Chronique stratégique du 28 août 2020 (pour s’abonner c’est PAR ICI)
Le gouvernement Macron-Castex, s’adaptant à une opinion préoccupée avant tout par la rentrée scolaire alors que la crise sanitaire s’empire de nouveau, a repoussé d’une semaine la présentation de son plan de relance. Cependant, une communication grandiloquente est distillée dans les médias, mettant de l’avant des ambitions « exceptionnelles » pour aider la culture, ramener l’industrie sur nos territoires et rebâtir nos infrastructures. Des ambitions dont les moyens devront se faire attendre, puisque sur les 100 milliards d’euros prévus, 40 % doivent venir du grand emprunt européen, et n’arriveront pas avant l’été 2021 dans le meilleur des cas (et encore, si l’UE décide que cette aide étatique, notamment au transport ferroviaire, ne représentera pas une entorse à la libre concurrence).
De plus, à quoi peut-on s’attendre, quand on sait, comme le rapportait Le Parisien il y a quelques jours, que l’entourage de l’Élysée considère le « Haut Commissariat au Plan » – censé « ré-éclairer l’action publique d’une vision de long terme » – comme un « hochet » pour « calmer » Bayrou ?
Économie de spoliation
Difficile en effet pour un gouvernement qui s’est fait l’ami de la caste financière de changer la règle du jeu. C’est pourtant bien ce qu’il va falloir faire si l’on veut éviter la catastrophe. Car, accélérée par la pandémie, la désintégration économique et sociale se poursuit. Et, telle une gangrène, la finance spéculative, de plus en plus découplée de l’économie réelle, creuse le fossé entre les classes possédantes – qui représentent moins de 20 % de la population – et le reste du pays.
Aux États-Unis, le chômage frappe désormais 30 % de la population, à quoi il faudrait ajouter les 15 millions d’emplois à temps partiel subi. Ces millions de foyers, qui basculent dans la pauvreté au fur et à mesure que fondent les aides publiques Covid, voient se rapprocher la menace des saisies et des exclusions de logements. Pendant ce temps, les cols blancs de l’administration et des milieux d’affaires voient leurs patrimoines s’accroître au gré des renflouements de la Réserve fédérale (Fed), et peuvent ainsi fuir les centre-villes et l’épidémie en s’achetant de grandes propriétés dans les riches banlieues…
Entre la mi-mars et la fin mai, la Fed a injecté près de 3000 milliards de dollars dans les marchés financiers — tandis que sa consœur européenne, la BCE, a injecté près de 1500 milliards d’euros. Sans aucun effet sur l’emploi et les conditions sociales des populations. Dans la même période, les indices boursiers, qui avaient dangereusement dévissé au cours des semaines précédentes, ont retrouvé des niveaux stratosphériques. Seulement, si l’on y regarde de près, on s’aperçoit que sur les 500 plus grandes entreprises américaines, cotées dans l’indice S&P 500, les actions des géants du numérique – Amazon, Apple, Microsoft, Facebook, Netflix et Alphabet (Google) – ont augmenté de 43 %, tandis que celles des 494 autres entreprises ont baissé de 4 % !
C’est « une économie de marché sans marchés », comme le dit Jacques Cheminade, c’est-à-dire une économie de spoliation par une ultra-minorité passée maître dans la pratique de l’entre-soi. « C’est une concentration du pouvoir (…) autour de la conjonction des méga-banques, qui spéculent avec l’aide des banques centrales, (…) et tous les secteurs de la Silicon Valley – l’économie du numérique – qui est associé à cela », explique l’ancien candidat aux présidentielles dans son éclairage du 25 août.
L’exemple de Roosevelt
Sans des mesures radicales pour libérer l’économie réelle de ce lobby militaro-financier de plus en plus destructeur et criminel, telles que celles prises par le président Franklin Roosevelt en 1933, le programme de 10 millions d’emploi en 10 mois de Donald Trump, ou encore le plan de relance de Macron, sont voués à l’échec.
Rappelons que Roosevelt, après avoir fermé les banques pendant 6 jours (le « banking holiday ») pour les soumettre à des audits, puis séparé de façon stricte les banques de dépôts des banques d’affaires (le « Glass-Steagall Act »), a repris en main le système financier. Il s’est emparé de la Reconstruction Finance Corporation (RFC), qui avait été créée en janvier 1932 par le président Hoover pour renflouer les banques, et s’en est servie pour réorienter le crédit vers l’économie réelle. En quelques années, il a largement substitué la RFC à Wall Street, qui avait jusqu’alors régné sans partage sur l’attribution de prêts et de crédits à l’économie physique, contraignant les banques du réseau JP Morgan à une véritable traversée du désert…
C’est ainsi que Roosevelt a remis les gens au travail, et en particulier les agriculteurs, qui représentaient 50 % de la force de travail, en leur garantissant des revenus décents. Et, rien qu’entre novembre 1933 et janvier 1934, en moins de trois mois, la Civil Works Administration, soutenue par la RFC, a remis au travail 4,2 millions d’Américains !
Réparation, reconstruction, refondation
L’exemple de Roosevelt est là pour nous rappeler qu’aucune prétendue situation « conjoncturelle » ne peut justifier d’accepter la misère et le chômage comme des fatalités, et qu’en prenant le taureau de la finance par les cornes, les choses peuvent changer beaucoup plus vite qu’on le pense.
Car les secteurs économiques à reconstruire et à développer ne manquent pas, et sont autant d’occasions de créer des emplois en masse. En effet, les infrastructures françaises – ponts, routes, voies ferrées, etc – sont dans un terrible état de dégradation, ayant subi depuis la crise financière de 2008 une carence systématique des dépenses de maintenance. Selon le World Economic Forum (WEF), entre 2012 et 2019, nos infrastructures sont passées du 5e au 9e rang mondial.
Le réseau routier en particulier, qui était encore le meilleur du monde en 2012, a dégringolé au 18e rang. Les voies ferrées ont en moyenne 30 ans d’âge, et même 40 ans pour les petites lignes, soit deux fois vieilles qu’en Allemagne, causant accidents et retards. Comme le rapporte le magazine Marianne, en 2017, 5500 km de voies ferrées étaient ralenties pour cause de réseau dégradé, contre 2500 km en 2008. Enfin, 25 000 ponts sont en mauvais état structurel, posant des problèmes de sécurité. Le rapport publié en 2019 à ce sujet par les sénateurs préconisait de mettre en place un « Plan Marshall » pour les ponts via un fond d’aide aux collectivités doté de 130 millions d’euros par an pendant dix ans.
C’est pourquoi Solidarité & progrès se mobilise en France. Nous vous demandons dès maintenant de sponsoriser l’envoi aux élus d’un canton ou d’une région de votre choix, de notre feuille de route « Réparation, reconstruction, refondation – Soyons résolus de ne plus servir l’oligarchie ». Ce document identifie clairement l’ennemi, cette oligarchie prédatrice et spoliatrice de Wall Street et de la City, et ouvre les pistes par lesquelles la France et toutes les autres nations pourront retrouver leur souveraineté monétaire et remettre sur pied l’économie réelle.
Enfin, notre journée citoyenne et assemblée générale, par visioconférence le 19 septembre, sera l’occasion d’en débattre avec des personnalités diverses et d’en préciser les objectifs et les conditions. Inscrivez-vous dès aujourd’hui !


