Ukraine : N. Vitrenko dénonce un putsch néonazi poussé par l’OTAN

mercredi 26 février 2014, par Christine Bierre

Entretien avec Natalia Vitrenko, présidente du Parti socialiste progressiste d’Ukraine. Cette opposante à Ianoukovitch dénonce fermement le péril néonazi qui menace l’Ukraine depuis que l’UE et les Etats-Unis ont légitimé et rendu incontrôlable l’extrême droite ukrainienne.



Transcription de la conférence internet de Natalia Vitrenko

A la tête d’une délégation venue d’Ukraine, l’ancienne candidate présidentielle Natalia Vitrenko, économiste et fondatrice du Parti socialiste progressiste d’Ukraine (PSPU), a démarré sa tournée européenne le 24 février à Paris, où elle a pu s’entretenir avec différentes personnalités. « Bonjour camarades ! » a-t-elle lancé à la cinquantaine de personnes réunies au siège de S&P, en ouvrant une conférence-débat de plus de deux heures introduite par Jacques Cheminade et retransmise en direct par internet. Quelque 500 personnes, partout en France et dans le monde, ont pu, lors d’échanges animés, dialoguer en direct avec Mme Vitrenko.

Avant un bref propos introductif (ci-dessous), l’ancien candidat présidentiel et président de S&P, Jacques Cheminade, a présenté les membres de cette délégation, tous signataires de l’appel lancé le 25 janvier 2014 par 29 organisations ukrainiennes aux dirigeants mondiaux et aux autorités internationales : le colonel Valeri Sergachov, président du parti Kiev Rus et ancien membre du Conseil municipal d’Odessa, Volodymyr Marchenko, président de la Confédération pan-ukrainienne des syndicats ouvriers (Confédération ukrainienne du travail), ancien député, membre de la Commission parlementaire des questions constitutionnelles et vice-président du PSPU, et bien sûr, l’ancienne députée Vitrenko qui, ayant anticipé depuis vingt ans l’éventualité d’une telle crise, est intervenue pour tenter de l’éviter.


Introduction de Jacques Cheminade

Bonsoir à tous. En ce moment tragique de l’histoire, nous sommes heureux d’accueillir parmi nous la délégation ukrainienne, présidée par Natalia Vitrenko, présidente du Parti socialiste progressiste d’Ukraine. Elle se bat pour une véritable indépendance et une véritable justice sociale en Ukraine, une Ukraine qui est bafouée, appauvrie et détruite depuis une trentaine d’années.

Aujourd’hui, on assiste à une opération que l’on peut qualifier d’occidentale, mais qui est en fait celle de services américains, anglais et de leurs complices dans d’autres pays, pour déstabiliser l’Ukraine dans une manœuvre visant à en faire un détonateur vis-à-vis de la Russie, d’une part, et d’autre part, à s’emparer de l’espace que Halford MacKinder et tous les Britanniques nommaient l’« île centrale », en vue de ce que Zbigniew Brzezinski appelait « le reflux » de la Russie.

Nous avons, d’une part, cette offensive lancée par cette agrégation de puissances occidentales, dont certaines factions aux Etats-Unis et en Angleterre sont prêtes à aller jusqu’au seuil d’une guerre thermonucléaire, et d’autre part, une résistance de la Russie qui, elle aussi, peut montrer ses dents nucléaires et thermonucléaires. C’est une situation extrêmement grave. Natalia elle-même se bat depuis plus de vingt ans pour éviter que cette crise ne se produise. Maintenant, nous y sommes.

Ayant été attaquée de toutes parts, Natalia Vitrenko représente aujourd’hui l’esprit d’indépendance de son pays, qui doit rejoindre celui du nôtre.

Avec elle, auprès d’elle, une délégation de personnes parmi lesquelles Valeri Alexandrovich Sergachov, le président du Parti des slaves orientaux – ce qu’on appelle là-bas le Parti Rus de Kiev. C’est un mouvement d’origine ruthène, mais qui va beaucoup plus loin : il est pour une Ukraine unie et contre une partition pour des raisons ethniques, communautaires ou autres.

Il y a aussi Vladimir Romanovitch Marchenko, le président de la Confédération ukrainienne du travail, qui se bat depuis très longtemps sur le front de l’indépendance et de la liberté de son pays.

Natalia a été deux fois députée. Son ami, qui se bat avec elle, l’a été lui-même plusieurs fois. Ce sont donc des gens qui ont été aux affaires, qui connaissent très bien la vie politique ukrainienne et qui sont sur le front de la bataille depuis très longtemps. Elle-même a été candidate à la présidence : la première fois, elle a obtenu 11 % des voix, la deuxième, seulement 1,5 % mais elle était combattue de toutes parts, et la dernière fois, elle n’a pas pu réunir les 100 000 euros exigés comme « droit d’entrée ».

Dans ce pays en proie aux oligarques qui évaluent les choses par milliards,
100 000 euros, ça ne paraît rien. Le fait qu’elle n’ait pu les rassembler, c’est le reflet de l’indépendance, c’est le reflet, je dirais, de l’honnêteté qu’elle représente. Je lui laisse la parole.


Intervention de Natalia Vitrenko


Bonjour, camarades !
Je me réjouis d’être parmi vous, tout en sachant que des milliers de personnes de par le monde nous écoutent et nous regardent. Le 25 janvier de cette année, à Kiev, 29 dirigeants de partis politiques et d’organisations de la société civile se sont rencontrés. Nous avons lancé un appel au Secrétaire général de l’ONU, aux dirigeants des instances européennes, dont les Présidents de l’UE et du Parlement européen, et à d’autres dirigeants tels que le président américain Barack Obama et les principaux sénateurs et congressistes des Etats-Unis.

Cet appel a été lancé par des représentants de quatre partis politiques différents, et par dix anciens membres du Parlement ukrainien.

D’abord, nous disons dans cet appel qu’affirmer que le peuple ukrainien souhaite signer un Accord d’association (AA) avec l’UE est un mensonge pur et simple. En vérité, les Ukrainiens n’en veulent pas. Ensuite, nous y documentons que quiconque affirme que les événements du Maidan seraient pacifiques, est un menteur. En réalité, ce sont des émeutiers qui ont pris le contrôle du Maidan – des néo-nazis. Enfin, nous y constatons que la volonté de la majorité des Ukrainiens, qui souhaitent une intégration plus étroite avec la Russie et rejettent le nazisme en Ukraine, est grossièrement bafouée.

Bien que nous représentions des forces politiques d’une certaine importance, nous n’arrivons pas à faire entendre notre voix dans les grands médias. Nous avons fait appel aux organisations européennes et américaines pour qu’elles nous invitent à venir témoigner en Europe occidentale – nous qui ne sommes pas au pouvoir en Ukraine aujourd’hui et qui ne sommes pas des néo-nazis. Et nous vous dirons la vérité. Or, ces instances n’ont pas cru bon nous inviter. Cependant, l’Académie de Géopolitique de Paris, l’Institut Schiller et ses représentants nous ont invités, ce dont nous leur sommes reconnaissants.

Nous faisons donc de cette tournée un exercice de « diplomatie du peuple », représentant la majorité de la population ukrainienne qui souhaite éteindre les flammes de la guerre civile. Nous savons avec certitude qu’un coup d’État en Ukraine menacerait la stabilité du continent européen.

Notre délégation inclut des gens de professions diverses. Je suis économiste, docteur en sciences économiques, professeur et académicienne. Valeri Sergachov, mon collègue (dans le sens où il est également dirigeant d’un parti), est un colonel à la retraite [et un vétéran de la guerre d’Afghanistan, ndt]. Le vice-président de mon parti, Volodymyr Marchenko, qui est responsable de l’élaboration de la doctrine du parti, est un ingénieur du bâtiment. Nous sommes pleinement conscients du véritable potentiel de l’Ukraine et de ce que seraient les perspectives pour notre pays dans l’éventualité d’une intégration soit avec l’UE, soit avec l’Union eurasiatique.

Premièrement, l’Ukraine ne s’est jamais vu offrir d’adhérer à l’UE, on n’est pas en train de lui offrir et jamais on ne le fera, car l’UE se désintégrerait plutôt que d’admettre l’Ukraine en tant que membre. Les membres de l’Union douanière, de l’autre côté, c’est-à-dire la Biélorussie, le Kazakhstan et la Russie, sont nos partenaires à long-terme, sur lesquels nous pouvons compter. A notre avis, seule l’intégration de l’Ukraine dans l’Union douanière, et nulle autre, peut donner l’impulsion d’une relance économique ukrainienne.

Or, les oligarques ukrainiens, et ce sont eux qui déterminent la politique de notre pays, se sont intégrés depuis fort longtemps dans l’UE… Un exemple en est l’homme le plus riche d’Ukraine, le milliardaire Rinat Akhmetov. Il s’est acheté une villa luxueuse à Londres pour 40 millions de livres sterling et possède une myriade de sociétés, tant aux Etats-Unis qu’en Europe. Les enfants des oligarques ukrainiens étudient dans les pays européens, ils s’y rendent pour se faire soigner et y passent leurs vacances. Et surtout, ils ont placé leur fortune dans les banques de la City de Londres et autres zones offshore. Ainsi, ils sont orientés vers l’Europe et l’Occident. C’est pour défendre leurs intérêts qu’ils voulaient signer l’AA.

L’Accord d’association et de libre-échange avec l’UE aurait ruiné l’Ukraine

Cet Accord aurait complètement ruiné le secteur de la machine-outil en Ukraine et porté un coup fatal à toute la production industrielle et à l’agriculture. L’AA exigeait que l’Ukraine ouvre immédiatement ses marchés domestiques, éliminant immédiatement tous droits de douane sur les importations pour 72 % des produits. La production des sociétés industrielles ukrainiennes n’est pas compétitive par rapport à l’actuel marché européen. L’Académie des sciences de notre pays a calculé qu’il lui en coûterait 160 milliards d’euros pour se mettre aux normes de l’UE. Ceci équivaut à quatre fois le budget annuel du pays. Nous ne disposons pas de telles sommes. En d’autres termes, l’Ukraine aurait vu ses entreprises industrielles condamnées à la faillite, son économie en proie à un effondrement total et au chômage de masse.

De plus, l’AA ordonne que tout ce processus soit présidé par des organisations supranationales : le Conseil d’association et la Commission du commerce. L’Ukraine aurait ainsi perdu sa souveraineté nationale autant qu’économique. En plus, l’AA stipule que l’Ukraine aurait dû, après l’avoir signé, intégrer le Système commun de sécurité et de défense. Ce qui signifie la convergence politique. Ceci signifie tirer l’Ukraine dans l’OTAN. Tant du point de vue économique que militaire, ceci aurait porté un coup dur aux intérêts de la Russie.

Orientation eurasiatique

A l’opposé, des calculs effectués par une équipe conjointe des Académies des sciences d’Ukraine et de Russie ont montré que l’intégration dans l’Union douanière aurait été très bénéfique, d’un point de vue économique, pour l’Ukraine.

Par ailleurs, il est incontestable qu’historiquement et dans sa vision, l’Ukraine est orientée vers la Russie. Nous sommes un seul peuple, nous, le peuple « Rus’ ». Jadis, un Etat russe s’était formé, il y a 1150 ans. Sa capitale initiale était Novgorod, puis ce fut Kiev. Après l’occupation tatare-mongole, la capitale fut transférée à Moscou. Dans tous les cas, nous étions appelés « Rus’ ». Il y avait la petite Russie, la Russie blanche, la Russie du Sud et la Grande Russie. L’Ukraine a été créée artificiellement par l’Empire austro-hongrois, dans le but d’arracher à la Russie un morceau de territoire. En effet, il y a 336 ans, il y avait eu une unification entre la Grande et la Petite Russie [Russie et Ukraine], et c’est seulement en 1922 que l’Ukraine est apparue comme État-nation.

Ainsi, en termes économiques, du point de vue de sa vision du monde, et génétiquement, la majorité de la population ukrainienne est orientée vers la Russie.

Laissez-moi vous montrer quelques chiffres, publiés dans le journal Obozreniye par Nikolai Choulga, directeur de l’Institut de sociologie de l’Académie ukrainienne des sciences. Ce sont là les travaux les plus respectés en Ukraine dans ce domaine. Ils ont demandé aux gens quelle orientation politique étrangère ils préféreraient pour l’Ukraine. 54 % de la population s’est dite favorable au développement des relations avec la Russie et à la construction d’une alliance orientale. Préférant des relations avec les pays développés de l’Ouest : 15 %. On leur a demandé s’ils approuveraient l’union avec la Russie et la Biélorussie. 59 % ont répondu oui, 21 % non. Évidemment, ces chiffres diffèrent clairement d’une région à l’autre. En Ukraine occidentale, 16 % se déclaraient favorables à l’idée d’une union avec la Russie et la Biélorussie. En Ukraine orientale, ils étaient 84 %. La moyenne nationale était cependant de 59 %.

Ce sondage date de 2011. Après l’arrivée de Ianoukovitch au pouvoir [en 2010], une campagne fut menée du matin au soir à travers tout le pays pour promouvoir l’intégration avec l’UE. On a martelé dans l’esprit des gens qu’une fois signé l’AA, il y aurait des emplois pour tout le monde, des salaires comme en France, des retraites comme en Allemagne, et que tout serait comme dans un pays de rêve.

Par conséquent, deux années plus tard, en mai 2013, les chiffres sur l’orientation de notre population ont changé de manière significative. 49 % étaient désormais favorables [à l’union avec la Russie et la Biélorussie], 28 % contre et 22 % indécis. Si nous divisons les indécis en deux, le résultat donnerait encore 60 % de la population ukrainienne orientée vers l’union avec la Russie et la Biélorussie.

Les oligarques ont intégré l’UE depuis longue date

Les oligarques ukrainiens, menés par Ianoukovitch, étaient prêts à signer l’AA le 29 novembre à Vilnius. Soudain, une semaine avant, le gouvernement ukrainien décide d’interrompre le processus et en effet, le 29 novembre 2013 à Vilnius, Ianoukovitch s’est abstenu de signer l’AA.

A la minute où la rumeur a commencé à se répandre, l’opposition parlementaire, pour faire monter la pression, a appelé la population à descendre dans la rue pour un « EuroMaidan ». Les gens – plusieurs dizaines de milliers – se sont massés sur la place de l’Indépendance [Maidan Nezalezhnosti] à Kiev, en exigeant qu’on signe l’AA. La majorité d’entre eux n’avait pas la moindre idée de ce qui attendait l’Ukraine si elle signait l’accord.

Ce n’est qu’en janvier 2014 que ces deux diagrammes (ci-contre) sont apparus sur le site internet du gouvernement. Celui du haut montre que si l’Ukraine avait signé l’AA avec l’UE, elle aurait perdu 36,9 milliards de dollars rien qu’en 2014, alors que si elle ne le signait pas (diagramme du bas) et privilégiait le développement de ses relations avec la Russie, elle gagnerait selon le diagramme du bas 5,1 milliards de dollars en 2014. Mais à ce moment-là, plus personne n’écoutait.

De la contestation à la provocation

Ce qui est fondamental à comprendre, c’est que durant la nuit du 29 au 30 novembre, l’équipe de Ianoukovitch a organisé une provocation et le Maidan a cessé d’être pacifique. Quelle était cette provocation ? Les organisateurs du Maidan ont annoncé que la manifestation était terminée. Ils ont commencé à démonter la scène et le matériel sonore. Seules 300 à 400 personnes sont restées sur place, surtout des jeunes. A 4h du matin, 1000 policiers du Berkout (forces spéciales anti-émeutes) ont débarqué sur le Maidan. Et plutôt que de se contenter de repousser les gens hors de la place, ils ont commencé à leur taper dessus. Or, il se trouve que beaucoup de chaînes télévisées avaient encore des équipes sur place. Les images qu’elles ont prises ont fait rapidement le tour de l’Ukraine et du monde entier montrant « comment les autorités ukrainiennes traitent une manifestation pacifique ». Le lendemain, des dizaines de milliers de personnes en provenance de toutes les régions d’Ukraine, principalement de l’ouest, ont déboulé à Kiev. Dès le 1er décembre, les néo-nazis ont pris la tête de la manifestation.

D’anciens nazis pris en main par la CIA

Ils ont amené des groupes d’émeutiers bien entraînés qui ont commencé à en découdre avec les forces de l’ordre. Évidemment, les néo-nazis ne sont pas apparus subitement en Ukraine le 1er décembre, mais bien avant. Après la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’Organisation des nationalistes ukrainiens (OUN), ces anciens collaborateurs [avec le régime nazi allemand] ont été récupérés par la CIA américaine. Dès que l’Ukraine est devenue indépendante [en 1991], leurs organisations ont été légalisées dans le pays.

Le président Iouchtchenko, en particulier, a beaucoup fait pour promouvoir le mouvement néo-nazi en Ukraine. Le président Ianoukovitch non seulement n’a pas annulé les décrets nazis de son prédécesseur, mais a maintenu cette ligne. La question se pose : pourquoi Ianoukovitch a-t-il fait cela ? Le Parti des régions, que dirige Ianoukovitch, n’est pas un parti défendant telle ou telle idéologie. C’est une entreprise commerciale, qui utilise les méthodes du banditisme pour accroître sa propre richesse.

Le soutien américain leur a été très important. Sous Iouchtchenko comme sous Ianoukovitch, les Etats-Unis ont tout fait pour développer le mouvement néo-nazi en Ukraine. J’ai poursuivi le Président ukrainien en justice, en exigeant l’abrogation des décrets nazis. Je suis passée par tous les niveaux de la justice en Ukraine et au-delà, jusqu’à la Cour européenne de Justice. Tous ces tribunaux ont pris leur décision sur une base politique plutôt que juridique. Contrairement aux critères établis par les tribunaux de Nuremberg, les résolutions de l’ONU, la résolution de Durban et diverses conventions européennes, ils ont approuvé les collaborateurs nazis en tant que héros de l’Ukraine qui auraient combattu pour libérer notre pays. L’idéologie nationale-socialiste et ses idoles, comme Bandera, Choukhevitch et Konovalets, ont tous refait surface au Maidan.

Des vidéos qui en disent long

Regardons cette vidéo qui montre à quoi ressemblent les nazis en Ukraine.
[Images d’une marche aux flambeaux du groupuscule néo-nazi Secteur droit, nde]
Un de leurs slogans : « Gloire à la nation, mort aux ennemis ! » C’est à Kiev, le 1er janvier 2014. Ils sont tous bien équipés. Ici, c’est le dirigeant de Svoboda [parti d’extrême-droite, nde], Tyahnybok. Là, ils sont à Kiev, au Maidan. [On voit des casseurs masqués, nde] Ici, ils renversent le monument de Lénine. Vous les voyez maintenant jeter des cocktails Molotov sur les forces de l’ordre. Voici leur insigne. C’est le dirigeant du Secteur droit Iaroch, durant la marche aux flambeaux. C’est une « manifestation pacifique ». Là ce sont les affiches des agents de l’Abwehr, Bandera et Choukhevitch.

Ils déchirent le drapeau du Parti des régions. Ils crient « poignardez les moscovites, pendez les communistes ». Leurs saluts sont similaires à ceux des nazis, mais au lieu de « Sieg heil ! », ils crient « Slava Ukraine, heroyam slava ! » [« Gloire à l’Ukraine, aux héros la gloire ! »]

Regardez ces chaînes : c’est une « manifestation pacifique » ? Après, ils ont sorti des armes à feu. Ils ne sont pas apparus par accident ou soudainement. C’était préparé depuis longtemps, comme une force pour mener un coup d’Etat.

Leurs graffitis de swastika couvrent les murs de la rue [principale de Kiev] Krechtchatyk. Voici des portraits de Bandera. Et voici des images du 1er décembre 2013

Là, vous voyez les policiers qui sont debout, sans arme. [Les combattants sont en train de les attaquer, nde] Là, ils ont des cocktails Molotov. [Et des gourdins. nde] Ils attaquent les bureaux de l’administration présidentielle.

[Long passage d’une vidéo.]

Le 1er décembre, le monde entier a pu voir qu’il y avait des terroristes dans les rues de Kiev ? L’UE a dit que non, « c’est une manifestation pacifique ». Ces combattants néo-nazis ont commencé à prendre d’assaut des bâtiments : la Mairie de Kiev, la Maison des syndicats, le ministère de l’Agriculture, le Palais de la culture d’Octobre, puis le ministère de l’Énergie. Ce n’est qu’à ce moment que le ministère de l’Énergie a dit qu’il y avait un danger pour les quinze réacteurs nucléaires en Ukraine et qu’il a chassés les assaillants des bâtiments du ministère.

Le centre de Kiev a été complètement bloqué, mais Ianoukovitch négociait avec l’opposition. [L’ancien président du Parlement européen, M. Pat] Cox et [l’ancien président Alexander] Kwasniewski, de Pologne, sont venus à Kiev 27 fois. Le sénateur américain John McCain, la secrétaire d’État adjointe américaine Victoria Nuland, Stefan Fuele, Catherine Ashton et un grand nombre d’autres responsables européens sont venus à Kiev et ils n’ont pas remarqué la présence de combattants ou de néo-nazis… Et ils ont exigé que le gouvernement négocie une solution pacifique. Mais le 15 janvier, Zbigniew Brzezinski a donné son interview, dans laquelle il dit que le Maidan ne doit pas s’arrêter mais bien continuer.

Ensuite, le 19 janvier, il y a eu une nouvelle vague d’agressions. La police, les Berkout, restait immobile, maintenant sa garde autour des bâtiments officiels, sans bouger ni toucher au Maidan. Mais les guérilleros ont émergé du Maidan pour s’attaquer au quartier administratif.

C’est le 19 janvier. Les combattants se lancent à l’assaut du quartier gouvernemental. L’UE dit que ce ne sont pas des terroristes ou des émeutiers, mais des « activistes de l’Euromaidan ». [A chaque fois, les actions sont plus agressives. On les voit en train de lancer des cocktails Molotov sur la police, et des policiers transformés en torches vivantes, nde]. Voilà comment l’Euromaidan défend les valeurs européennes… Sur 20 000 personnes à l’Euromaidan, il y avait 2000 néo-nazis.

[Vidéo].

Nous sommes le 18 février. Ils ont dit qu’ils allaient mener une manifestation pacifique près du Parlement.

[Vidéo de combattants armés attaquant la police devant le Parlement.]

Deux jours plus tard, le 20 février, ils s’en sont pris au Parlement avec des armes à feu. Entre-temps, des dépôts militaires et des réserves d’armes à feu de la police avaient été saisis. L’on estime aujourd’hui qu’il y a quelque 25 000 bandits armés à Kiev et dans toute l’Ukraine. Ils ont détruit plus de 200 bureaux du Parti des régions, en tirant sur plusieurs de leurs employés. Ils ont incendié les bureaux du Parti communiste.

Je suis également dirigeante d’un parti politique, et j’ai ma propre attitude à l’égard du gouvernement, mais nous ne soutenons pas le néo-nazisme. A quoi doit s’attendre notre parti, si ces gens prennent le pouvoir ? Les néo-nazis ont terrorisé le Parlement et lui ont imposé leur choix le 20 février.

Un accord monstrueux

Le 21 février, un accord a été signé entre Ianoukovitch et les trois dirigeants de l’opposition, Klitschko, Iatseniouk et Tyahnybok. Il a été validé par les représentants de trois ministères des Affaires étrangères de pays membres de l’UE – le ministre des Affaires étrangères allemand, Franz Walter Steinmeier, le ministre des Affaires étrangères polonais Radoslaw Sikorski, et le directeur du département chargé de l’Europe continentale du ministère des Affaires étrangères français, Eric Fournier. [Laurent Fabius ayant dû quitter Kiev pour se rendre en Chine, nde]

Changer de Constitution en 48 heures…

C’était un accord monstrueux. Je n’avais jamais imaginé que l’UE pourrait bafouer à ce point les règles du droit. L’Ukraine a une Constitution. L’Article 13 définit la procédure à suivre pour un changement de Constitution. Et pourtant, le premier point de cet accord du 21 février exige que les amendements à la Constitution soient adoptés et rendus publics en 48 heures, incluant un changement dans notre système étatique. La Constitution requiert un vote à une « majorité constitutionnelle » [aux deux-tiers], au cours de deux sessions parlementaires, suivi d’un examen et d’une validation par la Cour constitutionnelle.

Pas un mot dans l’accord à propos de la dispersion du Maidan et du désarmement des émeutiers, afin que le Parlement puisse voter en toute sérénité. Ainsi, c’est avec un pistolet sur la tempe, sous les coups et l’intimidation, assortis de menaces à l’encontre des membres de leur famille, que les parlementaires ont dû se réunir à partir du 20 février et commencer à voter. Ils ont voté en faveur d’un changement de la Constitution.

La procédure de destitution est, elle aussi, précisée dans la Constitution. Mais le Parlement a craché dessus, a simplement voté, déclaré que Ianoukovitch avait démissionné et arrêté une date pour les élections : le 25 mai 2014.

L’accord interdit de déclarer l’état d’urgence et décrète que la violence doit cesser. Immédiatement, la Berkout et la police ont reçu l’ordre de ne pas recourir à la force, de ne pas résister. Pendant ce temps, les émeutiers tiraient sur les forces de l’ordre. En l’espace de trois mois, le Parlement avait voté trois lois d’amnistie.

Ceux qui m’ont agressée reprennent du service

En 1999, lorsque je me suis présentée à l’élection présidentielle ukrainienne, il y a eu une attaque avec deux grenades contre moi et mon entourage, blessant 44 personnes, dont moi-même, ainsi que Vladimir Marchenko, ici présent. L’auteur de cette attaque a été arrêté, reconnu coupable et condamné à 15 ans de prison. Après cinq ans, il a retrouvé la liberté. Tout récemment, il participait aux événements. Il a été arrêté avec des collègues alors qu’ils cherchaient à prendre le contrôle de l’Hôtel de ville de Krivoy Rog, dans la région de Dniepropetrovsk. 18 cocktails Molotov ont été trouvés dans sa voiture. Il a été placé en détention, mais avec l’amnistie, il a été relâché à nouveau. Ces agitateurs et ces guérilleros sont en train de réorganiser tout le gouvernement de l’Ukraine. Nous pouvons voir, à partir du programme de Svoboda, quel type de gouvernement nous aurons. Svoboda est un parti néo-nazi, qui ne cherche pas à cacher qu’il défend l’idéologie du national-socialisme. Le Parlement européen, dans des résolutions adoptées en 2010 et 2012, a condamné tous ceux qui soutiendraient ce parti. Il semble maintenant, à la lumière des derniers événements, que le chef de ce parti deviendra vice-Premier ministre adjoint.

Le programme de Svoboda

Examinons le programme du Parti Svoboda : il appelle à cesser toute participation ukrainienne à des regroupements de pays initiés par Moscou. Il impose des visas pour tout voyage à destination ou en provenance de Russie. Il demande que soit rétabli le statut de l’Ukraine en tant que puissance nucléaire militaire. Il demande aux pays membres de l’OTAN d’offrir des conditions favorables à l’Ukraine pour qu’elle se joigne à l’OTAN. Il y a un chapitre spécial sur la Crimée, qui appelle à changer le statut de la Crimée, de république autonome en région comme les autres, et de mettre fin au statut spécial de Sébastopol.

Laissez-moi vous demander : quel intérêt pour l’UE d’avoir des néo-nazis au pouvoir en Ukraine ? L’UE ne comprend-elle pas que la guerre civile va se propager de plus en plus largement en Ukraine ?

Il y a quinze centrales nucléaires en Ukraine. Notre pays a le réseau de gazoducs le plus grand d’Europe. Nous avons des douzaines de grandes usines chimiques. Qu’est-ce que cela signifie d’avoir une guerre civile au milieu d’installations industrielles de ce type ?

La flotte de la mer Noire de la Fédération de Russie est basée à Sébastopol. La Russie avait fait cadeau de la Crimée à l’Ukraine il y a 60 ans, en gage d’amitié. Catherine Ashton, Fuele et les autres ne réalisent-ils vraiment pas que ce régime néo-nazi cherchera à provoquer un nouveau conflit avec la Russie ? Les responsables européens ne comprennent-ils vraiment pas que l’Ukraine sera complètement en faillite et que des millions d’Ukrainiens devront chercher refuge, arrivant en masse en Europe à la recherche de travail ?

Moscou, Berlin et Paris doivent unifier leurs efforts

Que faut-il faire ? Moscou, Berlin et Paris devraient immédiatement unir leurs efforts pour enrayer le néonazisme en Ukraine. Ils devraient décider, sans Washington, la tenue d’élections parlementaires anticipées en Ukraine. Mais auparavant, il faut disperser le Maidan et désarmer toutes les milices paramilitaires. C’est seulement lorsque cela aura été accompli que les citoyens ukrainiens pourront retrouver la liberté d’expression et qu’un Parlement normal pourra être formé. Il ne fait aucun doute que de nouvelles élections présidentielles sont nécessaires, car Ianoukovitch est un voyou qui n’a aucunement le droit d’occuper un poste officiel en Ukraine. Mais si des élections présidentielles ont lieu dans les conditions décidées par le Maidan et sous la dictature de Secteur droit, l’Ukraine va finir avec un führer. C’est ainsi qu’avec un Parlement néo-nazi et un gouvernement néo-nazi, sera parachevée la formation d’un Etat néo-nazi au cœur de l’Europe.

Ce sont là nos prévisions, et je vous remercie d’avoir été si attentifs. Si vous avez des questions, ce sera pour moi un grand plaisir d’y répondre.


Intervention du M. Marchenko

L’ancien député Volodymyr Marchenko, président de la Confédération pan-ukrainienne des syndicats ouvriers (Confédération ukrainienne du travail)

Volodymyr Marchenko : Je voudrais attirer ici votre attention sur ce point : dans son histoire, l’UE a proclamé des principes et des valeurs, notamment la défense des droits de l’homme et des minorités, la démocratie, des élections libres et le refus du nazisme. Ces normes ont guidé la Cour européenne des droits de l’Homme, ainsi que la mise en application des conventions européennes. Ces valeurs forment la carte d’identité de l’UE dans le monde entier.

Cependant, pour ce qui concerne l’Ukraine, les responsables de l’UE ont violé toutes ces déclarations de principe et ces valeurs. Avec le Maidan, les néo-nazis ont proclamé une « révolution nationale », arborant pour slogans : «  L’Ukraine aux Ukrainiens ! », « Gloire à la nation, mort aux ennemis ! » Mais les responsables européens maintiennent que le Maidan défend les valeurs européennes.

Aujourd’hui, les nouvelles autorités ont proclamé que seuls seront considérés comme faisant partie de la « nation » ukrainienne ceux qui parlent l’Ukrainien. Il ne fait aucun doute que nous assisterons à des assimilations forcées de minorités ethniques. Aujourd’hui, le nouveau Parlement a abrogé la Loi sur la politique linguistique, définissant la procédure par laquelle les langues des minorités ethniques peuvent obtenir un statut officiel au niveau régional. [Tr. : Ceci s’appliquait à certaines régions, où la majorité de la population parle russe. Aujourd’hui, le russe a perdu son statut spécial. nde] En Ukraine occidentale, parler russe dans les transports publics a déjà été interdit il y a 6 ou 7 ans. Ce processus s’étendra désormais à toute l’Ukraine.

Irina Farion [du parti Svoboda], une néo-nazie, est pressentie pour devenir ministre de l’Education dans le nouveau gouvernement. Elle est connue, en tant que professeur, pour avoir interdit à l’une de ses élèves d’utiliser son propre nom, qui est russe.

Soulignons également que parmi les valeurs européennes figure l’Etat de droit. Natalia Vitrenko a montré que cet accord, signé en présence de responsables de trois ministères des Affaires étrangères, inclut un changement à la Constitution, une modification du système étatique ukrainien, et ce, en 48 heures. Le système constitutionnel a été changé illégalement, passant d’un système présidentiel à une république parlementaire. Violant la suprématie du droit, c’est-à-dire la priorité accordée à la Constitution au sein d’un système de droit domestique, le président Ianoukovitch a été illégalement dépossédé de son autorité.

Des députés européens et des représentants de l’UE ont décrit les guérilleros armés, qui tiraient sur des civils, sur des élus, et prenant d’assaut les immeubles publics, comme des « manifestants pacifiques ». En soutenant l’Euromaidan comme représentant les valeurs européennes, les responsables de l’UE ont reconnu la swastika, ainsi que les collaborationnistes comme Bandera et Choukhevitch et leurs pratiques, comme valeurs européennes. Ceci signifie que le précédent d’un soutien aux néo-nazis, aux terroristes et aux guérillas en Ukraine a été créé, risquant à l’avenir de s’étendre à d’autres pays européens, à des pays membres de l’UE.

Pour terminer, l’UE a donné sa bénédiction à l’accession au pouvoir des néo-nazis, qui ont déjà déclaré la Russie comme Etat hostile. La Russie et l’Ukraine sont liées par un Traité d’amitié et de partenariat. Je pense que ce nouveau régime néo-nazi va abroger ce traité. Mais même sans cela, un centre de tension a déjà été créé sur le continent eurasiatique, et la question est de savoir comment y mettre fin. Ce sera là un gros problème pour ceux qui ont soutenu l’Euromaidan et ont fait de ces valeurs, telles qu’elles ont été exprimées ici, un modèle de manifestation pacifique.


Conclusion de Valeri Sergachov

Valeri Sergachov : Je voudrais souligner qu’il existe 134 minorités ethniques différentes en Ukraine. Où les gens sont-ils censés se réfugier ? La Pologne et la Roumanie ont déclaré qu’elles étaient prêtes à accueillir des réfugiés. La Roumanie, durant les cinq ou sept dernières années, a fait part de ses ambitions territoriales envers la région d’Odessa et de Boukovina, qu’elle appelle Bessarabie. Des revendications territoriales sur la Crimée ont déjà été publiées dans la presse turque. Les nationalistes disent que le territoire ukrainien s’étend de Lviv jusqu’au Don (fleuve) – et c’est déjà en Russie ! Je voudrais souligner, encore une fois, qu’il y a 15 centrales nucléaires en Ukraine : 15 Tchernobyl. Ceci crée les conditions pour qu’éclate un conflit militaire pouvant dégénérer en troisième guerre mondiale.

Jacques Cheminade, en réponse à une question

Si l’on veut comprendre la situation, la première chose à considérer, c’est que le système de l’oligarchie anglo-américaine atteint sa phase finale ; il ne peut plus donner d’avenir au monde. D’où l’utilisation de l’Ukraine comme détonateur contre l’Eurasie, parce que c’est la zone qui reste à piller. Pas seulement contre la Russie, d’ailleurs, mais aussi contre la Chine. C’est la première chose à voir.

La deuxième, et c’est pour cela qu’on utilise l’Ukraine comme un détonateur, c’est que la vraie politique qui gêne, c’est celle de Poutine, pas la sienne proprement dite, mais celle qu’il a adoptée de notre ami Sergueï Glaziev. Il s’agit d’une politique de dés-offshorisation, c’est-à-dire rapatrier l’argent que les oligarques ukrainiens et russes ont mis à l’abri dans les paradis fiscaux, pour le ramener sous le contrôle national – dans un cas, il s’agit de la Russie, dans un autre, de la Chine.

Faire cela est intolérable pour cette oligarchie, parce que cela assèche sa source de pillage. Pour preuve, cette attaque contre Glaziev dans la New York Review of Books, qui dit que cet homme promeut l’Eurasie, c’est une Eurasie raciste, c’est quelque chose d’épouvantable, on ne peut pas tolérer cela, la liberté est en Ukraine, la liberté c’est Maidan, etc. ; à un petit détail près, très intéressant, c’est que Timothy Snyder, l’auteur de l’article, – qui est une figure, disons, habituelle, une marionnette, une plume de l’oligarchie anglo-américaine – met directement en cause Lyndon LaRouche, en affirmant que c’est lui qui a fait publier aux Etats-Unis le livre de Glaziev, selon lequel la Russie a été victime d’un génocide financier, économique et humain sous Eltsine.

Et voilà qu’en France, notre glorieux quotidien national, Le Monde, publie une page entière avec le texte de Timothy Snyder et, en commentaire, l’attaque contre Glaziev. Mais le nom de LaRouche est effacé, parce que ni lui ni moi, nous n’existons. Donc, cet individu qui est en train de vous parler est quelqu’un qui n’existe pas, selon l’oligarchie française. Voilà ce que je voulais vous dire.

COMMENTAIRES

petite souris - le 28 février 2014

au vu de ce qu’il s’est passé depuis lundi soir ...
Natalia Vitrenko et ses amis ont raison preuves à l’appui
...........
bizarrement les médias ne parlent plus du rôle "utile" des manifestants
mais le mal est fait !