Revue de presse
LIVRE
Connemara
Nicolas Mathieu, Actes sud.
« Un jour c’est sûr, c’est en vendant la promesse d’un monde décroissant qu’on gratterait les ultimes percentiles. »
Nicolas Mathieu situe ce roman entre Nancy et Epinal dans la région du Grand Est sur le fond musical d’un tube des années 80 de Michel Sardou, devenu l’hymne mythique des fins de soirée de fête. Connemara c’est le récit d’une brève rencontre amoureuse dans une France décroissante, entre une cadre d’un cabinet de conseil en mal de reconnaissance et un commercial qui peine « davantage pour satisfaire des objectifs toujours moins réalistes » que lui demande sa boîte de vente de croquettes pour chien.
La quarantaine, mariée, deux enfants, Hélène travaille dans le cabinet de conseil Elexia, situé à Nancy. Diplômée de grandes écoles, elle a réalisé le rêve de son adolescence : « se tirer, changer de milieu, réussir ». En effet, le 16 janvier 2015, la nouvelle découpe de la France en 13 régions a ouvert des opportunités à des cabinets de conseils qui se sont infiltrés dans les organismes régionaux pour « régler leurs problèmes ». A la tête d’Elexia, Erwann entrevoit le pactole :
Ô Grand Est… On va pas se le cacher. Les collectivités sont ultra-flippées… Ils n’ont pas la moindre idée de ce qu’il faut faire… Le robinet est grand ouvert .
S’il a vécu dans le même village des Vosges, fréquenté la même école, Christophe est resté au bled, « remettant au lendemain les grands efforts ». Divorcé, un enfant, il vend de la bouffe pour chien et a parmi ses bons clients, les vétérinaires qui « mine de rien sont en mesure de faire passer n’importe quelle croquette pour un soin ».
Derrière les théories managériales qui relèvent souvent du boniment de salon, savamment préparées à coup de PowerPoint et de pseudoscience statistique : « C’était un métier. Offrir des remèdes miracles, apporter à domicile des nouvelles de l’air du temps économique et acclimater dans ces fragiles écosystèmes les dernières créatures en date de la ménagerie néolibérale. ». Mais de ces mirages dispendieux, il ne reste que du vent. Rien d’autre.
Les personnages des romans de Nicolas Mathieu ont l’envie de tout refaire et croient que tout est possible, mais votent contre eux. Tout comme dans son précédent roman, Leurs enfants après eux, l’auteur est sans concession vis-à-vis de la société et de ses maîtres mais tendre pour ses personnages. Cher lecteur, vous vous reconnaîtrez peut-être.