Comme nous l’avons rapporté ici, l’adresse à la nation du président russe Vladimir Poutine devant les deux chambres du Parlement russe réunies en congrès jeudi 1 mars 2018, sur les nouveaux types d’armes développés par la Russie, a pris par surprise l’ensemble des élites occidentales. La Russie a notamment développé une installation nucléaire miniaturisée capable de propulser un missile de croisière en le rendant quasi invulnérable.
Nous reviendrons dans les jours qui viennent sur ce changement radical de la donne stratégique internationale.
En attendant, voici une dépêche d’AFP publié le 3 mars par le Journal de Montréal qui recueille les premières réactions à Washington.
Washington doit rattraper son retard sur les missiles hypersoniques
WASHINGTON | Parmi les nouvelles armes russes vantées par le président Vladimir Poutine figure un missile hypersonique, la nouvelle génération de missiles de croisière. Mais aux États-Unis, le développement de cette arme a pris du retard par rapport aux projets des rivaux chinois et russes.
« Le développement des armes hypersoniques de la Chine nous a dépassés », a récemment reconnu au Congrès l’amiral Harry Harris, chef du commandement militaire américain pour le Pacifique (Pacom). « Nous sommes à la traîne ».
Les missiles hypersoniques actuellement développés seront capables de voler à cinq ou dix fois la vitesse du son et pourront déjouer les boucliers antimissiles. Ils sont en effet conçus pour changer de direction en vol, et non suivre une trajectoire linéaire et prévisible, ce qui rendra leur interception plus difficile.
Or les États-Unis ont sous-investi dans la recherche sur ces missiles nouvelle génération, qui pourront être lancés depuis des avions, des navires ou des sous-marins, et équipés de têtes nucléaires, a indiqué cette semaine le directeur du laboratoire de recherche et développement du ministère américain de la Défense, le DARPA.
« Si on regarde ce que font nos concurrents — la Chine par exemple — et si on regarde le nombre d’installations qu’ils ont construites pour faire leurs hypersoniques, il est supérieur à ce que nous avons dans ce pays et c’est rapidement en train de nous dépasser par un multiple de deux ou trois », a déclaré Steven Walker à un groupe de journalistes.
M. Walker a précisé que son agence, qui supervise les projets à la technologie de pointe du Pentagone, était en train de développer plusieurs programmes, dont deux en coopération avec l’US Air Force, pour développer des prototypes de moteurs et d’armes hypersoniques. Il espère effectuer le premier essai d’un missile hypersonique d’ici 2020.
Mais « il est très clair que la Chine a fait un gros effort sur les hypersoniques et en a fait l’une de ses priorités nationales », a ajouté le responsable du Pentagone. « Nous devons faire la même chose. »
De son côté, le directeur des opérations de l’agence responsable de la lutte antimissile au Pentagone (MDA), Gary Pennett, a souligné que le déploiement potentiel de ces nouveaux missiles par les adversaires des États-Unis ouvrirait une brèche « importante » dans les boucliers antimissiles américains.
Le Pentagone inquiet
« Le principal défi pour la sécurité nationale américaine et celle de nos alliés, c’est l’émergence de nouvelles menaces conçues pour contourner les systèmes existants » de défense antimissiles, a-t-il déclaré au cours d’un breffage au Pentagone ».
Signe de l’inquiétude des États-Unis, le budget 2019 du Pentagone alloue $9.9 milliards de dollars à la MDA, dont 120 millions seront consacrés à la défense antimissile, une hausse de 60% par rapport au budget 2018.
Publiquement, le Pentagone a accueilli avec dédain les affirmations de M. Poutine sur ses nouveaux missiles « invincibles ».
« Ces armes sont en développement depuis très longtemps », a déclaré à la presse la porte-parole du Pentagone, Dana White. « Nous ne sommes pas surpris par cette déclaration et les Américains peuvent être sûrs que nous sommes pleinement préparés. »
Questionnée sur les défenses américaines face à un missile nucléaire hypersonique, la porte-parole a assuré que les États-Unis étaient capables de faire face à « quoi que ce soit ». « Nous sommes prêts », a-t-elle affirmé.
Pour Barry Blechman, le cofondateur du Stimson Center, un centre de recherche de Washington spécialisé dans la non-prolifération nucléaire, c’est impossible. « Nous n’avons pas de défenses efficaces, et nous ne sommes donc pas prêts à faire face à une attaque », a-t-il déclaré à l’AFP.
Car malgré les assurances du Pentagone, les États-Unis sont loin de pouvoir intercepter tous les missiles susceptibles d’être lancés contre leur territoire, une réalité qu’ils acceptent depuis 70 ans.
Ils ont certes remporté quelques succès en développant des intercepteurs capables de stopper un ou deux missiles lancés par un « pays voyou » comme la Corée du Nord.
Mais ils ne pourraient pas se protéger d’un barrage de missiles tirés par la Russie ou la Chine qui déclencherait la « destruction mutuelle assurée », le principe sur lequel la doctrine de dissuasion nucléaire se fonde depuis la Seconde Guerre mondiale.