l’UNRWA aura entièrement disparu d’ici la fin du mois de février.

Une décision d’autant plus abjecte que le bilan s’alourdit chaque jour à Gaza. Le 2 février, le représentant de l’OMS pour les territoires palestiniens occupés, le Dr Rik Peeperkorn, a rapporté que l’on décompte au moins 100 000 morts, blessés, disparus ou présumés morts, depuis le 7 octobre, soit 4,3% de la population totale de Gaza (rapporté à la population française, cela représenterait près de 3 millions de victimes).

Le 30 janvier, le ministère israélien de la défense a annoncé qu’il inondait les tunnels de Gaza avec de l’eau de mer, ce qui non seulement risque de tuer bon nombre d’otages en même temps que des membres du Hamas, mais pourrait réduire à néant les capacités d’approvisionnement en eau douce de la région, notamment pour l’agriculture, pour les années voire décennies à venir.

Le 4 février, les forces armées israéliennes se trouvaient aux abords de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, se préparant à lancer un assaut militaire de grande envergure contre 1,7 million de Palestiniens désespérés, qui s’y étaient réfugiés pour fuir les bombardements dans le Nord. Ainsi, il semble bien qu’Israël soit résolu à mettre en œuvre la politique que la CIJ a qualifiée de « génocide plausible » et qui pourrait donc finir par la « solution finale au problème palestinien ».

Dans le même temps, les forces militaires combinées des États-Unis et du Royaume-Uni — les deux pays les plus directement responsables du financement et de l’armement de la guerre israélienne contre la Palestine — ont lancé des frappes aériennes au cours du week-end contre des « cibles ennemies » sélectionnées au Yémen, en Irak et en Syrie, avec l’intention manifeste d’envoyer un message de « choc et de stupeur » pour terrifier le monde entier et l’obliger à se soumettre.

En réalité, comme l’a affirmé la présidente de l’Institut Schiller, Helga Zepp-LaRouche, ces déploiements de force sont révélateurs de l’état de grande faiblesse de l’empire anglo-américain. À l’issue de la réunion hebdomadaire de la Coalition internationale pour la paix vendredi, elle a encouragé les gens à se mobiliser, notamment devant les ambassades et les consulats des pays impliqués dans l’opération génocidaire d’Israël, afin d’exiger un cessez-le-feu à Gaza et le rétablissement immédiat du fonctionnement de l’UNRWA.
Depuis le jugement de la CIJ du 26 janvier, tous les gouvernements du monde, tous les responsables publics, sont avertis : non seulement ils « auraient dû savoir » ce qui se passait à Gaza sous leur yeux, mais ils le savent désormais. L’histoire, ainsi qu’un probable tribunal de Nuremberg, les jugeront en conséquence.