Chronique stratégique du 21 avril 2023 (pour s’abonner c’est PAR ICI)
Larry Summers : les États-Unis de plus en plus isolés
Évoquant une situation du monde dans lequel de plus en plus de pays se tournent vers la Chine comme pays ayant la stature de pouvoir médier la paix – comme cela a été le cas avec le rétablissement en cours des relations diplomatiques entre l’Arabie Saoudite et l’Iran —, l’ancien secrétaire au Trésor de Barack Obama et président de l’Université Harvard a expliqué :
Je pense que l’on accepte de plus en plus la fragmentation et, ce qui est peut-être encore plus troublant, je pense que l’on a de plus en plus le sentiment que notre fragment n’est peut-être pas le meilleur auquel s’associer. (…) Un habitant d’un pays en développement m’a dit : ‘Ce que nous obtenons de la Chine, c’est un aéroport. Ce que nous obtenons des États-Unis, c’est un discours moralisateur. Nous aimons mieux vos valeurs que les leurs, mais nous aimons plus les aéroports que les discours moralisateurs’, a-t’il confié à l’agence Bloomberg dans une interview publiée le 14 avril.
Tout en répétant le conte de fée selon lequel les États-Unis sont bien du « bon côté » de l’histoire, c’est-à-dire de « la » démocratie occidentale, Summers a reconnu que l’échec des institutions de Bretton Woods (c’est-à-dire le FMI et la Banque mondiale) à assurer le développement est un facteur de premier plan dans le monde en remodelage : « Si le système de Bretton Woods n’obtient pas de bons résultats dans le monde entier, il y aura de sérieux défis et des alternatives proposées ».
Ce qu’il ne précise pas, c’est que le système de Bretton Woods, qui fut établi en 1944 sous l’impulsion du président Franklin Roosevelt, a été rapidement vampirisé par une finance prédatrice et donc vidé de sa substance en 1971-1973, avec le découplage or-dollar et la mise en place des taux de change flottants, et qu’il n’en reste aujourd’hui qu’un FMI et une Banque mondiale qui ont été détournés de leurs missions initiales pour devenir des instruments d’un néo-colonialisme envers les pays du Sud et de l’Est.
Yellen : les sanctions mettent en danger l’hégémonie du dollar
Tandis que les 17 et 18 avril se réunissaient au Japon les ministres des Affaires étrangères du G7, qui vient d’être dépassé en terme de PIB par les BRICS, Janet Yellen a déclaré qu’elle craint que les sanctions économiques imposées à la Russie et à d’autres pays par les États-Unis mettent en péril la domination du dollar. : « Il y a un risque quand on utilise des sanctions financières qui sont liées au rôle du dollar (...), qu’à terme, cela puisse saper l’hégémonie du dollar », a-t-elle souligné sur CNN.
Bien sûr, cela suscite une volonté de la part de la Chine, de la Russie, de l’Iran, de trouver une alternative. Mais les raisons pour lesquelles le dollar est utilisé comme monnaie mondiale rendent difficile pour d’autres pays de trouver une alternative avec les mêmes propriétés, a-t-elle souligné.
Voilà un aveu sans équivoque du péril en la demeure du roi dollar. Ce qui n’empêche pas Janet Yellen – on ne s’en étonnera guère — de se montrer incapable de remettre en cause le système. Pire, tout en soulignant la prétendue primauté du droit aux États-Unis, elle explique qu’il faudrait envisager de contourner « les contraintes juridiques sur ce que nous pouvons faire avec les actifs russes gelés ». Pas sûr que voler les actifs russes soit le meilleur moyen d’encourager les nations à revenir vers le dollar !
Comme le montre l’American Thinker, la réalité est que la Russie sort renforcée du conflit, tandis que l’Occident perd de l’influence. D’après le journal américain, les sanctions occidentales contre la Russie, en particulier après l’invasion de l’Ukraine, constituent la plus grande erreur de calcul de l’Occident de l’après-guerre. Le FMI estime qu’en 2023, la croissance de l’économie russe sera plus forte que celle des économies allemande et britannique, et qu’elle dépassera même celle des États-Unis et des autres membres du G7 en 2024.
Par exemple, malgré les sanctions, le chômage en Russie n’est que de 3,5%, ce qui est le plus bas depuis l’effondrement de l’Union soviétique. L’Occident est même en train d’échouer sur le plan militaire, ajoute le journal. Car les livraisons massives d’armes à l’Ukraine ont conduit à une situation où les réserves de munitions dans les pays de l’OTAN ont considérablement diminué. L’Allemagne n’est plus en mesure de se défendre pendant plus de deux jours, selon le ministre de la Défense Boris Pistorius, une situation similaire dans plusieurs pays de l’OTAN, dont la France…
Dans un monde où le virtuel domine, on a fini par oublier que pour s’ériger en gendarme du monde, il faut encore pouvoir s’offrir la matraque de la bonne taille...

