« L’économie nationale » de Paul Cauwès

jeudi 22 août 2002, par Jacques Cheminade

L’immense Palais des machines, construit pour l’Exposition universelle de 1889 à Paris. Le visiteur y découvre alors les dernières prouesses de l’innovation industrielle, notamment des marteaux atmosphériques, des machines à raboter ou encore une fabrique d’horloge Tissot.

Ceci est la dernière partie du texte de Jacques Cheminade « Fachoda, quand les nuées portent l’orage », écrit en 1991.

Dans sa note publiée par la Revue d’Economie politique du 12 janvier 1898 - au moment du ministère Méline - Cauwès situe brillamment les idées de Friedrich List dans le contexte européen et français.

Friedrich List a inspiré Paul Cauwès.

Il attaque d’emblée le « doctrinarisme » qui nous vient d’Angleterre pour qui « l’économie politique est une science des choses et non de l’homme ». Cette « école libérale », continue-t-il, a commis l’erreur « d’appliquer le raisonnement purement logique à la science de l’économie ». Il voit son origine dans les œuvres de Quesnay et d’Adam Smith, avec une tonalité optimiste au départ, lorsque la rente foncière ou financière est bonne. Puis, nécessairement, cette manière de penser devient « pessimiste » car elle ne prend pas en compte la création de biens, la vie, mais le revenu sur des choses déjà existantes, qui nécessairement diminue avec le temps. Cauwès, avec un sens très clair de l’histoire, voit deux écoles « pessimistes » naître de la matrice initiale. L’une plus proprement libérale et financière, celle de Ricardo et de Malthus, conduisant directement au « malthusianisme contemporain » (de la fin du XIXème siècle, Ndlr). L’autre part également de l’analyse de Ricardo et de Smith et aboutit à un combat pour la possession des choses, qui détruit la solidarité entre producteurs ; c’est « lécole de Proudhon, de Lassalle et de Marx ».

A ces deux écoles apparemment opposées, mais en fait rameaux d’une même branche, il oppose au XIXème siècle les efforts de « Carey et de List ». C’est le « principe dunion et de solidarité des forces productives », et « en même temps celui que les gouvernements ont la mission de les protéger contre tout péril du dedans ou du dehors ». Cauwès souligne que cette « école de l’économie nationale » a pour nom « mercantilisme, tenu aujourd’hui en si médiocre estime », bien qu’il soit « à la source de l’existence de nos industries et de notre agriculture ».

Dans un siècle où Jean-Baptiste Say a tellement vulgarisé le libre-échangisme et le libéralisme en France qu’il en a fait « la seule doctrine possible » - comme c’est le cas aujourd’hui pour « l’économie de marché » - Cauwès montre que notre tradition, la vraie, se situe à l’opposé, précédant et alimentant l’œuvre de Friedrich List : « l’économie politique nationale est, en effet, la reprise d’une tradition bien française. La France est le pays de Sully et de Laffemas, de Henry IV, de Richelieu et de Colbert. » Il cite ensuite Galiani et l’enquête d’Antoine de Montchrestien sur les diverses branches de la production, soulignant que cette démarche prend appui sur deux notions :

  • l’unité économique nationale, la perception de la nation comme une entreprise productive unique ;
  • la nécessité de l’intervention de la puissance publique dans l’intérêt de la production du pays.

Car, pour Cauwès :

les initiatives libres et l’action gouvernementale ne sont pas antagonistes. Il restera un rôle toujours assez large à l’Etat, celui darbitre et de morateur entre les intérêts opposés, celui de protecteur de nos industries contre les concurrences inégales, de centralisateur des informations économiques, de créateur d’organes complémentaires propres à stimuler et à soutenir les courages entreprenants.

C’est cette conception qui est fondamentale - celle d’un Etat « défenseur du travail national » et qui doit « maintenir les travailleurs dans un état continuel d’entraînement » - car elle s’oppose totalement à la thèse libérale, cette « école libérale qui a semé chez nous lidée que lEtat est un mal nécessaire. »

Le débat était particulièrement vif à l’époque, rappelons-le, sur la question des chemins de fer. Raynal, Rouvier et Say les livrèrent aux compagnies, les concevant comme un « service » ponctuel, comme le transport tarifé de marchandises et de passagers d’un lieu à un autre lieu, revenant « naturellement » à des intérêts financiers.

Cauwès va au fond du débat, même si pour cela il doit contredire Carey, à qui pourtant il reconnaît « le titre de meilleur économiste du travail ». Pour lui, « l’industrie des transports » n’est pas un « service », mais bel et bien une « industrie productive », car « la production consiste dans toute action dont l’effet est de mouvoir la matière ». Il assimile en cela le transport aux industries extractives, qui vont chercher le minerai au sein de la terre, et le « transportent » vers l’usine.

Aussi, pour lui, les transports ne doivent pas être abandonnés à la finance qui ne peut en comprendre la « rentabilité » à long terme, l’impact infrastructurel. Dans une chronique de novembre décembre 1895, Cauwès précise que « la nationalisation dune branche déterminée d’industries » peut devenir nécessaire à condition que « se trouvent en elle les caractères dun service dintérêt collectif ». Lorsqu’il y a menace de contrôle financier, l’Etat doit donc intervenir pour assurer la priorité industrielle, diffusant ses effets dans toute l’économie. Nous retrouvons ici les raisons de fond qui justifièrent l’attitude de Gambetta en 1882. Sa chute consacra donc bien le règne du « parti affairiste » lié au capital bancaire et à la coopération avec la City de Londres.

Cauwès conclut en proclamant son opposition absolue à « lécole de Smith » : « l’économie nationale a d’autres perspectives et dautres prévisions que le programme dacheter au meilleur marché et vendre le plus cher possible ».

Dans son Cours d’Economie politique, imprimé en 1893, il définit l’objet de son étude comme « la science ménagère des particuliers et des Etats » - la notion de Volkswirtschaft que l’on retrouve chez List. Le but de cette science est de réaliser « la puissance productive du travail » qui « nest pas la conséquence des qualités inhérentes aux choses » mais « varie non seulement daprès l’état de l’art industriel, l’avancement des prodés mécaniques, mais aussi daprès l’énergie individuelle, les mœurs de famille, les traditions nationales, enfin daprès les combinaisons sociales - division du travail, association - tout ce qui peut resserrer ou renforcer les rapports industriels. »

C’est du point de vue de cette notion active, qui n’identifie pas l’économie à une « science des choses », à une logique morte, mais à une science de la production des choses, de la « création humaine », que Cauwès attaque H. Spencer, Huxley et Bagehot, « les chefs de cette nouvelle école en Angleterre dont les précurseurs furent Cabanis et Gall ». Il montre que la théorie de Spencer - l’idéologue du « darwinisme social » victorien - se ramène à une « sociologie biologique », à un pur « déterminisme social » qui « ne fait aucune part au libre-arbitre ». « Une théorie moderne, dit-il, qui se rattache dun té à la doctrine utilitaire de Bentham et de J. Stuart Mill, de l’autre à la thèse darwinienne de lévolution, assimile la science sociale à la biologie, ce serait une simple science naturelle régie par les lois de la matière ». Il constate alors simplement que cette école britannique en vient, quoi qu’elle en dise, à assimiler le comportement humain à celui des animaux.

Cette critique - lorsqu’on pense aux ravages faits aujourd’hui par la sociobiologie de Wilson et le néo-malthusianisme social américain - est d’une absolue actualité.

Jean-Baptiste Colbert.

Cauwès montre la mauvaise foi des malthusiens suivant leurs propres termes : « La doctrine absolue du libre-échange se rencontre chez les mêmes économistes que la théorie de la population de Malthus, si étroitement nationale… Pour les échanges, les limites territoriales des Etats ne comptent pas, tandis que pour les moyens de subsistance, lon doit trembler devant la menace de l’over-population ».

Finalement, analysant l’antinatalisme systématique de Stuart Mill, il va droit au but, dévoilant tout le fondement du système britannique : « Pénaliser la croissance de la population ... est une opinion excentrique, si lon admet que la population nest plus réglée par les volontés libres, il ny a logiquement qu’une seule institution qui puisse en contenir ou en activer le mouvement, c’est l’esclavage ! » (Tome II, page 63 de son Cours d’Economie politique, 1893, Larose et Forcel, éditeurs).

A l’opposé de ces conceptions « fixistes », esclavage entre êtres humains ou entre pays, Cauwès élabore sa conception auto-développante des nations :

Les nations sont en continuel travail de transformation, de développement, il est donc inexact de les supposer passives et immobiles (…) Les nations normales (au sens dans lequel List emploie cette expression) sont des organisations complètes, leur système économique ressemble à la physiologie des êtres animés les plus parfaits, les parties multiples qui les constituent, ainsi les cultures, les fabriques et le commerce, sont intimement associées et soumises à une loi de croissance intérieure (inters susception) : comme les organes d’un même corps, elles languissent ou se fortifient en même temps.

Le but du dirigeant est de « développer d’une manière harmonique les forces productives » et « de garantir lindépendance nationale » en « augmentant les emplois productifs au profit du travail national ». Il y a donc un travail généralisé à organiser, une « grande fabrication nationale » qui n’est jamais réalisée à un moment donné, mais qui est « création continue »  ; et « elle ne peut naître sans protection ».

Nous en venons donc maintenant à la nécessité et à la justification du protectionnisme tellement attaqué par les libéraux, qui prétendent n’y voir que la « sauvegarde malsaine d’intérêts », le désir de maintenir des entreprises « artificiellement », « sans concurrence ». Cauwès leur retourne l’argument en partant de l’essentiel c’est-à-dire de la nécessité de produire, de la nécessité économique et morale de ne pas laisser une population sans emploi : « sans doute, les nations doivent s’enrichir par le commerce réciproque, mais avant tout elles ont à vivre et à progresser, or, dans ce but, il faut arriver au moyen de développer les forces productives dont la nature les a douées. La vraie question est donc de déterminer quel est le régime d’échange le plus favorable à la croissance industrielle des sociétés. » Or la « liberté commerciale » risque de « peupler les pays dont les industries ne sont pas en état de soutenir la concurrence parce qu’ils deviennent tributaires de l’étranger ». Alors, inéluctablement, « le libre-échange aboutit à la ruine des concurrents » moins forts ou trop neufs, « donc au monopole ».

Les libre-échangistes, sous leurs théories « néreuses » et leur version fallacieuse de la liberté, ne sont donc que des hypocrites désireux de « tenir les marchés ».

Cauwès n’est cependant pas un partisan absolu de la protection opposé aux absolutistes du libre-échange ; il conçoit la « protection » comme un moyen nécessaire et non une fin ; la fin est le développement des forces productives, l’essor du travail. « La protection des industries nationales, souligne-t-il, ainsi comprise, n’est pas le plus souvent perpétuelle, c’est un régime de transition propre à favoriser l’éducation industrielle, cest une tutelle qui doit cesser naturellement à lâge du plein développement économique… »

Cauwès dénonce enfin, du point de vue qu’il a défini, la voie dans laquelle s’engage l’économie française à la fin du XIXème siècle : « un dernier mot, dit-il, sur l’illusion qu’il y aurait à vendre lenrichissement en capitaux pour léquivalent d’un accroissement de puissance ».

Il est erroné, insiste-t-il, de juger l’influence du commerce sur la richesse nationale au seul point de vue de la valeur en échange et de l’accumulation des capitaux. « Les nations ont dautres vies que de faire fortune par la voie la plus directe ; or, un accroissement de richesse serait peu de choses s’il devait être acquis au détriment du développement progressif de la puissance industrielle. »

Rappelons que la France, grand investisseur dans le monde entier en 1914, pays dominé par la « rente » et l’idéologie du rentier, pays dont entre 3,6% et 5,2% de la fortune privée s’était en 1908, transformé en « front russe », a vu sa part dans la production industrielle mondiale passer de 9% en 1880 à 6% en 1913...

Cauwès, en défendant « un système de tutelle et d’éducation industrielle progressive », définissait donc bien la voie juste, celle qui permet d’éviter les guerres - qui aurait dû être suivie par la France, et par l’Europe à la fin du XIXème siècle, et qui devrait être suivie aujourd’hui, à l’opposé du « néo-libéralisme » des Jeffrey-Sachs, des Allison ou de leurs semblables. Le drame est que les mêmes causes nous portent vers les mêmes effets...

L’importance de relire Cauwès, à la lumière des tendances profondes de l’économie et de la politique mondiale qui se sont malheureusement définies a la fin du XIXème siècle - dans le moule auparavant construit par la Sainte-Alliance - se trouve là dans la conscience qu’il donne qu’une perspective différente, opposée existait alors, comme elle existe aujourd’hui.

Conclusion

A relire l’histoire de cette époque, ce qui frappe peut-être le plus est l’étonnante suffisance, la fatuité satisfaite des politiques, des économistes, des juges et des « savants éminents », amplement démontrée dans l’affaire Dreyfus ou, à un autre niveau, dans l’affaire Deprat. C’est, dans ce contexte, la marche inéluctable à la guerre, voulue par des dirigeants prédateurs, dont l’aventure coloniale témoigne de l’aveuglement et de la férocité, et acceptée progressivement par des peuples manipulés, réduits à la haine, car les valeurs positives de nation, de République et de religion se trouvaient systématiquement avilies.

C’est surtout, dans l’ordre économique et culturel, l’immense ignorance de tous, portant sur les conceptions fondamentales de la science, de la morale et de la philosophie, et l’absence de compassion quasi-absolue des « élites » vis-à-vis des conditions de vie des populations : Clemenceau, supposé progressiste, faisant tirer sur les viticulteurs et les petits fonctionnaires du Languedoc, les travailleurs outragés de Chalon-sur-Saône, de Courrières ou de Fourmies sont autant de symboles.

C’est enfin la rupture totale qui est faite entre la politique intérieure, le « bourrage de crâne » du peuple par la grande presse et la politique radicale - dans lequel l’anticléricalisme joua un rôle fondamental - et la politique extérieure, livrée aux affairistes, aux banques et aux Delcassé.

Si, marqués par ces profondes impressions et conscients du sang par lequel tant d’aveuglement et de médiocrité allaient être finalement payés, nous portons maintenant nos regards sur notre époque, une angoisse légitime nous saisit.

L’histoire bégaye

De Croatie, de Bosnie-Herzégovine et de Serbie monte une rumeur terrible et familière. L’on dira que les moyens de destruction accumulés sont trop grands, que deux guerres mondiales ont appris aux peuples et aux dirigeants à être moins aveugles, que la prédation est limitée par des règles, que les Empires sont morts et que l’on ne se baigne jamais deux fois dans les mêmes eaux. Outre que de semblables paroles, tout aussi rassurantes, s’entendaient déjà en 1913, nous ne pouvons qu’être frappés - au-delà des différences de forme - par les similarités de fond.

Le libéralisme britannique - sous les couleurs anglo-américaines et le nom « d’économie de marché » - triomphe une nouvelle fois dans le monde. Les Etats-Unis, comme la France, et bien pire que la France de 1914, ont laissé ruiner leur économie intérieure au profit d’aventures extérieures, et transformer leur économie en machine prédatrice, en machine à exclure, incapable de développer ou même de maintenir sa propre infrastructure nationale. « L’économie financière » domine le monde, du Japon au Portugal, et de l’Argentine à l’Australie. En France même, M. Bérégovoy a pratiqué une politique de dérégulation financière et de combinaisons affairistes qui le fait ressembler non à M. Pinay, mais à M. Rouvier. Et M. Balladur est son double.

Les valeurs de nation, de République, de morale et de religion se trouvent, une fois de plus, bafouées et une contre-culture s’impose, plus abêtissante encore que celle d’avant 1914, avec le naufrage des instituteurs et des corps enseignants non seulement en France, mais dans le monde, et avec le règne de la télévision. La guerre du Golfe nous a donné un avant-goût de ce que peut faire la machine lorsqu’elle se trouve en état de fonctionnement politique.

Bertillon et Broca examinaient hier les crânes, espérant y trouver une réponse à la vie, et Spencer, Haeckel ou Vacher de Lapouge répandaient leur « sociologie biologique » qui allait enfanter les monstres du siècle suivant. Aujourd’hui, nous avons aux Etats-Unis, en Angleterre, en Russie et ailleurs, des équipes de recherche qui examinent le cerveau avec le même désir dérisoire de manipulation et de domination que les Broca ou les Bertillon, mais avec des moyens techniques autrement plus développés. La sociobiologie devient sociogénétique, et l’homme se met, une fois de plus, à jouer à Dieu.

Le malthusianisme l’emporte, avec les mêmes perspectives raciales qu’à l’époque.

Les intérêts financiers tentent, comme alors, d’imposer leur monopole par l’abaissement des tarifs, cette fois au sein du GATT.

Un système mondial d’usure financière, lié à la gestion des dettes et à la concentration du capital de l’assurance et de la banque est lui aussi dominant.

Dans la science elle-même apparaît, après un matérialisme borné, un courant néo-spiritualiste semblable à celui de la fin du XIXème siècle, qui coupe la réflexion et la recherche fondamentale de ses réalisations technologiques et industrielles pour l’avantage du plus grand nombre.

Les « élites » politiques, aujourd’hui comme à la fin du XIXème siècle, ont perdu tout sens de compassion pour les humiliés et les offensés du monde. Le « charity-business » aura été la flèche du Parthe, précédant l’abandon.

Alors, il reste Cauwès, il reste Colbert, il reste - plus profondément - Leibniz, il reste la chance immense d’un plan de développement de l’« hinterland » est-européen, le plan que nous défendons, celui du Triangle européen Paris-Berlin-Vienne.

Hier, le capitaine Marchand ne reçut pas les moyens de réaliser la liaison Dakar-Djibouti, qui aurait coupé la ligne anglaise du Cap au Caire.

Aujourd’hui, nous avons l’instrument stratégique qui permet de couper la ligne anglo-américaine de New York à Londres et à Moscou. Ce sont nos transports ferroviaires rapides, notre technologie moderne, permettant d’unir Lisbonne à Vladivostok, et d’abord Paris à Varsovie, coupant les lignes anglo-américaines.

Chassons pour incompétence les Sachs, les Allison et leurs semblables.

De nouveaux Marchand sont prêts à partir ; de leur succès, tout le siècle à venir dépend.

Contre la Sainte-Alliance, contre un monde défini par le monopole financier, Cauwès déjà s’exclamait :

Unis dans une même idée, dans une commune aspiration, notre devise sera : par la science, pour la patrie.

Vers un un XXIe siècle de développement mutuel ?

Un 9 juin pour le salut commun


A vos agendas !

13 avril

Visioconférence internationale de l’Institut Schiller :
Le Plan Oasis, la paix par le développement pour toute l’Asie du Sud-Ouest


29 mars

Dialogue sur zoom de la Coalition internationale pour la Paix


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