Les Talibans afghans osent s’attaquer à l’opium de la City

mercredi 13 avril 2022

Chronique stratégique du 13 avril 2022 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

Les Talibans afghans ont annoncé le 3 avril l’interdiction de la culture du pavot (qui sert à fabriquer l’opium et l’héroïne) ainsi que la production, l’utilisation et le transit d’autres stupéfiants. C’est la stupeur dans le monde anglo-américain, où l’on s’accommodait d’un trafic très lucratif pour l’oligarchie financière de la City de Londres, et d’un moyen de maintenir l’Afghanistan et bien d’autres pays dans l’arriération.

Une interdiction du pavot qui prend au dépourvu

Le niveau de désinformation et de mauvaise foi à l’égard de ce qui se passe en Afghanistan n’a d’égal que celui que l’on nous inflige à propos de l’Ukraine : « Culture du pavot interdite en Afghanistan : les talibans menacent de détruire les plantations » semble presque s’offusquer Euronews, qui verse des larmes de crocodile sur le sort des milliers de cultivateurs qui vont pâtir de l’interdiction.

Par décision du dirigeant suprême de l’Émirat islamique d’Afghanistan, tous les Afghans sont informés qu’à partir d’aujourd’hui, la culture du pavot est strictement interdite dans le pays, indique en effet un décret signé par le guide suprême du mouvement islamiste, Haibatullah Akhundzada.

L’annonce a pris tout le monde par surprise. Persuadés de tenir le régime en laisse grâce à la confiscation des avoirs de la Banque centrale afghane et aux sanctions économiques imposées suite à la prise de Kaboul en août 2021, les « stratèges » néocons de Londres et Washington imaginaient que les Talibans n’oseraient jamais toucher à cette manne, dont les revenus sont estimés entre 1,8 à 2,7 milliards de dollars en 2021, et qui représente environ 14 % du PIB du pays, comme l’a montré une étude de l’Office des Nations unies contre les drogues et le crime (ONUDC) publiée en septembre 2021. L’Afghanistan inonde chaque année les marchés mondiaux de 320 tonnes d’héroïne pure, fournissant huit consommateurs d’opiacés sur dix au niveau mondial.

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Tout en faisant part de l’approbation générale de la décision des Talibans, le journal The Hill de Washington regrette également qu’elle mette en danger les moyens de subsistance des agriculteurs jusqu’à ce qu’une nouvelle culture puisse être substituée. Ironiquement, l’interdiction de la culture du pavot en Afghanistan a suivi de quelques jours seulement la tentative du Congrès américain de légaliser la marijuana.

Déconvenue géopolitique

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La décision des Talibans d’interdire la culture de pavot, outre le fait qu’elle mette à mal un trafic très juteux, jette dans l’embarras les géopoliticiens de l’Empire anglo-américain, compromettant leurs efforts pour préserver l’hégémonie mondiale face à la Chine et la Russie. Car ces deux derniers pays, bien qu’ils n’aient pas officiellement reconnu le régime talibans, ont intensifié leur coopération avec Kaboul, y compris en vue de connecter l’Afghanistan au Corridor Chine-Pakistan et aux Nouvelles Routes de la soie. Et l’interdiction du pavot marquerait un pas supplémentaire de l’Afghanistan dans cette direction.

Dans un rapport de la Coalition Vandenberg publié mi-mars, qui réunit une vaste palette de républicains néoconservateurs, de l’establishment sécuritaire, de vétérans des services de renseignement et des armées et d’universitaires, il est carrément suggéré d’affamer l’Afghanistan encore un peu plus afin de combattre la Chine.

Caricature de toute une génération qui refuse de comprendre et se rêve toujours en « maîtres du monde », ces soit-disant experts estime que « le retrait ignominieux d’Afghanistan des États-Unis a enhardi Vladimir Poutine à envahir l’Ukraine ». Sans doute conscients que l’Afghanistan, selon les relevés de l’US Geological Service, abrite au moins pour 1000 milliards de dollars de métaux rares, ils constatent que « la Chine et la Russie sont également à la recherche de nouvelles opportunités économiques ». Aujourd’hui, « contrer les avancées chinoises en Afghanistan est un intérêt crucial pour la sécurité nationale des États-Unis ».

Pour cela, ils proposent une série de mesure destinés à mettre à genoux le régime taliban, tel que le dénis de toute reconnaissance diplomatique, le maintien de la pression financière, le blocage de toute aide bilatérale et multilatérale, etc.

Et comme il est peu probable que les talibans acceptent de leur plein gré la tenue d’élections, l’accès à l’aide humanitaire et d’autres menaces à leur emprise, « les États-Unis et d’autres pays doivent être prêts à déployer des mesures coercitives multilatérales et bilatérales », conclut le rapport.

« Les États-Unis devraient indemniser l’Afghanistan »

De son côté, au lendemain de l’annonce des Talibans, la Chine a exhorté les États-Unis à s’excuser et à indemniser les Afghans pour les problèmes de drogue qu’ils ont infligés à ce pays.

Le 7 avril, le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Zhao Lijian, a exprimé son soutien à la décision de Kaboul et la volonté de la Chine de continuer à approfondir sa coopération avec l’Afghanistan et les pays de la région sur les opérations antidrogue. Puis il a souligné le fait que les États-Unis ont joué un rôle désastreux dans le problème de l’opium afghan, et qu’ils devraient à ce titre présenter des excuses sincères, accorder des réparations complètes et prendre des mesures concrètes pour compenser le préjudice causé au peuple afghan.

Les 20 années d’ingérence américaine en Afghanistan ont été des années de mort, de migrations massives des civils afghans et de croissance brutale de la drogue, a déclaré Zhao.

Plus de 421 000 internautes ont signé la lettre conjointe publiée par le Global Times en février exigeant que les États-Unis rendent les fonds afghans aux citoyens Afghans, après que la Maison-Blanche a publié un plan visant à dégeler les 9,5 milliards de la banque centrale afghane détenus par la Réserve fédérale américaine, mais en vue de les utiliser pour les besoins des États-Unis.

L’un des mensonges éhontés des Anglo-américains, relayé par les médias occidentaux, est d’affirmer que les Talibans n’ont jamais vraiment voulu s’attaquer au problème de l’opium. En réalité, comme vous pouvez le lire sur notre site, les Talibans étaient parvenus, dans le cadre du programme de l’ONUDC dirigé par Pino Arlacchi dans les années 2000-2001, à éradiquer la production d’opium en Afghanistan et à y substituer des productions agricoles vivrières.

Et c’est bien la « guerre à la terreur » de l’Otan, lancée en octobre 2001 suite au 11 septembre, qui, en s’appuyant sur les « seigneurs de la guerre » (qui eux se finançaient avec le pavot), a sabordé les efforts des talibans pour éradiquer ce fléau. Ce n’est que suite à l’installation, notamment dans le Helmand, des troupes britanniques et américaines, que l’Afghanistan est devenu le premier fournisseur mondial d’héroïne — les revenus de l’opium ayant sans doute permis au gouvernement afghan de payer les salaires des infirmières et des enseignantes, ces fameuses « femmes » qu’on prétend tellement défendre en Occident.

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