Ce texte est extrait du programme présenté par Jacques Cheminade à l’élection présidentielle de 2017. Notre gouvernement ne se dotant pas des moyens à la mesure des défis de notre époque, il reste plus que jamais d’actualité.
« Le bonheur, en cette aube, était de vivre. » C’est le sentiment que le jeune poète anglais Wordsworth éprouva lors des premières journées de notre Révolution.
C’est ce même sentiment d’espérance et de renouveau que je voudrais inspirer aujourd’hui dans notre pays.
Nous en sommes loin, très loin. Plus de 70 % de nos jeunes sont convaincus que la société ne leur donne pas les moyens de montrer ce dont ils sont capables (rapport France Stratégies), près des deux tiers des 18-29 ans ne votent pas et la politique de François Hollande vis-à-vis de la jeunesse a été un échec, alors qu’il en avait fait une priorité. En fait, la France a sacrifié ses jeunes, oubliés des politiques publiques et devant supporter à la fois la charge d’emprunts privés à des taux d’intérêt réels élevés, une fois l’inflation déduite, et le poids d’une dette publique accumulée par la complaisance des gouvernements vis-à-vis du monde de l’argent.
La première chose à dire est qu’un pays qui livre les jeunes au désenchantement du travail et à l’abstention politique n’a pas d’avenir. Un pays qui ne combat pas pour son futur et se résigne à gérer ne peut épanouir et mobiliser sa jeunesse. Ma politique visant précisément à mener ce combat doit donc, par sa substance même, permettre cette mobilisation. Il ne s’agit pas d’un plan pour la jeunesse comme une chose en soi, mais d’un projet d’action rapide pour susciter les forces créatrices, sans confiscation sociale des savoirs et des pouvoirs et en retissant le lien collectif.
Les orientations phares suivantes en sont les étapes :
- Offrir dès le départ à chaque enfant l’accès à tout ce que l’humanité a conçu de meilleur. Dès la maternelle, les inégalités de vocabulaire entre enfants seront progressivement réduites par le développement de la confiance en soi, en aidant l’enfant à verbaliser ses découvertes avec ses camarades. L’exigence et le plaisir du jeu ne sont pas deux choses opposées, comme l’ont montré les méthodes Montessori ou Freinet. Les expérimentations d’enseignants en milieu défavorisé, avec un recours à ces méthodes ou souvent plus empiriquement, doivent inspirer un enseignement délivré des injonctions venues d’en haut, trop détaillées et trop basées sur les compétences formelles.
- Il faut en même temps améliorer la situation relative des enfants par une forte revalorisation des allocations familiales, car les études de l’Unicef nous placent à un rang mauvais ou médiocre pour le taux de pauvreté des enfants et les inégalités en matière d’enseignement et de santé. Le respect doit exister dès le départ.
- Le chômage des jeunes étant en grande partie un problème d’échec scolaire, c’est dès le CP puis le CM2 qu’un contrôle approfondi des compétences en compréhension écrite et orale nécessaires pour l’entrée en sixième, doit être effectué. Un soutien systématique en faveur des élèves en difficulté doit être prévu à chaque étape.
- Les établissements publics et privés sous contrat doivent être, dans ce contexte, soumis à des objectifs de mixité sociale.
- La santé, l’alimentation et la surveillance doivent être justement assurées à l’école et au-delà. Un infirmier doit être constamment présent, à temps complet, dans chaque établissement et un médecin trois fois par semaine pour 500 élèves. Les soins dentaires et des yeux doivent être gratuits, et des petits-déjeuners doivent pouvoir être servis aux élèves dont la famille ne peut les assurer. Les surveillants doivent être embauchés en nombre suffisant, avec au moins un pour 50 élèves. Il faudra envisager dans les classes des brouilleurs empêchant les émissions des portables.
- Une dimension professionnelle doit être introduite dans l’enseignement général entre la sixième et la troisième, pour que la filière professionnelle ne soit plus une voie à part perçue comme un déclassement. Dans cette filière, le bac pro doit être rétabli à quatre ans et les crédits pédagogiques affectés aux lycées professionnels augmentés de 40 % pour rétablir au moins leur niveau de 2012.
- Des enseignants chevronnés doivent être nommés dans les écoles « difficiles », avec des avantages en traitement et en logement.
- Il faut renforcer les écoles de la deuxième chance et les EPIDE (établissements publics d’insertion de la défense), tout en créant des internats scolaires de proximité, pour que les jeunes en difficulté soient réinsérés dans la société. Le « décrochage », qui est le mal de notre enseignement, ne peut plus être toléré.
- Le dispositif de « Garantie jeunes », réservé aux moins de 26 ans très éloignés du marché du travail, piloté pendant un an par des missions locales et désormais étendu à toute la France, est une initiative excellente mais dont les conditions d’application doivent être améliorées. L’indemnité perçue par les jeunes, sous réserve de leur assiduité, doit être portée à 600 euros par mois. Un suivi de leur accompagnement intensif doit être mis en place après l’année de prise en charge, notamment pour garantir que les entreprises les insérant assument le financement de leur formation.
- Les trajectoires et les parcours de succès différents, comme les Compagnons du devoir, les Maisons familiales rurales ou les Apprentis d’Auteuil ne doivent plus être bridés. L’on s’y intéresse d’abord à la personnalité du jeune, ce qui est essentiel pour son insertion et sa formation.
- Plus généralement, tout en étendant l’automatisation du versement du RSA pour tous ceux qui ont le droit d’en bénéficier, je l’ouvrirai aux jeunes de 18 à 25 ans.
- Enfin, je ferai mettre en place une allocation d’études pour tous les étudiants s’élevant à 600 € par mois sur 36 mois, sous conditions de ressources et sous forme d’un capital utilisable tout le long de la vie mais seulement pour financer des études. Un système de prêt sécurisé de 300 €, à taux zéro, organisé ou garanti par les pouvoirs publics, permettra à l’étudiant de vivre avec une base garantie de 900 € par mois, pour lui permettre d’étudier à plein temps sans devoir trop travailler par ailleurs.
- Cet environnement éducatif et de formation, sur lequel je m’étendrai davantage dans mes propositions sur ce sujet, est essentiel pour briser l’aspect pyramidal de notre société qui, comme l’a montré l’enquête PISA, trie les jeunes et reproduit les contours d’une élite au lieu de promouvoir la totalité des nouvelles générations. C’est pourquoi il est urgent, en même temps que se crée cet environnement éducatif nouveau, de rendre la culture et l’art au peuple, le défi étant de le faire avec les nouvelles technologies et les nouveaux moyens d’expression. J’en ferai une priorité absolue dans un ministère de la Culture qui doit redevenir inspirateur et promoteur.
- La France étant trop souvent une cacophonie de brillants solistes privilégiés, formés dès leur jeune âge à l’ascension en solo de la pyramide scolaire, au sommet de laquelle une minorité accède aux diplômes prestigieux et dont les autres sont éjectés, je fais de l’introduction du chant choral à l’école dès le plus jeune âge une priorité absolue. Le chœur est en effet le modèle réduit d’une société idéale, dans lequel s’apprennent l’écoute de l’autre et la connaissance d’une œuvre collective qui élève et dépasse la contribution de chacun. Il s’agit de la meilleure arme contre la sous-culture synthétique de la violence et du sexe marchandise répandue aujourd’hui, qui détruit la capacité d’attention des jeunes. Aussi, pour ouvrir les jeunes à la musique dès le primaire et leur donner la possibilité de chanter en chorale et de découvrir et essayer des instruments, je ferai en sorte que se mobilisent ensemble tous les conservatoires, les écoles de musique et les orchestres nationaux. Aussi, je promouvrai des « brigades d’intervention artistiques » composées de quelques musiciens qui pourront amener la musique classique à une population qui ne la connaît pas. Ce projet visera à introduire en France l’état d’esprit que promeut El Sistema au Venezuela.
- J’inspirerai la création de musées de l’imaginaire dans toute la France et de palais de la découverte régionaux. Ces musées auront pour mission de mettre à la disposition de tous, les grands chefs d’œuvre de l’histoire universelle sous forme de reproductions, afin que chacun, jeune ou moins jeune, n’attende pas d’aller au Louvre pour voir concrètement la chose de beauté qu’il aura auparavant aperçue virtuellement sur internet. Les palais de la découverte régionaux seront une infrastructure clé pour l’enseignement scientifique dans les écoles et une composante prioritaire pour l’élaboration des programmes, en permettant d’éveiller les curiosités et de « mettre la main à la pâte ». Chacun de ces édifices sera équipé d’un planétarium et d’un télescope afin que dès le plus jeune âge, l’univers qui nous entoure nous devienne familier et que l’identité de chacun s’étende à sa mesure.
- Pour créer un espace public participant à l’impulsion de ce projet, France TV doit devenir une plateforme éducative fournissant en masse des contenus vidéo gratuits par internet. Ses équipes seront dépêchées partout où quelque chose se crée, notamment auprès d’institutions publiques comme le CNRS et le CEA, les Opéras et les grands orchestres pour réaliser, avec les chercheurs, les ingénieurs et les artistes, des programmes visant à faire découvrir aux jeunes et au peuple en général ce qu’ils font, comment et pourquoi. Ainsi, en peuplant le web de contenus intelligents, l’on aura un levier pour relever le niveau général d’internet.
- Je me battrai pour faire rétablir le sport comme pédagogie du respect et de l’effort. Je ferai pour cela financer le sport amateur et les équipements sportifs de proximité, en les associant à l’enseignement. Les scandales qui éclaboussent les milieux du sport professionnel exigent une mobilisation internationale contre ses excès et son idéologie, dont je prendrai l’initiative. Les jeux de cirque entretenus par les médias visent à réduire celui qui les suit à un spectateur et non à devenir un vrai sportif.
- Je demanderai l’interdiction des jeux vidéo violents avilissant la personne humaine, et où le mot le plus souvent répété est « mort » et l’image la plus représentée celle de cadavres. Il ne s’agit pas ici du « goût » personnel des jeunes, il s’agit de jeux formatés par les médias, diffusés par des adultes qui détruisent méticuleusement la faculté d’attention des enfants et des adolescents en réduisant à sept secondes la durée des images et à 15 le temps de réponse aux questions éventuelles !
- L’apprentissage et l’alternance doivent être réorganisés, ce qui sera rendu possible avec l’arrivée dans les CFA d’élèves sortis de troisième sans avoir été « largués » au cours de leur parcours précédent. Une information à jour sera systématiquement donnée sur les filières qui sont bouchées et celles offrant des possibilités (tout le domaine du data et, demain, de la politique spatiale et de la mer). Chaque élève pourra dès lors bénéficier d’un suivi personnalisé par son formateur, qui ne sera plus accaparé par des tâches de rattrapage. Avant d’établir des dispositifs, il faudra étudier avec les entreprises l’état de leurs besoins et les types de formation correspondants.
- L’objectif est de rendre l’école, le collège et le lycée au peuple. Avec des enseignements fondés sur un esprit de découverte, la reconnaissance du mérite et autant que possible une égalité des chances au départ, dans les conditions de la société qui vient et qui porte les technologies du numérique et de la robotique. Les Chinois l’ont compris en réintroduisant un enseignement d’esprit confucéen ; nous devons nous-mêmes nous ressourcer dans notre tradition d’excellence pour tous et d’éducation mutuelle dans l’esprit de notre langue et de notre histoire, celui d’un enseignement porté au départ par des ordres religieux populaires puis étendu à tous par les écoles de la République. L’étude de l’enseignement à Polytechnique, avant son démontage napoléonien, devrait constituer un point de repère.
- Dans ce contexte, l’extension de la connaissance d’autres pays, notamment européens, est essentielle pour tous nos jeunes. C’est pourquoi j’insisterai pour que le financement des programmes Erasmus+ soit doublé d’ici 2020, quel que soit le sort institutionnel de l’Europe future. Le programme « Erasmus pro » doit, en particulier, permettre à un million d’apprentis de se former dans un autre pays européen que le leur.
- Dans l’esprit de ce nouveau printemps émancipateur, je proposerai d’étendre le droit de vote à 16 ans, car c’est aujourd’hui l’âge auquel on doit devenir citoyen. Le bonheur de vivre ne peut pas être qu’individuel ou familial, il doit s’exprimer dans la participation à ce que doit devenir notre société.