Jacques Cheminade, toujours l’alternative

mardi 21 octobre 2025, par Christine Bierre

Jacques Cheminade, le 4 octobre, à Malroy (Metz), lors d’une rencontre dédicace à l’invitation de l’association L’éveil français et Valentin Dillon.
Jean-Marie Steinmetz.

par Christine Bierre, rédactrice-en-chef du mensuel Nouvelle Solidarité.

Explosion du narcotrafic, dette hors de contrôle, recul de l’industrie et de l’agriculture, services publics en décomposition, effondrement de la démographie, chute du niveau éducatif, la France sur le point de s’engager dans des guerres extérieures contraires à ses intérêts.

A qui la faute ? Il y a trente ans, le Conseil constitutionnel a voulu éliminer un candidat présidentiel visionnaire. En invalidant ses comptes de campagne alors qu’il validait ceux de Jacques Chirac et d’Edouard Balladur, tous deux dépassant les plafonds et abondés d’argent douteux, le Conseil constitutionnel avait alors tenté de mettre fin au combat de Jacques Cheminade en le privant du remboursement de ses dépenses électorales.

Trente ans plus tard, les nombreuses mises en garde de Cheminade sont devenues la triste réalité du pays.

Trente ans après la décision inique du Conseil constitutionnel, Jacques Cheminade, dans un livre qui vient de paraître (Répondre au cri du peuple, Editions Glyphe). A travers un récit autobiographique, Cheminade revient sur ses rencontres, ses convictions et ses combats, éclairant d’emblée toute une époque.

Nous republions ci-dessous des extraits de sa profession de foi de 1995, qui reste l’alternative pour la France aujourd’hui, les partis en place se limitant à proposer plus ou moins d’austérité mais sans traiter les véritables problèmes de fond.

Extraits de la profession de foi de 1995 de Jacques Cheminade

Cette élection présidentielle se déroule à un moment tragique de notre histoire, face à un cataclysme financier mondial. Ce devrait être l’occasion de redéfinir le rôle de la France, faisant d’elle une base de grands projets pour rebâtir le monde.

Je suis candidat faute de voir ailleurs cette volonté. Les autres mentent ou se mentent à eux-mêmes. Je pars au contraire de cette réalité fondamentale : un cancer spéculatif prolifère dans le monde et y détruit le corps de l’économie. (...)

Pouvons-nous mettre en place un système économique viable qui empêchera que se brise la trame sociale, que se désintègre notre système de gouvernement représentatif et qu ’un monde en contraction aille à la guerre ?

Ma réponse est oui. A condition que nous fassions trois choses : identifier l’ennemi, nous battre pour une nouvelle donne et faire se lever une résistance.

I – Identifier l’ennemi

L’on tente de nous faire croire qu’il existe une entité suprême appelée « marchés », à laquelle il faudrait se soumettre car ce serait l’état naturel de la société. Rien n’est plus faux : les marchés ont un visage. C’est celui de l’oligarchie, celle de la City de Londres et de Wall Street, de la Réserve fédérale américaine et du Fonds monétaire international (FMI). Les relais de leur politique sont chez nous la Direction du Trésor, la Banque de France et le petit monde incestueux de la finance, des cabinets ministériels et des plumitifs de Cour attitrés.

Cette dictature financière est la cause du chômage. Prétendre combattre le chômage sans affronter cette dictature est une tromperie.

C’est aussi une dictature de l’esprit. Elle prétend au monopole de la pensée et impose partout l’obsession du jeu et l’appât du gain immédiat qui avilissent et détruisent le travail humain. Les spéculations insensées sur les produits dérivés, le trafic de drogue et le casino de l’immobilier sont au cœur de ce système. (...)

Il - Une nouvelle donne pour la paix, la croissance et l’emploi

La France de l’an 2000, ce n’est pas une peau de chagrin mais un horizon de croissance, l’essor de découvertes pour le bien commun. L’on peut et doit penser grand.

Pour cela, il faut d’abord tenir une grande querelle contre l’injustice. La France et l’Europe doivent ainsi s’engager pour deux causes : la lutte contre la pauvreté et le chômage, le combat pour la paix dans le monde.

Pour fixer cette nouvelle règle du jeu, je propose les engagements suivants :

  • Éliminer le « cancer financier » et mettre en œuvre un nouveau plan Marshall Ouest-Est et Nord-Sud, réorientant les flux financiers vers les infrastructures et la production.
  • Pour ce faire, il faut mettre en règlement judiciaire les agents du système monétaire et financier international actuel, qui se trouvent — en termes physiques, réels — déjà en faillite de fait. (…)
  • Cette démarche suppose que l’Etat reprenne le contrôle du crédit et de l’émission de monnaie. La France doit être le fer de lance d’un effort européen pour rétablir l’initiative, la puissance et la dignité de l’Etat, aujourd’hui bafouées.
  • Le noyau dur franco-allemand, à condition qu’il soit dégagé du contrôle monétariste de la Bundesbank et de la Banque de France, doit constituer le point de départ de ce combat, avec des politiques communes scientifiques, infrastructurelles et industrielles, et le nouveau plan Marshall pour horizon et pour vecteur, de l’Eurasie à l’Eurafrique.
  • Une défense commune fondée sur 1’application de principes physiques nouveaux, une grande politique de l’espace et un effort massif de santé publique — l’homme n’est lui-même qu’aux frontières de la vie — doivent permettre de multiplier les retombées productives dans l’économie civile. Traçons trois voies menant à l’avenir : l’action sur la matière à distance (lasers, faisceaux de particules), le combat pour la vie (renforcement du système immunitaire et maîtrise de la vie cellulaire), et la production d’énergie à faible coût et sans pertes (fusion thermonucléaire contrôlée et supraconductivité).
  • Briser net notre nouvelle « Entente cordiale » avec la City de Londres. On ne peut prétendre être une République alors qu’on pactise avec une oligarchie qui ruine son propre pays. On ne peut prétendre défendre la paix dans le monde avec le parti de la guerre financière. (...)

Politique intérieure

Avec le cadre européen et le socle anti-financier que nous avons défini, et avec eux seuls, une hausse des salaires en France devient non seulement possible, mais nécessaire. Il est absurde de dire que ce sont les salaires trop élevés qui ont causé le chômage ! Une Europe où les taux de chômage et d’endettement croissent en même temps, où les taux d’intérêt réels augmentent plus rapidement que la productivité et où les revenus du capital sont détaxés et ceux du travail écrasés, est une Europe qui va droit dans le mur.

Il est absurde de prétendre qu’il faut réduire les prestations sociales et les retraites alors que la cause réelle du « trou » de la Sécurité sociale est que, depuis vingt ans, on réduit la masse salariale dont elle dépend pour son financement. On a été trop généreux, mais pour la rente financière ! Il faut, avec la politique hardie de croissance économique retrouvée, revenir à une politique de logements sociaux, de refus de l’exclusion et d’aide à la famille.

L’éducation nationale doit respecter et élever les pouvoirs créateurs des enfants en leur faisant revivre les grands moments de notre histoire et les grandes découvertes de nos savants. Cette capacité créatrice enrichira l’économie si l’Ecole et l’Entreprise coordonnent mieux et plus tôt leurs efforts.

Il faut mettre en place une réelle politique d’aménagement du territoire, et non sa caricature. Cela signifie une approche cartographique de la France, par kilomètre carré, par ménage et par habitant, dans laquelle tous progressent du même élan, sinon de la même façon,

Il faut organiser une renaissance du monde rural et, dans le cadre du nouveau plan Marshall, une nouvelle politique alimentaire mondiale. Il est insensé que l’Europe impose la jachère alors que des centaines de millions d’hommes ont besoin d’être nourris.

Oui, il faut une réforme fiscale, mais pour favoriser l’investissement productif et taxer les revenus de la rente financière, non pour détaxer les plus nantis et déréglementer leurs opérations. Un seul pays européen ne peut le faire ? C’est vrai, car alors l’argent ira ailleurs.

C’est pourquoi la politique de tous les pays européens participant à l’Union — c’est le sens même de Union, donc à prendre ou à laisser — doit être de faire cette réforme, de façon concertée.

Bref, le choix est simple : veut-on continuer à laisser se gonfler la bulle financière et se déchirer notre trame sociale, ou au contraire investir dans la production et le travail ?