Chronique stratégique du 6 octobre 2020 (pour s’abonner c’est PAR ICI)
À un mois de l’élection présidentielle américaine, il devient évident que seule une large victoire de Donald Trump permettrait d’une part d’écarter la menace de chaos et de putsch militaire agitée par les Démocrates, et d’autre part de changer suffisamment la donne pour libérer le gouvernement américain de l’ascendant exercé actuellement par le du parti de la guerre associé à Pompeo.
Car la politique étrangère du président Trump – qui s’est exprimé à plusieurs reprises contre les « guerres sans fin » du Pentagone et du complexe militaro-industriel – a depuis son arrivée au pouvoir en janvier 2017 constamment été parasitée et neutralisée par ces milieux. La machine démocrate, en collusion avec le MI6 britannique et les services de renseignements américains, a fabriqué le montage politico-médiatique du « Russiagate » dans le but d’empêcher Trump d’amorcer une détente avec Moscou ; et, de leur côté, les néocons incrustés aux postes-clés du gouvernement – John Bolton hier, et Mike Pompeo et le secrétaire à la Défense Mark Esper aujourd’hui – s’évertuent chaque jour d’alimenter l’escalade contre la Russie et la Chine.
Lors de ses remarques à la dernière conférence de l’Institut Schiller des 5-6 septembre, sa présidente Helga Zepp-LaRouche est revenue sur la transformation de la doctrine de la défense américaine entre décembre 2017 et janvier 2018, où la lutte contre le terrorisme comme principale priorité a été remplacée par la compétition entre grandes puissances, notamment avec la Chine et la Russie, décrites désormais comme des puissances « révisionnistes » qui chercheraient à affaiblir la puissance américaine et à changer les « règles du monde » définies par les États-Unis.
Allant dans le même sens, une annexe à la Stratégie nationale de défense, adoptée en janvier 2018 par le Pentagone, vient d’être déclassifiée. Elle montre comment a également été opérée une transformation de la doctrine en matière de « guerre irrégulière ». Priorité est désormais donnée, non plus à la lutte contre le terrorisme, mais à la guerre de l’information et aux opérations en « zone grise » contre les États « revanchards », comme la Russie et la Chine. La « zone grise » désigne les lieux où des puissances se livrent à des activités belliqueuses, mais ne basculent pas encore dans l’action des armes de feu – propagande, guerre de l’information, guerre économique, cyberguerre, espionnage, sont les armes de la « zone grise ».
Le maniement correcte des capacités de la ’guerre irrégulière’ cherche a façonner des conditions favorables aux États-Unis et à nos alliés ; à accroître les coûts et susciter des dilemmes pour les stratégies adverses, a déclaré M. Francescon, sous-secrétaire d’État à la Défense. Notre approche n’exige pas d’augmenter de façon significative nos dépenses pour l’adapter à la compétition entre grandes puissances ; elle n’exige pas non plus de la violence. Nous allons plutôt, et c’est important de le dire, utiliser toutes nos capacités de matière créative, dynamique et non orthodoxe.
L’opposition grandit contre la doctrine Pompeo
Cependant, ce qui avait encore marché dans les cas du Venezuela et de l’Iran semble de plus en plus provoquer l’effet inverse. La semaine dernière, Pompeo a en effet reçu plusieurs camouflets :
- Le Vatican a opposé vendredi une fin de non-recevoir aux efforts du secrétaire d’État américain pour interférer dans le renouvellement d’un accord, en cours de négociation avec la Chine, sur la nomination des évêques chinois. Sur le prétexte de la proximité des élections américaines, le pape François a annulé sa rencontre avec Pompeo, qui n’a cessé ces derniers jours de faire de prodiguer des leçons de morale à l’égard du Saint-Siège pour ses relations avec Beijing. Comme le fait remarquer le sinologue italien Francesco Sisci dans le South China Morning Post, les manœuvres de Pompeo lui sont revenues comme un bâton, ne faisant que « renforcer la base soutenant le pape dans ses négociations avec la Chine parmi la communauté catholique américaine ».
- Le même jour, le gouvernement danois a autorisé l’exploitation sur son territoire du gazoduc Nord Stream 2, reliant la Russie à l’Allemagne via la mer Baltique, en dépit des manipulations de Washington et de Londres pour instrumentaliser l’affaire Navalny afin de saboter le projet.
- Treize des quinze membres du Conseil de sécurité de l’ONU, y compris les plus proches « alliés » européens des États-Unis, ont rejeté la demande de Pompeo du « snapback » contre l’Iran – c’est-à-dire un mécanisme visant à rétablir les sanctions internationales qui avaient été levées en 2015 lors de la signature de l’accord sur le nucléaire.
- Le 1er octobre, le président portugais Marcelo Rebelo de Sousa a répondu aux déclarations du week-end précédent de l’ambassadeur américain, qui avait menacé le Portugal de « punition » économique et même stratégique s’il ne coupait pas ses liens avec la Chine, et en particulier sa participation au projet de la Ceinture et la Route (les Nouvelles Routes de la soie). « C’est une question de principe évidente qu’au Portugal ce sont les représentants choisis par les Portugais – et eux seuls – qui décident de leur destin », a déclaré Rebelo de Sousa. Comme l’a dénoncé l’ancien haut diplomate portugais Seixas da Costa, cette « diplomatie de l’intimidation » cherche à aligner le Portugal sur le « nouveau rideau de fer made in USA ».
À cela s’ajoute le fait que le président Macron, lors de son voyage en Lituanie, a appelé les Européens à ouvrir le dialogue avec la Russie sur le contrôle des armes stratégiques, disant que « nous ne résoudrons jamais les questions du désarmement et de la protection de l’Europe sans parler avec la Russie ». Bien qu’on puisse douter de la crédibilité d’un président affirmant cela tout s’affichant aux côtés de la prétendue opposante biélorusse Svetlana Tikhanovskaïa, il est important que la France porte une telle voix, au moment où les États-Unis s’apprêtent à sortir du dernier traité (le New Start) en vigueur sur la limitation des armes nucléaires…
Et, si l’on ne doit pas s’attendre à des miracles du gouvernement Macron, c’est à nous de nous mobiliser. Comme l’écrit Jacques Cheminade dans son éditorial « Face à la guerre civile » :
Face aux guerres civiles pouvant dégénérer en guerres menaçant de nous anéantir, face à l’aventurisme militaro-financier, nous devons bâtir les conditions de la paix par le développement mutuel. En défiant les mafias au pouvoir qui nous disent : ‘Obéissez-nous ou vous serez réduits au silence’.

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