Editorial de Jacques Cheminade
A paraître dans Nouvelle Solidarité N°21/2015
L’horreur a frappé Paris. Les massacres ont été commis à l’aveugle pour mettre notre pays en état de choc. Avec la même barbarie et les mêmes méthodes qu’au Moyen-Orient, au Liban, en Irak, en Israël ou en Syrie. Six attaques simultanées au cœur de notre capitale, et celle du Stade de France, dans le but de multiplier les victimes, amas de corps dans les rues, restaurants transformés en morgues, véhicules de secours toutes sirènes hurlantes : une stratégie de la peur soigneusement planifiée, pour faire comprendre que le pire peut arriver partout et à tout le monde.
Notre réaction doit être à la mesure du défi. Il ne faut avoir peur que de la peur elle-même, car la peur inspire des réactions de folie s’ajoutant à la folie première. La maîtriser ne peut se faire dans la passivité ou le déni, mais en regardant les choses en face, au nom de la vérité. Seul le combat pour la vérité permet d’échapper au garrot de l’angoisse.
La proclamation de l’état d’urgence et la fermeture des frontières, annoncées par le Président de la République, ainsi que le déploiement de forces policières et militaires, sont les mesures immédiatement nécessaires, car nous sommes en guerre. Rester unis et faire front, au nom des valeurs de la République inscrites dans notre Constitution, est immédiatement indispensable.
Cependant, il faut aller aux causes premières, sans quoi l’horreur se reproduira et même s’étendra. Ce qui veut dire créer un monde dans lequel l’environnement national et international ne soit plus criminogène, comme il l’est aujourd’hui. Car on ne peut échapper au mal simplement en le réprimant, mais en réalisant les conditions dans lesquelles le bien lui laisse de moins en moins de place.
Ce sont les guerres de l’OTAN, les injustices économiques et la destruction des conditions de vie dignes qui ont créé les conditions du terrorisme. Ainsi que les politiques cyniques et criminelles de diviser pour régner, suivant la matrice impériale britannique, à laquelle rien ne s’est réellement opposé dans notre univers transatlantique.
Ainsi, arrêter l’horreur implique un changement absolu de direction politique. Avec une démarche de développement mutuel, « gagnant gagnant », assurant que nos enfants et petits-enfants vivent mieux que nous-mêmes, cette démarche annoncée par les dirigeants chinois et indiens, seule vraie source de paix. En combattant au Moyen-Orient tous les terrorismes, Daech comme le Front al-Nosra et l’Armée de la conquête.
En ce samedi 14 novembre, à Vienne, la France doit jouer un rôle moteur dans les pourparlers visant à lancer un processus de paix en Syrie, en coordonnant nos efforts avec la diplomatie russe, et non faire le jeu de ceux qui prennent la liberté en otage.
Au Moyen-Orient, il faut frapper Daech au cœur de ses ressources financières, en bombardant ses pipelines pétroliers et en frappant les banques qui blanchissent ses ressources, ce qui n’a pas été fait jusqu’ici.
Il faut mettre un terme aux complicités du Qatar, de l’Arabie saoudite et des Émirats avec le terrorisme, sans complaisance de clientèle à leur égard. Il faut enfin, du même pas, recréer les conditions du développement économique dans tous les pays de la région pour que les migrants puissent y retrouver des conditions de vie dignes, ce que la Chine nous propose en y étendant sa conception d’une Nouvelle route de la soie. En attendant, dans tous les camps de réfugiés de la région, en coordination avec les organisations humanitaires internationales, il faut créer les conditions de cette dignité, en y assurant une alimentation saine, des soins médicaux, des logements provisoires décents et l’éducation des enfants.
Cette conception n’est pas russe, chinoise, américaine ou française, c’est celle qui justifie l’existence des États-nations : servir la cause de l’Humanité. La France devrait occuper le premier rang dans cet engagement vital, et non se soumettre aux barbares en djellaba, qamis ou complet-veston occidental.