par Christine Bierre
Au moment où une grande majorité de la planète salue le rôle de la Chine, avec l’Inde et la Russie, dans la naissance d’un Sud global prônant des politiques de paix par le développement économique, il n’est pas inutile de revenir sur cette affaire.
Le 4 juillet, la Commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale a publié un rapport officiel sur les relations entre l’Europe et la Chine, rédigé par Sophia Chikirou, de LFI, qui a embarrassé, non tant l’Assemblée nationale, mais certains spécialistes des renseignements et journalistes inféodés à l’Empire anglo-américain déclinant.
Le 4 juillet, Pierre Januel, du quotidien Le Monde, n’a pas hésité à dégainer contre Sophia Chikirou, très irrité par le fait que la députée dénonce la politique de l’UE comme « trop souvent alignée sur la politique américaine vis-à-vis de Pékin ».
Et Januel d’appeler à son secours Paul Charon, identifié comme « sinologue et politiste », qui met en garde contre « la politique expansionniste de la Chine » et contre des propos qui « justifient tout simplement la dictature du parti ».
Ce que ne dit pas Pierre Januel est que Paul Charon est le directeur du département de renseignement de l’IRSEM (Institut de recherche stratégique de l’Ecole militaire) où il collabore avec, entre autres, le Collège de défense de l’OTAN et de nombreux think tanks anglo-américains. [1]
Or, à la lecture du rapport, on découvre non seulement une analyse politique très judicieuse, mais aussi des mesures exigeantes pour résoudre au mieux les problèmes réels d’échanges qui peuvent se poser avec la Chine, et tout cela au nom de la sauvegarde de « l’autonomie stratégique européenne » chère au gouvernement, quoi qu’en dise M. Januel !
Extraits
Depuis la communication de la Commission en 2019 qualifiant désormais la Chine de « concurrent économique » et « rival systémique », et non plus seulement de partenaire de coopération, les liens se sont dégradés.
L’approche résolument atlantiste adoptée par l’Europe a abouti à une sorte de guerre commerciale contre la Chine, aux effets délétères et au détriment du dialogue euro-chinois.
(...) Qui plus est, les faiblesses internes de l’Europe : fragmentation politique entre États membres, dogmatisme libéral et insuffisances industrielles et technologiques, entravent l’objectif « d’autonomie stratégique européenne ».
Face à ce diagnostic alarmant, le rapport appelle à un changement de cap stratégique dans les relations entre l’Union européenne et la Chine, au bénéfice d’une coopération respectueuse des souverainetés nationales.
(...) par le biais (…) de mesures négociées telles que la mise en place de quotas d’importation sur des produits sensibles, la généralisation de prix planchers sur certains biens stratégiques, ou encore l’exigence de contreparties technologiques lors d’investissements étrangers soutenus par des fonds publics. Cette stratégie de « protectionnisme solidaire » n’est ni un repli ni une fermeture. (...)
Ce rapport est aussi une mise en garde contre la « vassalisation » de l’Europe dans le face-à-face sino-américain, a fortiori avec le retour de Donald Trump au pouvoir et de son agressivité tous azimuts. Il est temps de réaffirmer clairement l’attachement européen au multilatéralisme et au droit international. L’Europe doit rompre avec « l’occidentalisme » (ou choc des civilisations) et la logique de bloc contre bloc promue par les Faucons américains et leurs porte-parole européens.
L’Europe doit définir une voie propre au service de la paix. Cela peut être construit avec la Chine.



