Ce texte est extrait du programme présenté par Jacques Cheminade à l’élection présidentielle de 2017. Notre gouvernement ne se dotant pas des moyens à la mesure des défis de notre époque, il reste plus que jamais d’actualité.
Il s’agit d’assurer à chacun un emploi, un toit, l’accès aux soins et une retraite digne après une vie consacrée au travail.
La sécurité, c’est aussi donner à tous accès à une culture de la créativité et du beau permettant d’inspirer un nouveau vouloir-vivre en commun, et non infantiliser les gens ou les dresser les uns contre les autres, comme trop souvent à l’heure actuelle.
Etat des lieux : misère, nous voilà !
Si depuis 2008, par des tricheries comptables, on a su retarder la mise en faillite ordonnée des banques, il n’en va pas de même pour la mise en faillite sauvage, « désordonnée », des citoyens français !
La réalité est que la pauvreté a explosé après le krach de 2008. Est considéré comme pauvre tout Français gagnant moins de 60 % du revenu médian (qui sépare la population en deux : la moitié perçoit plus, l’autre moins), c’est-à-dire disposant de moins de 1008 euros par mois. Entre 2008 et 2015, le taux de pauvreté est passé de 13 % de la population à 14,1 %, soit 8,8 millions de personnes. « Cette aggravation de la pauvreté est inédite en France », constate l’INSEE.
Si, officiellement, on annonce 3,5 millions de chômeurs (catégorie A), en 2017 la France compte 6,5 millions de demandeurs d’emplois et de travailleurs précaires, c’est-à-dire plus de 20 % de la population active ! D’après les résultats d’une étude menée par Genworth, spécialiste de l’assurance de personne, 11,4 millions de Français disposent de moins de 10 euros par mois une fois qu’ils ont payé leurs dépenses courantes (impôts, loyer, gaz, électricité, téléphone et nourriture).
Cela représente environ un quart des ménages français, soit 5,8 millions. C’est aussi entre 2009 et 2015 que le nombre d’allocataires au RSA a augmenté de 44 %. En tout, on arrive facilement à 12 millions de Français paupérisés ou menacés de paupérisation.
L’extrême misère humaine
Certains chiffres, tirés du rapport 2015 de la Fondation Abbé-Pierre, font froid dans le dos :
- 140 000 SDF.
- 15 000 à 20 000 personnes vivant dans 429 bidonvilles.
- 38 000 en chambre d’hôtel à l’année.
- Au moins 100 000 Français habitant à longueur d’année en caravane, en mobile-home ou dans leur voiture.
- 411 000 en hébergement « contraint » chez des parents ou des tiers.
- 1,2 million de locataires en situation d’impayés.
- 1,8 million de personnes en attente d’un logement social.
- 200 000 étudiants en situation financière précaire, certains s’adonnant à la prostitution
- La mortalité (par suicide, accident cardio-vasculaire, etc.) des sans emploi (14 000 par an) est trois fois supérieure à celle des travailleurs en activité et 732 agriculteurs se sont suicidés rien qu’en 2016.
Face à ces difficultés, 39 % des Français se déclarent pessimistes quant à leur situation financière et pensent qu’elle va aller en s’aggravant. Ils sont poussés à réduire leurs dépenses de soins médicaux (un Français sur trois) et de loisirs, mais également leur consommation d’eau (pour 19 % d’entre eux), d’électricité (pour 22 %) ou de nourriture (pour 19 %).
La misère des infrastructures
Si une partie de plus en plus importante de la population est ruinée, nos infrastructures, élément clé de la reprise de demain, sont elles aussi à l’état d’abandon. Les travaux de maintenance les plus élémentaires font cruellement défaut, ce qui a un impact direct sur l’emploi. Depuis 2008, le secteur du BTP a perdu 25 % de son activité : 35 000 emplois disparus, dont 12 000 rien qu’en 2015.
Selon le rapport sur la compétitivité de 2014 du Forum économique mondial, la qualité de nos infrastructures de base a régressé de façon spectaculaire depuis 2008 : en six ans, la France est passée de la quatrième place mondiale à la dixième ! Par secteur, ce déclassement est le suivant : autoroutes, de la première à la septième place ; ferroviaire, de la deuxième à la sixième ; ports, de la dixième à la vingt-sixième ; aéroports, de la cinquième à la quinzième ; fourniture d’électricité, de la quatrième à la quatorzième.
Depuis 2008, 35 000 emplois ont disparu dans le BTP, dont 12 000 rien qu’en 2015.
Secteur par secteur, le constat est grave :
- ROUTES
Baisse de 33 % de l’entretien des routes départementales entre 2009 et 2015. Les couches de surface des routes ont une durée de vie optimale de huit à 15 ans ; or, leur taux de renouvellement annuel est actuellement de 20 à 25 ans.
- PONTS
En 2014, 72 000 ponts étaient menacés par la corrosion des armatures, selon le rapport de la Fédération nationale des travaux publics (FNTP). Résultat : un pont de fermé chaque jour dans l’Hexagone.
- RESEAU FERROVIAIRE
Comme l’explique le rapport de la Cour des comptes sur les transports ferroviaires en Ile-de-France (février 2016), l’âge moyen des voies s’est allongé de 30 % entre 2003 et 2014. Sur les 3700 km du réseau Transilien (10 % du réseau national), 40 % des voies et 30 % des aiguillages ont plus de 30 ans, alors qu’ils doivent être refaits à neuf au bout de 25 ans. Environ 15 % des caténaires ont plus de 80 ans, et 5 % même plus de 100 ans. Pour la ligne C du RER, par exemple, leur âge dépasse 90 ans !
- PORTS MARITIMES
Conséquence de la crise, et faute d’infrastructures modernes, la quantité de marchandises débarquées ou embarquées dans les sept ports maritimes français est passée de 340 millions de tonnes en 2008 à 292 en 2014.
- DISTRIBUTION D’EAU
20 % de l’eau potable se perd à cause de fuites.
- DISTRIBUTION D’ELECTRICITE
Les coupures d’électricité (97 minutes par habitant en 2013) ont tendance à augmenter.
Mon projet : le plein-emploi, vite !
C’est ce que permettront le déverrouillage de notre système financier (cf. mon projet : « Ce qu’un Président doit faire – Nous libérer de l’occupation financière ») et l’émission de crédit productif public en faveur de l’économie réelle, physique et humaine.
Devant l’urgence, mon plan s’articule en fonction de trois objectifs : redonner dignité et confiance grâce à l’emploi, du travail grâce à une politique de grands travaux, et faire redémarrer la croissance grâce à une politique ambitieuse de R&D.
En premier lieu, il s’agit de rétablir, pour chaque individu, chaque famille et chaque entreprise publique ou privée, un cadre stable résultant d’une sécurité sociale, juridique et réglementaire.
Pour cela, plusieurs préalables :
La puissance publique doit reprendre la main en tant qu’Etat stratège
Si la puissance publique reprend ainsi la main en tant qu’Etat stratège, il ne s’agit pas de reléguer, par des contrats aidés, des millions de personnes dans l’assistanat permanent. Nous sommes convaincus que la perspective retrouvée d’un travail créateur et gratifiant, sur le plan financier autant qu’humain, créera une révolution culturelle et un optimisme qui redonnera espoir à toute la société.
Par un investissement public de 100 milliards d’euros par an, il s’agit de créer un million d’emplois directs chaque année, chaque emploi public créant, en fonction de la qualification croissante, de un à 20 emplois supplémentaires dans le privé par effet d’entraînement, le tout animant une dynamique d’ensemble. Un employé de la poste fait travailler une à deux personnes dans d’autres secteurs, un scientifique de l’ESA en fait travailler 10 fois plus, et sur une durée plus longue.
Notre démographie se caractérise par une bonne fécondité et une hausse de l’espérance de vie. De plus, la fin du cycle des baby boomers nous pose des défis qui sont autant d’opportunités à saisir. Rien que pour remplacer ceux qui partent à la retraite, ce sont 600 000 personnes qu’il faut recruter chaque année.
Bien qu’il s’agisse initialement d’un nombre important de postes relativement peu qualifiés et à faible capacité d’entraînement, mais dont la nécessité économique et sociétale est indéniable, nous veillerons sans relâche à ce qu’une politique de formation aux nouvelles sciences et technologies, et surtout aux nouveaux métiers qui en découlent, vienne qualifier chaque citoyen tout au long de sa vie.
En France, le numérique et la robotique feront disparaître dans les années à venir au moins 15 % des emplois répétitifs, libérant d’autant la force de travail pour des emplois plus épanouissants, à condition qu’on ne laisse pas la révolution du numérique aux mains des seuls financiers.
Les pistes à explorer
D’abord, deux gisements majeurs d’emplois très utiles mais relativement peu qualifiés :
PETITE ENFANCE
Créer 100 000 postes d’aides maternelles par an, en vue de remplacer les départs à la retraite (50 000 par an) et surtout d’accueillir 300 000 enfants dans les 10 000 crèches supplémentaires dont nous avons besoin.
GRAND AGE
Créer 100 000 postes d’assistance à la personne (aides à domicile) et d’accompagnement des personnes âgées, qui doivent pouvoir choisir entre rester chez elles ou intégrer une maison de retraite à prix raisonnable.
Ensuite, des gisements d’emplois de qualification intermédiaire, fortement créateurs de travail :
SANTE
LOGEMENT
GRANDS TRAVAUX
Enfin, la création d’emplois hautement qualifiés, décisive pour faire redémarrer la croissance réelle :
PROMOUVOIR L’EXCELLENCE
ENSEIGNEMENT
PECHE, AGRICULTURE & FORESTERIE
RECHERCHE
C’est en ouvrant ces pistes que pourront être créés les cinq millions d’emplois en cinq ans nécessaires à notre économie humaine et à notre économie physique du futur, à condition de rompre avec la logique d’un capitalisme financier prédateur. Il s’agit de ne plus extrapoler à partir d’un présent sans horizon mais de bâtir pour le bien commun et les générations à naître.