Le droit à la santé, une révolution républicaine

dimanche 16 août 2009, par Agnès Farkas

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Le but était d’assurer à la masse des travailleurs, et pour commencer aux salariés, une sécurité véritable du lendemain. Cela allait de pair avec une transformation sociale et même économique : l’effort qu’on leur demandait pour la remise en marche de l’économie [d’après guerre, Ndr] devait avoir une contrepartie. La deuxième idée, c’était de donner aux intéressés eux-mêmes la responsabilité des institutions.

Pierre Laroque (1907-1997), fondateur de la Sécurité Sociale.

Introduction

En ce début du XXIème siècle, l’hôpital public est menacé de démantèlement, le droit à la santé pour tous n’est plus la priorité des gouvernements. Face à la situation d’effondrement du système financier, à la montée des épidémies, à la guerre, à la dégradation culturelle et morale des élites et de la population, avons-nous encore les moyens de changer cette tendance ?

La réponse est fermement : Oui ! Oui, mais à condition de promouvoir une révolution médicale organisée par des scientifiques et des médecins républicains. Pour y réussir, nous pourrons nous inspirer du Comité de Secours public au XVIIIème siècle et de ses membres ; en cela nous marcherons sur les pas des initiateurs comme le chirurgien Jacques René Tenon, le chimiste Antoine Laurent Lavoisier et le médecin accoucheur Jean-Louis Baudelocque.

C’est cet esprit de réforme scientifique qui s’est étendu au XIXème et XXème siècle avec Louis Pasteur, Claude Bernard et Marie Curie. La bataille pour la défense des droits républicains aux plus démunis a été menée de concert par les mouvements chrétiens sociaux, par Jean Jaurès et ses amis et a été reprise par leurs héritiers du Conseil National de la Résistance.

Messieurs : La Cour !

Avant d’aller plus avant et pour mieux comprendre ce que représente la révolution des droits à la santé du citoyen, il semble nécessaire de jeter un regard sur le siècle précédent la création de l’hôpital public : celui de Louis XIV et de la cour de Versailles. Sans vouloir entrer dans les détails de la situation politique de la deuxième partie du XVIIème siècle, nous pouvons dire que, avant sa mort (1715), Louis XIV a largement creusé un fossé économique entre une population décimée par la famine (en provoquant des guerres incessantes qui ont ravagé la France et ses frontières) et la cour qu’il entretient.

Ce n’est pas un paradoxe que les revenus de la noblesse diminuent drastiquement et la portent à sa ruine au moment même où l’indigence et la pauvreté – conséquentes de la guerre et accentuées par les disettes dues aux hivers rigoureux de 1709/1710 – déciment la population. En effet, les seigneurs de ce système féodal peinent à maintenir leur train de vie car leurs sujets et serfs ne sont plus en mesure de payer les taxes qui leur sont indument imposées. De plus, le pillage des nouvelles colonies de la France – par le trafic de leurs produits (épices, chocolats, bois précieux... parfois, le trafic d’esclaves) – est bien trop vite absorbé dans le remboursement de la dette d’Etat aux « manieurs de l’argent ». Le trou dans les caisses de l’Etat devient rapidement un gouffre.

Bien que confirmant les conquêtes territoriales de la France, les guerres du Roi-Soleil ont, en grande partie, ruiné le brillant ouvrage de Jean-Baptiste Colbert et détruit le système industriel et manufacturier que celui-ci avait bâti, enrichissant la France. Le 18 octobre 1685, deux ans après la mort de Colbert, Louis XIV sonne le glas des politiques colbertistes en révoquant l’Edit de Nantes : « Par cette déplorable mesure, la France perdit après la mort de Colbert, dans l’espace de trois ans, un demi million de ses habitants les plus industrieux, les plus adroits, les plus riches, lesquels, au double préjudice du pays qu’ils avaient enrichi, transportèrent leur industrie et leur capitaux en Suisse, dans toute l’Allemagne protestante, et particulièrement en Prusse, et de plus en Hollande et en Angleterre. » (Friedrich List ). Entre 1680 et 1720, la France perd 10% de sa population en moyenne à cause de cette émigration et surtout d’une forte mortalité infantile due aux conditions de famine.

Jacques Callot : Les misères de la guerre.

Les Cavaliers de l’Apocalypse ne vont jamais seuls. La guerre du nord (1699-1721) provoque non seulement une crise des subsistances, mais elle y ajoute aussi le cortège des épidémies qui galope derrière elle. La peste est l’une des principales maladies du début du XVIIIème siècle. Après avoir atteint la Pologne, la Prusse-Orientale et la Scandinavie entre 1708 et 1713, elle entre en France, ravage Marseille en 1720 et laisse derrière elle 80000 victimes. La dysenterie frappe l’Anjou entre 1705 et 1707, la variole et le typhus sévissent et prennent régulièrement un caractère malin et endémique. D’autres foyers d’infections restent tenaces, tels le paludisme (dans les zones marécageuses en Bretagne, Languedoc…) ou la phtisie pulmonaire, une affection respiratoire qui crée une sur-morbidité en hiver. La mauvaise récolte entraîne une détérioration qualitative et quantitative d’un régime alimentaire déjà déficient en une année normale. Affaiblis, les organismes sont plus réceptifs aux agents infectieux. A leur tour, les épidémies désorganisent la société, l’économie et accentuent les déficiences alimentaires. C’est sans compter les armées du roi et de sa cour qui passent avec armes et chevaux dans les champs de céréales.

La vie à Versailles contraste scandaleusement avec la vie du peuple. La guerre et les fêtes coûtent très cher à une noblesse qui se divertit ; le jeu fait fureur à la cour. Un jour la reine en oublie la messe et perd 20000 écus avant midi. Le roi remarque : « Madame supputons combien c’est par an... » La pauvreté grandit et avec elle le brigandage. Dans un « grand souci du maintien de l’ordre », Louis XIV a imposé aux hôpitaux dès 1656 « l’enfermement des miséreux », surchargeant ceux-ci et accentuant la propagation des maladies à l’intérieur d’établissements hospitaliers en bien trop petit nombre. Il crée ainsi les « hôpitaux-prisons ». La misère est visiblement « insupportable » aux yeux de ceux qui vivent dans l’opulence et qui tentent de l’ignorer.

Indigence et suffisance

Prenant modèle sur la noblesse du début de ce siècle, la médecine est celle d’une société élitiste profondément inégalitaire et corporatiste, imbue de son savoir et de son pouvoir dans laquelle les rivalités s’exacerbent. Au sommet, les communautés de médecins luttent contre l’ascension des apothicaires ou des chirurgiens ; ceux-ci sont relégués au rang de botanistes et ceux-là au rang de barbiers. Les médecins veillent avec un soin jaloux à conserver l’usage exclusif des termes de faculté et de doctorat.

Ils multiplient comme à plaisir les rites et les insignes (emploi du latin, robe, bonnet carré…) qui les distinguent des autres et en particulier des chirurgiens. L’Edit de Marly de 1707 bouscule cependant leurs privilèges et donne aux chirurgiens un statut équivalent au leur. Dès lors, ils ferraillent pour que chirurgiens et barbiers restent confondus dans une même communauté puis consentent à l’enseignement chirurgical mais luttent pour le cantonner dans de simples écoles desservies par des démonstrateurs et débouchant au mieux sur un emploi de grand Chef d’œuvre. Parallèlement, ils maintiennent leur monopole sur l’enseignement de la pharmacie et leur présence dans des jurys d’apothicaires.

Théophile de Bordeu.

L’utilité sociale et les considérations scientifiques passent après l’intérêt des corporations, les médecins sont à la noblesse ce que la noblesse est au roi, des gens de cour avides de reconnaissance.

Les fils des Lumières et chantres de l’Encyclopédie, tels les médecins Paul Joseph Barthez et Théophile de Bordeu, sont plus affairés dans les divertissements de la cour de Versailles et dans les débats philosophiques sur les vertus de l’empirisme cartésien ou de la philosophie animiste-vitaliste de Georg Ernst Stahl , que dans les soins aux plus démunis et dans l’éducation de leurs élèves.

Bordeu était connu pour son absentéisme à ses cours professoraux. Il ne se donnait même pas la peine de prévenir ses élèves.

Dans ce monde, l’élite de la médecine s’attache à sa carrière et côtoie, paiement et notoriété garantis, les classes aisées qui sont dans les grandes villes et surtout à Paris (Versailles oblige), alors que la majorité de la population subit les ravages des famines et des épidémies (variole, typhus, peste, paludisme…) causées, en grande partie jusqu’au XVIIIème siècle, par la volonté du Roi-Soleil d’établir un empire de type romain. D’ailleurs à cette époque un enfant sur quatre n’atteint pas son premier anniversaire, un sur deux meurt avant vingt ans, et ce sont bien souvent de petits chirurgiens avec peu d’expérience qui officient dans les campagnes. Les routes sont si mauvaises et parfois même inexistantes que, bien souvent, ceux-ci arrivent après le décès du patient.

Face aux épidémies, l’hôpital de la charité

L’hôpital, qui est avant tout l’expression de la charité chrétienne héritée des institutions du Moyen âge et obéissant à la règle de Saint Augustin (par exemple, l’Hôtel Dieu de Paris fondé au VIIème siècle sous l’épiscopat de Saint Landry), reste un lieu où l’on privilégie le spirituel et les soins de l’âme aux soins du corps ; la cause étant la faible médicalisation des lieux et un manque dramatique de médecins. L’hôpital, malgré tout, reçoit toutes les catégories de malades (exceptés certains contagieux) comme les blessés, les aliénés, les accouchées…

Hôtel Dieu (Paris, vers 1500).

Cet hôpital du pauvre attire peu de médecins (mal payés et peu reconnus). Les religieuses et les chirurgiens y travaillent de concert, mais s’ils sont certains de pouvoir offrir le couvert et le lit au malade, peu d’entre eux lui promettent la guérison. De plus, dans un temps où les quatre cinquièmes de la population vivent à la campagne, les paysans ne peuvent avoir accès à l’hôpital qui est réservé aux pauvres de la ville ou de la paroisse. La plupart des hôpitaux sont d’ailleurs au centre des villes et subsistent grâce aux œuvres religieuses et aux dons des notables de la cité.

L’indigent va donc à l’hôpital pour y mourir, comme son père avant lui, car le reste de la famille passant son temps à tenter de subvenir à sa propre subsistance ne peut lui consacrer que peu d’attention, même charitable. De plus, même si un individu arrive à l’hôpital avec une maladie bénigne, les lieux sont tellement malsains qu’il est certain de revenir avec une infection ou un parasite comme la gale, la tuberculose, la syphilis… ou tout à la fois, contaminant de facto son entourage familial. Pire encore, quand elle ne peut aller à l’hôpital, cette population sans instruction s’adresse à divers charlatans pour soigner ses maux.

Dans cette situation désastreuse, Colbert est une figure politique extraordinaire qui pèse contre les volontés des conseillers aux finances de LouisXIV. En 1670, grâce à son poste de Contrôleur général des finances, il peut créer une Caisse des gens de mer pour aider les familles de marins et une Caisse des invalides de la marine qui assure une modeste pension aux « blessés » dans leur travail. Toujours grâce à lui, les marins sont les premiers à bénéficier d’une retraite à 60 ans. Pour la suite de cet article, il faut souligner la différence qui existe entre l’initiative de Colbert et les premières caisses d’épargne populaire du XIXème siècle. Sans en nier aucunement le mérite, il faut préciser que l’argent des caisses de Colbert provient des revenus des officiers de la marine : nous sommes encore dans l’esprit de la charité. Deux siècles plus tard, l’idée sera que les ouvriers deviendront les gestionnaires de l’argent qu’ils auront épargné.

Le Comité de Secours publics et la révolution de la science médicale

Les médecins ont longtemps obtenu que les chirurgiens ne soient pas considérés à leur égal mais comme de simples artisans. Ceci est important car ces chirurgiens, exclus de la cour, soignent la population et connaissent ses maladies. A la différence de la caste des théoriciens de la médecine, les vrais savants de la Révolution française se dépensent sans compter pour éduquer le peuple et lui faire connaître et appliquer leurs découvertes. Ce fut le cas de ceux qui furent nommés à la tête du Comité de Secours publics. Comme le souligne Jacques René Tenon dans ses Mémoires sur les hôpitaux de Paris en 1788 :

Les hôpitaux sont en quelque sorte la mesure de la civilisation d’un Peuple : ils sont plus appropriés à ses besoins et mieux tenus, à proportion de ce qu’il est plus rassemblé, plus humain, plus instruit.

Bertrand Barère de Vieuzac.

Il faut noter ici qu’il y a une relation tri-univoque entre le manque d’éducation de la population, l’indigence dans laquelle elle est maintenue, et le détournement des fonds publics au profit d’une petite caste d’individus qui promeut la guerre pour se maintenir au pouvoir.

Le fait n’est pas nouveau et est déjà relaté par Thucydide qui fit un lien entre la montée en été 430 av.J.C. de l’épidémie de peste à Athènes et la guerre du Péloponnèse commencée un an plus tôt. Cette guerre de trente ans contre Sparte ruina la ville. En 429 av.J.C., le grand médecin philosophe, Hippocrate revint d’urgence pour sauver Athènes en prônant des mesures d’assainissement de grande envergure pour l’époque.

Les savants et chirurgiens de la Révolution française sont les véritables héritiers d’Hippocrate.

William Pitt (Son Escréfiente : un champignon sur une bouse [de vache]).

Né dans une famille de chirurgiens, Jacques René Tenon (1724-1816) est l’aîné de 11 enfants. En 1785, treize ans après qu’une partie de l’Hôtel-Dieu de Paris eut brûlé, il est chargé par Louis XVI, avec sept autres membres de l’Académie des sciences, de présenter devant celle-ci un rapport sur la reconstruction de l’hôpital. Élu député de la Législative en 1791, il est nommé premier président du Comité de secours publics, et commande une grande enquête sur les hôpitaux qui permet de connaître avec une certaine précision le nombre d’établissements (2000 hôpitaux, cliniques ou hospices) et leurs capacités à travers toute la République.

Chose que la Monarchie n’avait jamais réussi à faire sous l’Ancien Régime.

Les membres de la Terreur (1793-1794) ont tenté de saborder l’initiative, poussés par Bertrand Barère de Vieuzac . Il fût l’un des principaux correspondants français des services secrets britanniques de William Pitt le jeune. Malgré la situation politique, Tenon et ses amis mettent en place les premiers hôpitaux publics. Les réunions de travail de Tenon et de son comité ont pour rapporteur Antoine Laurent Lavoisier.

L’idée révolutionnaire est que le malade qui entre à l’hôpital doit en sortir guéri. De nos jours, cela paraît une banalité mais cela ne serait pas sans la bataille engagée par ces savants révolutionnaires.

Changer l’hôpital

Changer l’hôpital c’est aussi changer son environnement. Un Comité de Salubrité public s’est attaché à assainir toute la ville par des Comités d’hygiène publique. Ici, la vision de l’homme devient totalement différente : chaque individu en tant que citoyen a accès au bien commun. L’assainissement des prisons procurant une meilleure vie au détenu quels que soient ses crimes, l’éloignement des abattoirs du centre des villes, la propreté de la ville et de ses rues font partie du projet. Les soins autour de la périnatalité (la mortalité enfantine et celle des femmes en couches était épouvantable) est l’une des réforme phare du Comité.

Lavoisier est un chimiste, philosophe et économiste français. Il a énoncé la première version de la loi de conservation de la matière, identifié et baptisé l’oxygène (1778), réfuté la théorie phlogistique de Georg Ernest Stahl, et réformé la nomenclature chimique. Les politiques de santé des XIXème et XXème sont redevables des découvertes de Lavoisier et notamment sur les gaz et la respiration. Il faut ajouter au génie créateur du savant, sa générosité. Il projette d’établir une Caisse de bienfaisance dont l’objet est d’assurer aux vieillards et aux veuves des secours contre l’indigence. Il comprend qu’il faut, pour constituer une caisse prospère, d’une part en diminuer les charges probables en choisissant, pour qu’ils cotisent dans leur jeunesse, les « individus les plus robustes et les plus fortement constitués » (les travailleurs), et d’autre part, réaliser des bénéfices qui puissent donner aux assurés de la caisse une large marge de sécurité. Lavoisier a voulu que cette caisse soit placée sous la garantie de l’Etat. Ce projet peut être considéré comme le point de départ des futures organisations de solidarité sociale.

Lavoisier ne verra pas la véritable naissance de l’hôpital républicain, il sera guillotiné en mai 1794, dans les derniers soubresauts de la Terreur. Tenon n’est pas réélu sous la Convention et, désapprouvant ses excès, se retire sur ses terres à Massy en 1792. Pourtant les mesures d’hygiène mises en place par Tenon, Lavoisier et leurs amis ont non seulement fait baisser le taux de mortalité dans la population de l’époque, mais elles sont toujours actives aujourd’hui, comme par exemple : l’étuvage des lits hospitaliers, l’ébouage et le lessivage des rues…

Après une reprise en mains énergique fin 1794, les membres de l’hôpital public rénovent en profondeur l’enseignement médical, trois écoles de santé reliées à l’hôpital sont créées à Paris, Montpellier et Strasbourg. En 1802, ils constituent un Corps médical hospitalier d’élite composé de médecins et de chirurgiens.

La périnatalité : la science contre le charlatanisme

La mise en place de l’hôpital public a réduit de manière considérable la mortalité périnatale. Auparavant les accouchées étaient placées de deux à six par lits. Les conditions à la naissance des enfants étaient affreuses. Les mères mourraient de fièvres puerpérales et la mortalité enfantine à la naissance est endémique. Si la saignée des femmes enceintes faisait des ravages, les matrones n’étaient pas en reste pratiquant de manière systématique l’accouchement au forceps. Trop sûrs de leur science théorique, des accoucheurs pratiquaient les césariennes sans suture de la matrice, tuant la moitié de leurs patientes et le tiers de leurs bébés.

Les mesures d’hygiène prises autour de la natalité ont bouleversé la vision de l’enfant et de la femme. La ventilation des salles (aérisme) est imposée. Désormais les patientes sont seules par lit et les lits sont séparés de 50cm. Les matrones sont bannies de l’hôpital. L’accouchement devient sans conteste le principal secteur d’application de la novation médicale. Initiateur des réformes dans ce secteur, Jean-Louis Baudelocque est le plus célèbre des médecins accoucheurs de son époque. Père de l’obstétrique et auteur de L’art des accouchements (1778), il fit de l’obstétrique une discipline scientifique. Sa plus grande contribution fut probablement ses écrits d’obstétrique et l’enseignement de celle-ci à plusieurs générations de sages-femmes et de jeunes médecins.

Jean-Louis Baudelocque a été mêlé à un retentissant procès qui lui a été intenté par Jean-François Sacombe. Ce médecin accoucheur farouche opposant de la césarienne et défenseur des pratiques « traditionnelles des sages femmes », accuse Baudelocque d’infanticide. En 1804, Sacombe finira par perdre son procès. La défense stupide du retour au « naturel » n’est pas une découverte de notre époque…

L’AP-HP et l’Assistance médicale gratuite

François de la Rochefoucauld Liancourt

Dans la même période, héritières du plan de Lavoisier, les premières couvertures sociales sont organisées. En 1818, François de la Rochefoucauld-Liancourt crée la Caisse d’Epargne et de Prévoyance de Paris (première caisse d’épargne en France) pour les ouvriers. En échange d’un prélèvement modique sur leur salaire hebdomadaire, la caisse est tenue de verser une indemnisation journalière d’1/3 du salaire au travailleur malade.

Dès lors, l’épargne devient salariale et devra être gérée par l’ouvrier. C’est une première ! Cela veut dire que l’ouvrier aura les moyens de surveillance de l’argent pris sur son salaire pour lui assurer sa subsistance lors de congés dus à la maladie.

C’est à ce moment que naîtra une longue bataille pour les droits syndicaux des travailleurs.

En 1849 est instituée l’Administration générale de l’Assistance publique et Hôpitaux de Paris (AP-HP). Elle lie le Secours à domicile, créé en 1790 par le président du Comité de mendicité de La Rochefoucauld-Liancourt et les services hospitaliers. L’assistance médicale aux plus démunis est une obligation d’Etat et l’hôpital devient un réel centre de soins. Dès lors, un personnel soignant de plus en plus instruit augmentera de façon spectaculaire (Paris : 1340 agents en 1849 et 4870 en 1899). L’enseignement professionnel du personnel est promu au sein des établissements hospitaliers et financé par la municipalité. L’attachement au droit à la santé portant à la découverte scientifique restera au cœur de la santé publique à partir du XIXème siècle.

Mettant en application le droit à l’assistance inscrit dans le préambule de la Constitution de 1789, un service d’Assistance médicale gratuite est institué avec la naissance de la IIIème République. En effet, la loi du 15 juillet 1893 déclare que tout malade privé de ressources a le droit de bénéficier d’assistance médicale gratuite, soit à domicile, soit à l’hôpital. Les maisons de bienfaisances font place définitivement aux dispensaires médicaux. En 1895, l’hôpital public acquiert une telle renommée que les parisiens « non indigents » affluent aux consultations gratuites. L’Assistance publique se voit dans l’obligation d’exiger après des malades qui se présentent aux consultations hospitalières gratuites de présenter leur Certificat d’indigence… « Tout ce que vous faites au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous le faites » (Matthieu 25, 40)

Claude Bernard, Louis Pasteur, Marie Curie et la science au futur

Claude Bernard

Parmi les découvertes du XIXème siècle, beaucoup furent indispensables à l’évolution des sciences médicales, pourtant il y a un pas de géant à franchir pour le chercheur qui adopte la méthode d’hypothèse. Celui-ci ose alors faire un saut dans l’inconnu, comme l’exprime Claude Bernard : « Celui qui ne connaît pas les tourments de l’inconnu doit ignorer les joies de la découverte qui sont les plus vives que l’esprit de l’homme puisse jamais ressentir ».

Bernard est le fondateur de la médecine expérimentale. Pour lui, si la médecine débute nécessairement par la clinique, celle-ci n’est pas pour cela, la base de la médecine scientifique. La véritable base de celle-ci est la physiologie qui doit donner l’explication des phénomènes morbides. Dans ce sens, il pousse à l’expérimentation physiologique et demande à ce que le laboratoire se rapproche de l’hôpital. 12 ans après sa mort, en 1890, le laboratoire entre enfin à l’hôpital.

Sadi Carnot.

Son contemporain, le chimiste Louis Pasteur met un terme à l’idée reçue que la maladie n’atteint que l’individu prédisposé à l’infection. Ce dernier et Bernard préparent de concert les attaques publiques de Pasteur contre Félix Archimède Pouchet, avocat de la théorie de l’hétérogénie (génération spontanée). Pasteur fait du laboratoire l’endroit de découverte du fonctionnement des agents infectieux et le moyen de les combattre.

L’école pastorienne de lutte contre les maladies et la vaccination a contribué non seulement à l’allongement de la vie mais aussi à une explosion démographique sans précédent. Il faut ajouter à cela le changement apporté par l’asepsie dans la chirurgie, le monde hospitalier ou médical. En 1888, sous la IIIème république, le président Sadi Carnot inaugure l’Institut Pasteur.

Faisant suite aux découvertes de Pasteur, dès la fin du XIXème siècle, la plupart des pays européens possèdent une loi sanitaire générale réglementant la lutte contre les affections contagieuses et la protection de l’hygiène de l’habitation.

Paradoxalement, la France, berceau du savant, n’adopte qu’en 1902 une législation sanitaire – sous le gouvernement de Pierre Waldeck Rousseau. Pire encore, alors que la tuberculose est endémique, les premières vaccinations ne sont appliquées qu’en 1921. La lenteur de la mise en place de la vaccination est due aux inspirateurs et héritiers de Charles Darwin et de Thomas Malthus qui ont toujours fait campagne contre elle. Jusqu’au début du XXème siècle, la tuberculose est classée « maladie honteuse » car, selon les théories de Francis Darwin Galton (créateur des sociétés eugénistes), elle ne peut être présente qu’au sein de familles génétiquement dégénérées ; c’est-à-dire pauvres car, pour les eugénistes, la pauvreté est en elle-même une tare.

Fiche anthropométrique de Francis (Darwin) Galton.

La découverte du radium en 1898 par la chimiste Marie Curie a des implications médicales immédiates dans le monde de la santé : radiographie médicale, utilisation de la radiothérapie dans le traitement des cancers… En 1909, l’Université de Paris et l’Institut Pasteur décident de construire à frais commun l’Institut du radium, un grand laboratoire pour Marie Curie. 100 ans après, la médecine nucléaire est utilisée dans les hôpitaux du monde entier. Les tomographes à émission de positrons qui permettent des diagnostics précoces de diverses maladies et notamment des tumeurs cancéreuses, sont l’une des dernières avancées dans la technologie médicale.

En 2009, des chercheurs israéliens ont imaginé de coupler l’imagerie par résonance magnétique (IRM) avec des ultrasons focalisés pour détruire les tumeurs sous contrôle permanent de la vision. A ce jour, 63 patientes ont été soignées à Tours (France). Elles souffraient de fibromes utérins. A terme, cette technologie pourrait soigner également les tumeurs cancéreuses, sans opération chirurgicale. Ce qui démontre le potentiel de la technologie médicale du futur.

Le XXème siècle et la naissance des Caisses d’assurances sociales

Dans les années 1870, le jeune étudiant Jean Jaurès est frappé de voir la foule de misérables qui survivent à Paris. Il écrira plus tard :

Je fus saisi d’effroi, un soir d’hiver, dans la ville immense, une sorte d’épouvante sociale… et je me demandais avec une sorte de terreur impersonnelle comment tous ces êtres acceptaient l’inégale répartition des biens et des maux, et comment l’énorme structure sociale ne tombait pas en dissolution…

Jean Jaurès

L’administration par les salariés des caisses d’assurances diverses (retraite, maladie…) est défendue âprement tant par Jean Jaurès et les chrétiens sociaux qui sont associés au puissant allié que représente le Pape Léon XIII ; l’encyclique Rerum Novarum publiée en 1891 est l’appel d’une grande foi républicaine. Ils font aussi écho à la mise en place du système d’assurances sociales du chancelier allemand Otto Von Bismarck et prennent l’initiative des premières réformes sur la législation sociale en France. Pour n’en citer que quelques unes :

  • 1898 : loi sur les accidents du travail à la charge du patron, premier texte de protection obligatoire pour les travailleurs salariés (sous Henri Brisson)
  • 1902 : première loi sur le code de la santé (sous Waldeck Rousseau)
  • 1905 : pour les vieillards, les infirmes et incurables, à la charge des communes et départements (sous Maurice Rouvier)
  • 1910 : sur les retraites ouvrières et paysannes, cotisations patronat – ouvriers garanties par l’Etat (sous Aristide Briand)

Chargé de mission puis chef de cabinet d’Adolphe Landry, ministre du Travail et de la prévoyance sociale, le jeune secrétaire d’Etat aux Affaires sociales, Pierre Laroque assure la mise en application de la loi de 1930 sur les assurances sociales qui sont issues des conquêtes républicaines et socialistes. En 1933, il participe à un comité d’experts créé conjointement par la section d’hygiène de la Société Des Nations et le Bureau International du Travail « pour l’étude des méthodes permettant de sauver la santé publique en période de crise » à Philadelphie, aux Etats-Unis sous le gouvernement de Franklin Delano Roosevelt. Il a 27 ans et défend au sein de son poste de rapporteur auprès du Conseil supérieur des assurances sociales, l’héritage républicain du droit à la santé pour tous, jusqu’en 1939.

Le 20 décembre 1940, il est démis de ses fonctions au Conseil d’Etat, en application de la « loi Alibert » (statut des juifs) du 3 octobre 1940. En 1942, il prend contact avec la résistance et part à Londres pour s’engager dans les Forces Françaises libres. Il lance régulièrement des appels aux Français dans une émission de la BBC qui lui est consacrée : « Un haut fonctionnaire vous parle ».

La Sécurité sociale, un principe universel

En octobre-novembre 1941, Franklin Delano Roosevelt préside la 25ème Conférence Internationale de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) à New-York et Washington. En recevant les délégués à la Maison-Blanche, à la fin de la session, Roosevelt résume les travaux en plaçant l’OIT dans le camp de la démocratie, engagé dans une lutte sans merci contre les « barbares » de l’Axe. Une lutte qui concerne évidemment les syndicats du monde civilisé : « À l’heure actuelle, Berlin est le principal marché d’esclaves du monde », note le président. L’abandon de la neutralité est en même temps un brevet de survie : l’Organisation est appelée à prendre sa place aux côtés des Alliés, à utiliser une compétence officiellement reconnue pour rationaliser les efforts des travailleurs dans le présent, et à l’employer lors de la reconstruction, en l’étendant aux domaines économiques et financiers. Quand viendra le moment de mettre en place le nouveau système international préconisé par la Charte de l’Atlantique, conclut Roosevelt en s’adressant aux délégués, « …[l’OIT] par la représentation du monde des travailleurs et du patronat (…) par ses connaissances techniques, constituera un instrument de paix d’une valeur inestimable ». Concrètement, cette nouvelle mission du syndicalisme, redéfinie selon des critères éthiques (défendre la civilisation), techniques (mettre en place un système de sécurité sociale et de bien-être) et universalistes (ne laisser aucune région hors du développement) se rôde sur le continent américain (Bernard Delpal).

Il fallait s’en douter, la France du Maréchal Philippe Pétain ne sera pas représentée lors de cette conférence. Faisant écho au plan Roosevelt, les membres du Conseil National de la Résistance (C.N.R.) dirigés par Robert Debré élaborent le Plan Français de Sécurité Sociale aux côtés d’autres résistants comme Pierre Laroque. Le premier principe sur lequel s’appuie ce plan est le fait que « la sécurité est garante de l’indépendance et de la réalisation de soi-même », le deuxième est celui que « la santé ne peut être une marchandise qu’on achète au prix de l’argent ».

De Gaulle et Croizat (au premier plan) lors du gouvernement provisoire d’après guerre.

Ce plan s’appuie sur le concept de Solidarité et dans ce sens « le salaire appartient aux salariés ». Le projet est bien de donner la gestion des caisses sociales au véritable producteur de richesse pour la nation qui est « l’ouvrier », dans le sens créateur de celui qui œuvre.

En 1944, Pierre Laroque accompagne le général Charles De Gaulle sur les lieux du Débarquement en Normandie. Il est promu au grade de lieutenant-colonel. La même année, Laroque est nommé premier directeur puis (à compter du 1er décembre 1944) directeur général des Assurances sociales et de la mutualité. Il est chargé de la création du système français de Sécurité Sociale.

En 1945, il est nommé au poste de directeur général de celle-ci. En 1946, il procède à la mise en place des ses divers régimes en collaboration avec le nouveau ministre du Travail Ambroise Croizat.

Fidèle à la mission de Roosevelt évoquée lors de la conférence de l’OIT de 1941, Laroque aide d’autres pays à développer leur système de protection sociale ; le Liban notamment.

Enseignement et innovation médicale

Le retour de De Gaulle au pouvoir en 1958 a permis la fondation des Centres hospitaliers universitaires (CHU). La publication des ordonnances des 11 et 30 décembre donne pouvoir à Robert Debré pour lier le soin hospitalier à la recherche et à l’enseignement. Il en résulte pour les services hospitaliers universitaires une obligation d’excellence au service des patients. Ainsi des liens constants et étroits sont institués entre les équipes médicales et les chercheurs. Cette réforme est un héritage direct des travaux et de la bataille de Pasteur, Bernard et Curie.

L’évolution des connaissances et des techniques médicales ont affermi la réputation de l’Internat universitaire des hôpitaux de Paris. La médecine ne doit plus être une discipline spéculative, mais une science expérimentale qui s’apprend sur le terrain. Elle agit en partenariat avec de grandes institutions publiques comme l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale), le CNRS (Centre national de la recherche scientifique) et l’Inra (Institut national de recherche agronomique). Après presque deux siècles, c’est ici que l’on voit aboutir le projet magnifique de René Tenon et Antoine Lavoisier.

En France, il y a eu un frein à la libéralisation forcenée du système de santé avec l’arrivée à la présidence de De Gaulle. En effet, c’est au sein du Quatrième plan de 1960 que « l’Ardente obligation » de celui-ci devient Le plan de développement économique et social. Un plan qui permettra à 100 % des français soient couverts par la Sécurité sociale en 1978. Ils n’étaient que 50 % en 1958. Si en 1946, la Sécurité Sociale joue un rôle déterminant dans l’organisation du travail et le choix des priorités technologiques et industrielles, malheureusement à partir de 1947 aux Etats-Unis après la mort de Roosevelt, et de 1968 en France avec la mise à l’écart de De Gaulle, les économies nationales prennent alors une orientation nettement libérale. C’est à partir de ce moment que s’installe ce qui deviendra une « économie de marché » telle que nous en voyons l’aboutissement désastreux en 2009.

En effet, le départ de De Gaulle en 1968 a permis la mise en place de la lente destruction du projet de santé républicain de 1791 et de ses héritiers du Conseil National de la Résistance. En 1976, Raymond Barre (Premier ministre de Valéry Giscard d’Estaing) jette les bases des premiers « déremboursements » sur les médicaments : il invente la fameuse petite vignette bleue. En 1977, Simone Veil (Ministre de la santé, sous le même gouvernement) impose, dans le cadre du projet de loi Berger, une somme forfaitaire à chaque jour d’hospitalisation pour payer la chambre et les repas. Elle nommera donc çà : « le forfait hôtelier ». Depuis 30 ans, la poursuite des divers plans « santé » ont ouvert le secteur à la privatisation du système, privant ainsi le secteur public de sa mission première : le droit absolu à la santé pour tous.

Conclusion

A l’exemple du passé et pour gagner la bataille contre l’arriération infligée par une caste d’oligarques financiers au service de l’héritage de l’Empire britannique, le citoyen d’une république s’engagera à bâtir une véritable élite scientifique et culturelle. Celle-ci aura à charge d’enseigner à la population et de lui donner les moyens de construire son avenir.

Je n’admets point qu’il y ait des castes dans les intelligences humaines. Il n’y a point d’hommes qui sont le vulgaire, d’autres hommes qui sont les philosophes. […] Mais il y a en nous je ne sais quel goût de la vie et de la réalité ; un besoin de croire que la lumière qui nous emplit les yeux et le cœur, que la mélodie qui nous bouleverse l’âme avec délices ne sont pas une simple formule d’algèbre. Et, par un singulier paradoxe, au moment même ou la science prétend réduire la conscience à n’être qu’illusion et néant, la conscience profite pour s’agrandir de toutes les conquêtes de la science sur le passé. (Jean Jaurès)

Nous entrons aujourd’hui dans une période révolutionnaire. Pourquoi en douter ? Lorsque l’homme fait face à l’adversité, alors il s’arme de courage et ose entreprendre l’impensable. Il découvre alors, tout ensemble la dimension du temps et la brièveté de son existence. Dès lors, il prend conscience que le véritable but d’une vie ne se réalise que dans la préparation du futur, en puisant dans les efforts de ceux qui, dans le passé, mèneront le même combat.

Bref historique de l’hôpital public et des couvertures sociales en France

Quelques dates essentielles

1670. Colbert crée une Caisse des gens de mer pour aider les familles de marins et leur garantir une retraite, la Caisse des invalides de la marine qui assure une modeste pension aux blessés.

1707. Edit de Marly : édification du premier grand texte sur la santé publique contre les charlatans. Obligation est faite aux médecins de réserver un jour par semaine aux soins gratuits aux indigents. Les chirurgiens changent de statut et deviennent des membres du corps médical à part entière.

1748. Création de l’Académie de chirurgie.

1787. Lavoisier projette d’établir une Caisse de bienfaisance garantie par l’Etat, dont l’objet est d’assurer aux vieillards et aux veuves des secours contre l’indigence.

1788. Premier Mémoire sur les hôpitaux de René Tenon.

1790. Président du Comité de mendicité, La Rochefoucauld-Liancourt crée le Secours (médical) à domicile pour les démunis.

1791. Le Comité de Secours public composé de Tenon, Chaptal, Vicq d’Azyr, et de son rapporteur le chimiste Lavoisier :

  • réforme les hôpitaux,
  • instaure le passage de la conception de charité (religieuse) à celle de bienfaisance (républicaine),
  • met en place protection des enfants nouveau-nés, créations de médecins accoucheurs (suppression des matrones),
  • régit le travail en commun des chirurgiens, des cliniciens et des médecins.

1793-94. Bertrand Barère de Vieuzac et la Terreur instituent la loi dite d’Allarde qui remet en cause le Traité de Marly et ruine momentanément les efforts du Comité de Secours publics.

Décembre 1794. Reprise en mains par le Comité de Salubrité public des hôpitaux parisiens, qui rénovent en profondeur de l’enseignement médical. Trois Ecoles de santé reliées à l’hôpital sont créées à Paris, Montpellier et Strasbourg.

1795. Création des brigades d’officiers de santé.

1802. Constitution d’un Corps médical hospitalier d’élite composé de médecins et de chirurgiens.

1818. La Rochefoucauld-Liancourt crée la Caisse d’Epargne et de Prévoyance de Paris (première caisse d’épargne en France) pour les ouvriers. En échange d’un prélèvement modique sur leur salaire hebdomadaire, la caisse est tenue de verser une indemnisation journalière d’1/3 du salaire au travailleur malade.

1849. L’Administration générale de l’Assistance publique et Hôpitaux de Paris (AP-HP) est instituée. Elle lie le Secours à domicile et les services hospitaliers.

1850. la Caisse Nationale des Retraites pour la Vieillesse est créée, fondée sur le principe de la liberté, (épargne volontaire de particuliers désireux de bénéficier d’une rente viagère dans leurs vieux jours)

1865. L’Introduction à l’étude de la médecine expérimentale de Claude Bernard porte la physiologie au cœur d’une médecine clinicienne qui deviendra de plus en plus scientifique. Le but est de rapprocher le laboratoire de l’hôpital

1885. Louis Pasteur expérimente le vaccin contre la rage sur Joseph Meister. La révolution pastorienne est en marche.

1888. Sous la IIIème république, le président Sadi Carnot inaugure l’Institut Pasteur

1890. Le laboratoire entre à l’hôpital

1893. Institution de l’Assistance médicale gratuite

1898. Marie Curie découvre le radium.

1898. Mise en place du système allemand d’Assurances sociales d’Otto Von Bismarck

1898-1920. Lois mises en vigueur sous les socialistes républicains et Jaurès :

  • 1898, sur les accidents du travail à la charge du patron, premier texte de protection obligatoire pour les travailleurs salariés,
  • 1905, pour les vieillards, les infirmes et incurables, à la charge des communes et départements,
  • 1910, sur les retraites ouvrières et paysannes, cotisations patronat – ouvriers – Etat,
  • 1913, sur les familles nombreuses,
  • 1920, sur la couverture sociale sur les risques maladie – maternité – invalidité – chômage – vieillesse.

19 février 1931-20 février 1932. Pierre Laroque (25 ans) est chargé de mission puis chef de cabinet d’Adolphe Landry, ministre du Travail et de la prévoyance sociale ; il y assure la mise en application de la loi de 1930 sur les assurances sociales.

1932. Première loi sur les allocations familiales.

1935. Le New deal de Franklin Delano Roosevelt institue le Social Security Act qui est la mise en place d’un système d’assurance chômage et d’une caisse de retraite. Il sera suivi par la loi sur la liberté syndicale – Wagner Act – et la loi sur le temps de travail et le salaire minimum – Fair Labor Standards Act – en 1938.

1941. Mené par Roosevelt, le Congrès international de Philadelphie propose l’universalisation des Systèmes de Sécurité Sociale.

1942. Le Rapport William Beveridge est présenté à la Chambre des communes anglaise et approuvé par Winston Churchill.

1943. Le Conseil National de la Résistance (CNR), dirigé par Robert Debré, crée le programme de Sécurité sociale qui sera mis en place par Pierre Laroque et Ambroise Croizat après la Victoire.

1945. Sous le Gouvernement provisoire : institution de la Sécurité sociale le 4 octobre confirmé par la loi du 9 avril 1946.

1958. Robert Debré réforme l’hôpital et crée les Centres hospitaliers universitaires (CHU).

1960. Quatrième plan : « l’ardente obligation » de De Gaulle et de Pierre Massé devient Le plan de développement économique et social. 100 % des français seront couverts par la Sécurité sociale en 1978 contre 50 % en 1958.

1976. Raymond Barre (Premier ministre de Valéry Giscard d’Estaing) jette les bases des premiers « déremboursements » sur les médicaments : il invente la fameuse petite vignette bleue.

1977. Simone Veil (Ministre de la santé, sous le gouvernement de Valéry Giscard d’Estaing), dans le cadre du projet de loi Berger, impose une somme forfaitaire à chaque jour d’hospitalisation pour payer la chambre et les repas. Elle nomme cela « le forfait hôtelier ».

Encadré 1
Texte de la première ordonnance instituant la Sécurité Sociale
(J.O. du 4 octobre 1945)

« Article 1er – Il est institué une organisation de la Sécurité Sociale destinée à garantir les travailleurs et leur famille contre les risques de toute nature susceptibles de réduire ou de supprimer leur capacité de gain, à couvrir les charges de maternité et les charges de famille qu’ils supportent.
L’organisation de la Sécurité Sociale assure dès à présent le service des prestations prévu par les législations concernant les assurances sociales, Allocations Vieillesse des Travailleurs Salariés, les accidents du travail et maladies professionnelles et les Aides Familiales (…)
Des ordonnances ultérieures procéderont à l’harmonisation des dites législations et pourront étendre le champ d’application de l’organisation de la Sécurité Sociale à des catégories nouvelles non prévues par les textes en vigueur. »

(Suivent 87 articles décrivant l’organisation administrative du système, son mode de financement, les contrôles, les contentieux, les pénalités, etc.)

Encadré 2
Serment réactualisé d’Hippocrate

« Au moment d’être admis(e) à exercer la médecine, je promets et je jure d’être fidèle aux lois de l’honneur et de la probité. Mon premier souci sera de rétablir, de préserver ou de promouvoir la santé dans tous ses éléments, physiques et mentaux, individuels et sociaux. Je respecterai toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté, sans aucune discrimination selon leur état ou leurs convictions. J’interviendrai pour les protéger si elles sont affaiblies, vulnérables ou menacées dans leur intégrité ou leur dignité. Même sous la contrainte, je ne ferai pas usage de mes connaissances contre les lois de l’humanité. J’informerai les patients des décisions envisagées, de leurs raisons et de leurs conséquences. Je ne tromperai jamais leur confiance et n’exploiterai pas le pouvoir hérité des circonstances pour forcer les consciences. Je donnerai mes soins à l’indigent et à quiconque me les demandera. Je ne me laisserai pas influencer par la soif du gain ou la recherche de la gloire. Admis(e) dans l’intimité des personnes, je tairai les secrets qui me seront confiés. Reçu(e) à l’intérieur des maisons, je respecterai les secrets des foyers et ma conduite ne servira pas à corrompre les mœurs. Je ferai tout pour soulager les souffrances. Je ne prolongerai pas abusivement les agonies. Je ne provoquerai jamais la mort délibérément. Je préserverai l’indépendance nécessaire à l’accomplissement de ma mission. Je n’entreprendrai rien qui dépasse mes compétences. Je les entretiendrai et les perfectionnerai pour assurer au mieux les services qui me seront demandés. J’apporterai mon aide à mes confrères ainsi qu’à leurs familles dans l’adversité. Que les hommes et mes confrères m’accordent leur estime si je suis fidèle à mes promesses ; que je sois déshonoré(e) et méprisé(e) si j’y manque ».


Brève bibliographie

  • Claude Bernard, Introduction à l’étude de la médecine expérimentale, Champs-Flammarion, 1984
    Yanne Cavanna, Qui a voté quoi ?, SELD-Jean-Cyrille Godefroy, 2001
  • Louis Chevalier, Classes laborieuses et Classes dangereuses, Collection Pluriel-Poche, 1978
  • Olivier Faure, Histoire sociale de la médecine, Anthropos-Economica, 1994
  • Jean Jaurès, De la réalité du monde sensible, Editions Alcuin, 1994
  • Jacques Jouanna, Hippocrate, Fayard, 1992
  • Bernard Landry, Que vive la Sécu, Le temps des cerises, 1995
  • Friedrich List, Système national d’économie politique ?, Gallimard, 1998
  • Louis Pasteur, Ecrits scientifiques et médicaux, GF-Flammarion, 1994
  • Jacques René Tenon, Mémoire sur les Hôpitaux de Paris, Imprimerie Ph.-D. Pierre, 1788
  • Thucydide, La Guerre du Péloponnèse, Folio-classique, 1964

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