Réduire les émissions de CO2 : quelles conséquences ?

lundi 17 décembre 2018, par Pierre Bonnefoy

Paysage d’hiver avec patineurs et trappe aux oiseaux (1565), tableau de Pierre Bruegel l’ancien. Il faisait très froid au XVIe siècle, au point que pour traverser les rivières on marchait sur la glace.

Et si la révolte des gilets jaunes, et avec elle la remise en cause de la taxe sur le carburant, était l’occasion de prendre l’air ? Une petite pause pour prendre un peu de recul dans l’angoisse climatique... Depuis la publication du rapport du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) le 6 octobre dernier, on n’osait même plus respirer de peur d’émettre du CO2...

Ce rapport postule que la température moyenne de l’atmosphère terrestre a été stable pendant une longue période « préindustrielle », et qu’elle a augmenté brutalement entre 1850 et aujourd’hui d’environ 1 °C à cause de l’activité industrielle humaine, qui entraîne des émissions de CO2. Si rien n’est fait, l’augmentation de la température pourrait donc atteindre, selon les prévisions du GIEC, au moins 1,5 °C entre 2030 et 2052.

Si le rapport pose comme impératif de rester sous ce seuil, il reconnaît que dans un contexte où, de fait, les émissions de CO2 continuent d’augmenter, ce sera très difficile. Pire : ces 1,5 °C contiendraient déjà en germe toute une série de catastrophes dignes des films d’Hollywood !

Autrement dit : nous n’aurions plus que quelques mois devant nous pour agir, de sorte à ce qu’à partir de 2020 nos émissions nettes de CO2 commencent à diminuer.

Tel est le panorama apocalyptique admis par « 97% des climatologues ». Un chiffre sorti d’on ne sait où, mais répété partout. N’étant pas experts nous-mêmes, nous sommes fortement incités à nous fier aveuglément au jugement de ceux qui sont plus compétents que nous. Telle est la position d’un Jean-Marc Jancovici par exemple, pourtant grand connaisseur de l’énergie et défenseur indéfectible du nucléaire... qu’il place au centre de sa lutte contre le réchauffement global, s’inclinant devant ceux qui savent.

Vous trouvez cette attitude raisonnable ? Pourtant l’histoire des sciences regorge d’exemples où des experts ont eu tort, à l’unanimité. Ainsi jusqu’au XIXe siècle, la plupart des médecins, niant le rôle des germes venus de l’environnement extérieur, étaient convaincus que l’être humain portait la maladie en lui.

Louis Pasteur, un « vulgaire chimiste », fit scandale en les accusant de tuer leurs patients parce qu’ils ne se lavaient pas les mains avant d’opérer. Mais Pasteur eut raison. Contre tous. Aujourd’hui, le GIEC considère que le « dérèglement climatique » a une origine purement terrestre – l’activité humaine – et ne tient pas compte de l’environnement cosmique de la Terre dans ses modèles informatiques…

L’environnement qu’on laisse à nos enfants

Ne laissons donc pas nos émotions et nos peurs étouffer notre raison. N’ayons pas peur d’examiner, derrière la question climatique, la manière de penser de toute une société, experts compris. A ce sujet, si vous n’avez pas vraiment mesuré les effets du catastrophisme ambiant sur vos propres enfants, lisez dans le Monde daté du 4 décembre l’article consacré à Greta Thunberg, suédoise de 15 ans. A la rentrée d’août dernier, Greta a démarré une « grève scolaire pour le climat ». Forte de 18 000 abonnés sur Twitter, elle a parlé le 22 octobre devant 10 000 personnes à Helsinki, ouvertement inspirée par le dernier rapport du GIEC :

Certaines personnes disent que nous devrions étudier pour devenir chercheurs sur le climat, afin de pouvoir résoudre la crise climatique. On a les outils pour la résoudre. (…) Pourquoi devrions-nous étudier pour un futur qui n’existera bientôt plus, alors que personne ne fait rien pour le sauver ?

Lorsqu’on observe le train de vie des politiciens et autres people qui lancent régulièrement des appels très médiatisés pour « sauver le climat » sans que cela ne les empêche de laisser une « empreinte écologique » largement supérieure à la moyenne de la population, on ne peut que comprendre la colère de Greta. Malheureusement, la jeune fille ne semble pas vraiment connaître Arnold Schwarzenegger avec qui elle a rendez-vous à Vienne en mars 2019 dans le cadre du sommet autrichien dont il est l’instigateur. Ignore-t-elle l’état désastreux dans lequel il a laissé la Californie, lui qui en fut le gouverneur ?

L’Etat américain vient d’être dévasté par un incendie historique... pour lequel, une fois de plus, on accuse l’activité humaine. Or l’on devrait plutôt parler d’inactivité humaine ! Ainsi dans les années 1950, on savait que cette région, qui avait connu une période d’humidité exceptionnelle, allait redevenir extrêmement sèche. Il existait un grand projet d’aménagement du territoire, le NAWAPA, pour irriguer tout l’ouest des Etats-Unis avec de l’eau canalisée depuis l’Alaska. Proposition qui fut torpillée après l’assassinat de Kennedy, par une entente tacite entre milliardaires et écologistes de la région. Les infrastructures privatisées sous Schwarzenegger, et en particulier les lignes électriques, n’ont évidemment pas reçu les coûteux travaux de maintenance nécessaires ; les forêts ont été laissées à « l’état naturel », sans entretien... Des étincelles au milieu d’une végétation sèche, sans coupe-feu, ont fait le reste.

Le critère de densité d’énergie

Vous me direz, si on ne peut rien attendre en matière de civisme environnemental de la part des politiciens corrompus, on ne peut pas en dire autant des sincères scientifiques du GIEC. Alors examinons leurs préconisations. Les quatre scénarios proposés dans le rapport du 6 octobre à l’usage des décideurs pour arriver à un « bilan CO2 nul en 2050 », prévoient essentiellement de remplacer les énergies carbonées par différents mix d’énergies dites « renouvelables » (ENR) et de nucléaire.

Jean-Marc Jancovici démontre très bien (de même que Guillaume Pitron dans La guerre des métaux rares, la face cachée de la transition énergétique et numérique) en quoi l’utilisation massive d’ENR se soldera irrémédiablement par un immense gâchis économique et écologique. Un gâchis d’autant plus absurde que, compte tenu de l’intermittence des ENR et de l’absence de moyens de stockage de l’électricité à grande échelle, il faudrait doubler ces ressources de moyens « pilotables » supplémentaires : autrement dit soit des centrales nucléaires, soit des centrales... carbonées (centrales à charbon, lignite, gaz, etc) !

Sans compter les besoins supplémentaires en lignes électriques, réseaux « intelligents », etc., pour faire fonctionner cette tour de Babel électrique. Pitron montre que les ENR nécessitent beaucoup de métaux rares et terres rares, qui ne peuvent être obtenus que par des opérations de minage très polluantes. Au point que les écologistes ont obtenu leur fermeture en Occident... pour les faire sous-traiter en Chine depuis une quarantaine d’années.

Le critère général qui nous conduit ici à rejeter les ENR au profit du nucléaire, c’est la comparaison entre les densités des différentes sources d’énergie. La densité d’énergie, c’est la quantité d’énergie produite par unité de masse de matière utilisée et par unité de surface de territoire. Partant de ce critère, nous pouvons donc affirmer que le nucléaire est qualitativement supérieur aux énergies fossiles « carbonées » qui sont elles-mêmes qualitativement supérieures aux ENR.

Le facteur malthusien dans l’écologisme

Les quatre scénarios, vous l’aurez deviné, ne prévoient qu’un rôle marginal pour le nucléaire. Soit, à l’horizon 2050, et dans le meilleur des cas, une augmentation de ses capacités d’un facteur de seulement 6 par rapport à 2010. Ceci se reflète dans les propos récents de Gerd Mueller, le ministre allemand du Développement. Au moment de partir pour la Pologne où se déroulait la COP24 du 2 au 14 décembre, il déclara que si l’on voulait alimenter tous les foyers africains par de l’électricité issue d’énergie fossile, il faudrait construire au moins 1000 centrales à charbon. Face à cette perspective cauchemardesque, il ajouta qu’un investissement massif devrait donc y être effectué dans les ENR mais, et c’est typique, Mueller n’a pas dit un mot sur le nucléaire.

Disons-le sans fard : rien de sérieux n’est prévu dans toute cette agitation climatique pour que les populations d’Asie, d’Amérique latine et d’Afrique atteignent un niveau de vie équivalent au nôtre. Or ces pays sont en pleine phase de développement. Comment alors satisfaire aux exigences du GIEC ? Leur faire la guerre ? Ils ne pourront certainement pas passer du charbon au nucléaire dans le délai fixé avant « l’apocalypse climatique ». Comme cela apparaît à petite échelle en France à la lumière des Gilets jaunes, il est tout simplement impossible de suivre les recommandations du GIEC sans provoquer de catastrophe humanitaire, c’est à dire une chute criminelle des niveaux de vie des populations. Est-ce vraiment cela que nous voulons ?

Le fait est que si l’on s’interroge sur la philosophie de ceux qui promeuvent ces politiques, le malthusianisme est très présent. Contentons-nous ici d’un seul exemple, celui d’un expert d’une grande influence politique : le climatologue allemand Hans Joachim Schellnhuber, membre du Club de Rome, ami d’Angela Merkel, conseiller du Pape François et élevé par la reine d’Angleterre au rang de « Commandeur honoraire de l’Empire britannique ». En mars 2009, lors d’une réunion préparatoire de la COP15 organisée avec le prince Charles, Schellnhuber déclara : « au moins, nous sommes parvenus à stabiliser quelque chose : l’estimation de la capacité d’accueil de la planète, c’est-à-dire un milliard de personnes » !

Poussons encore un peu cette logique pour voir où elle nous mène, quitte à choquer. Estimons à la louche qu’Hitler a exterminé 100 millions de personnes en 6 ans. A ce rythme-là, il faudrait 360 ans pour éliminer les 6 milliards d’humains « en trop ».

Beaucoup trop long, du point de vue de l’urgence climatique… Pensez-vous vraiment que le jugement des experts est digne de votre confiance pour le simple fait qu’il s’agit d’« experts » ?

Restaurer un véritable débat contradictoire

En fait, tous les scientifiques ne partagent pas les conclusions du GIEC, ni certaines de leurs prémisses/postulats/axiomes.

On peut citer le groupe des « climato-réalistes » dont fait partie François Gervais, auteur des livres L’innocence du carbone et L’urgence climatique est un leurre. Certains points importants de leurs arguments méritent d’être soulignés. Tout d’abord, les climatologues devraient avoir l’humilité de reconnaître que la climatologie se trouve dans la situation où était l’astrophysique avant Kepler : on mesure des phénomènes physiques comme des températures, des concentrations de CO2 dans l’atmosphère, etc., entre lesquelles il semble y avoir certaines corrélations. Cependant, la science véritable qui nous permet de passer des corrélations mathématiques aux causes physiques des phénomènes n’existe pas encore.

Considérons le comportement des modèles informatiques extrêmement complexes utilisés par les climatologues pour faire leurs prévisions : ils sont intrinsèquement chaotiques. Cela signifie qu’une variation d’une donnée de départ aussi infime que le proverbial « battement d’aile d’un papillon », produira une énorme modification dans la prévision climatique à long terme !

Partant de là, Gervais montre que le GIEC n’a pas grand-chose à changer dans son choix de données initiales pour obtenir la prévision souhaitée… D’autant plus que les comparaisons entre températures moyennes se basent, pour les décennies récentes, sur des mesures directes (effectuées en différents points du globe), contre des estimations et des mesures indirectes pour les époques plus anciennes.

Comment, dans ces conditions, affirmer comme le fait le GIEC que la température moyenne a été stable pendant des siècles, mais qu’à partir de 1850, début de l’ère industrielle, elle a commencé à monter ? L’on sait, par exemple, qu’entre la Renaissance et le XIXe siècle il y eu un « Petit âge glaciaire », illustré notamment par Le paysage d’hiver avec patineurs, tableau de Bruegel montant un fleuve gelé.

Plus tard, le 12 janvier 1660, Louis XIV traversa à pied le Rhône à la hauteur d’Arles, en Provence, car il était... gelé ! Prendre 1850 comme référence, c’est-à-dire une époque exceptionnellement froide, ne peut conduire qu’à « constater » un réchauffement aujourd’hui.

Si, en revanche, le GIEC avait pris comme référence « l’Optimum climatique médiéval », il aurait conclu que l’époque actuelle est froide. En effet, lorsque les Vikings découvrirent la contrée qu’ils baptisèrent « Groenland », celle-ci était un « pays vert », comme son nom l’indique. D’ailleurs, à cette époque on cultivait déjà de la vigne au nord des Iles britanniques.

Nouvelles pistes de recherche

La science du climat n’en est qu’à ses balbutiements. Il faut impérativement la faire avancer avant de prendre des décisions politiques aux conséquences mortifères. Ce travail de recherche est en cours. Un fait admis par tous les climatologues, y compris ceux du GIEC, est que le principal gaz à effet de serre dans l’atmosphère n’est pas le CO2, et de loin, mais la vapeur d’eau des nuages. Il serait donc légitime de concevoir que les causes de formation des nuages puissent jouer un rôle plus important que les émissions de CO2 dans l’évolution du climat. Par ailleurs, comment accepter, comme le fait le GIEC dans ses prémisses, de ne prendre en compte que des phénomènes terrestres pour expliquer cette évolution et négliger l’influence de l’environnement de notre planète ?

Ce qui le conduit à considérer que les cycles d’activité solaire – qui ont une influence météorologique – ne jouent aucun rôle notable dans l’évolution du climat. Plusieurs hypothèses différentes sont étudiées par les climato-réalistes pour réfuter cet a priori arbitraire.

L’une d’entre elles a reçu certaines confirmations expérimentales : celle du cosmo-climatologue danois Henrik Swensmark. Il était déjà connu que l’ionisation de l’atmosphère accélère l’agrégation de molécules de vapeur d’eau, et donc la formation de nuages. Swensmark a montré que les particules cosmiques venues de notre galaxie, dont le flux dans l’atmosphère terrestre est modulé par l’activité solaire, sont capables d’y produire cette ionisation. Ainsi, le facteur principal dans l’évolution de notre climat ne serait pas humain mais cosmique !

Pour finir, signalons que François Gervais a lui-même participé aux travaux du GIEC, croyant initialement que l’être humain déréglait le climat. S’intéressant à la manière dont pensaient ses collègues, il a constaté que les scientifiques sont des êtres humains comme les autres et que, sans chercher des théories du complot, on conçoit qu’il est plus facile pour un individu de s’approprier les idées à la mode dans son groupe de pairs (1), plutôt que de s’entêter à avoir raison seul contre tout le monde. Panurge le comprenait avant nous.

(1) sans compter le système de financement du monde scientifique, qui tend à rendre les chercheurs dépendants des « sujets à la mode » pour obtenir des crédits qui leur permettront de poursuivre leurs travaux.

COMMENTAIRES

Véronique Lemire - le 18 novembre 2019

Très bien vulgarisé. Ces informations devraient être divulgués massivement.