Ce texte est extrait du programme présenté par Jacques Cheminade à l’élection présidentielle de 2017. Notre gouvernement ne se dotant pas des moyens à la mesure des défis de notre époque, il reste plus que jamais d’actualité.
« La bataille des ports se gagne sur terre ferme. » C’est l’ingénieur Charles de Freycinet qui semble avoir le mieux compris cet adage populaire. Car son plan, mis en œuvre entre 1878 et 1914, a permis de relancer les activités portuaires en construisant dans leur hinterland (arrière-pays) un maillage dense d’infrastructures de transport (fluvial et ferroviaire). Cependant, depuis trente ans, la France a délaissé la mise à niveau de la voie fluviale et abandonné le fret ferroviaire : alors que près de 66 % des marchandises voyageaient par rail dans les années 1950, cette part a chuté à 9,5 % en 2015. En Allemagne, à ce jour, il circule trois fois plus de trains de marchandises qu’en France. Et si les ports du nord de l’Europe triomphent, c’est précisément parce qu’ils disposent d’un hinterland riche en infrastructures de ce type et d’autoroutes gratuites.
I. Investir dans les infrastructures portuaires
- Rétablir la prise en charge par l’Etat de 100 % des coûts de dragage (tombée entre 50 et 70 %) et des investissements lourds pour l’ensemble des ports français, comme le stipule l’article R.531369 du code des transports : « L’Etat supporte les frais de l’entretien et de l’exploitation des écluses d’accès, de l’entretien des chenaux d’accès maritimes, de la profondeur des avant-ports et des ouvrages de protection contre la mer. Pour l’exécution de ces travaux, il supporte dans les mêmes conditions les dépenses relatives aux engins de dragage » ;
- Plan d’urgence pour le port du Havre :
— chatière et/ou écluse permettant aux barges fluviales de passer directement du Port 2000 à la Seine ;
— électrification de la ligne Serqueux-Gisors,
— boucle reliant le « Grand canal » avec le canal de Tancarville ;
- Mise en place d’un CCS (Cargo Community System) commun à tous les ports français, c’est-à-dire un système informatique de communication performant avec une seule base de données (hébergée en France) intégrant toutes les problématiques logistiques, portuaires et maritimes ainsi que les évolutions réglementaires européennes et internationales (notamment douanières)
II. Promouvoir le transport fluvial
-* Pour que les convois ferroviaires arrivant à Lyon en provenance de Chine ne repartent pas à vide, la France devrait s’engager à construire au plus vite la fameuse « patte d’oie », afin de transformer en canaux grand gabarit les artères reliant la Saône aussi bien au Rhin (Bâle, Strasbourg, Mayence, Cologne, Rotterdam) qu’à la Moselle (Nancy, Metz), à la Marne (Reims) et à la Seine (Paris).
Ce grand projet positionnera instantanément l’axe Rhône-Saône comme la voie de transport la plus efficiente entre le canal de Suez et la Ruhr, faisant de Lyon un « Duisbourg français », c’est-à-dire un grand port intérieur.
III. Prendre au sérieux le fret ferroviaire
Avec une dette de plus de 44 milliards d’euros, la SNCF se retrouve dans l’incapacité de jouer pleinement son rôle de service public offrant des services de transport de qualité sur l’ensemble du territoire.
Après avoir délaissé le fret ferroviaire, c’est maintenant la grande vitesse, les trains de nuit, les lignes secondaires et les TERs qui se retrouvent sacrifiés.
Nationaliser les autoroutes
Entre 2009 et 2015, les budgets pour la maintenance des routes départementales ont baissé de 33 %. Les couches de surface des routes ont une durée de vie optimale de huit à 15 ans. Or, leur taux de renouvellement annuel actuel est de 20 à 25 ans ! A moins de rattraper le retard, la facture sera terriblement lourde.
Au niveau autoroutier, il faut débloquer la situation. Après que Lionel Jospin et Laurent Fabius eurent ouvert le bal, c’est sous le gouvernement de Dominique de Villepin que les autoroutes ont été privatisées. Alors que la Cour des comptes estimait leur valeur à 25 milliards d’euros, elles furent vendues pour 14,8 milliards à sept sociétés concessionnaires d’autoroutes (SCA) : Asf/Escota et Cofiroute pour Vinci, APRR/AREA pour Eiffage et Sanef/SAPN pour Abertis.
Si leur chiffre d’affaires a bondi de 26 % depuis, c’est essentiellement grâce aux péages, en hausse de 20 % depuis 10 ans. Or, force est de constater que les profits n’ont pas été réinvestis dans le développement du réseau mais sont allés engraisser les actionnaires.
Tout en contractant une dette de 31 milliards d’euros, le taux moyen de distribution annuelle des dividendes de ces sociétés depuis 2006 a atteint 136 % !
Or, à chaque fois, le gouvernement, cédant au chantage d’amis bien placés (notamment Alain Minc chez Vinci), a accepté de prolonger la durée des concessions (1,5 milliard d’euros payés en dividendes en 2013) en échange de quelques maigres investissements de leur part.