C’est un compteur qui ne cesse de grossir : 1,7 million de personnes ont signé la pétition contre la loi Duplomb, déposée le 10 juillet sur le site de l’Assemblée nationale par Éléonore Pattery, une étudiante de 23 ans.
Le site Vie publique précise l’essentiel de la loi Duplomb :
« La France est un pays béni. Après avoir compté 68 millions de médecins pendant la crise du Covid, puis 68 millions d’athlètes pendant les Jeux olympiques, voilà qu’elle recense aujourd’hui 68 millions de toxicologues… », ironise Géraldine Woessner dans Le Point.
L’acétamipride ?
Les arguments agités jusque dans les médias publics attribuent à l’acétamipride, du nom de cet insecticide néonicotinoïde que la loi prévoit de réintroduire de façon très encadrée, toutes sortes de méfaits : il serait la cause de « cancers », d’« empoisonnement d’enfants », d’« obésité, des diabètes de type 2 », de « retards de développement », et même d’un « holocauste parmi les insectes ».
Géraldine Woessner, dans Le Point résume les connaissances actuelles sur ce pesticide :
« Utilisé sur de nombreuses cultures (légumes feuillus, agrumes, fruits à pépins ou à coque, betterave…), l’acétamipride élimine les insectes ravageurs en s’attaquant à leur système nerveux. Comme ses cousins néonicotinoïdes – imidaclopride, clothianidine, thiaméthoxame et thiaclopride, interdits en Europe pour leurs ravages sur les abeilles –, il agit en ciblant les récepteurs nicotiniques de l’acétylcholine dans le système nerveux de l’insecte, provoquant la paralysie, et la mort. Mais là s’arrête la ressemblance.
« Car l’acétamipride, souvent amalgamé aux autres néonicotinoïdes ‘tueurs d’abeilles’ dans le débat public, ne présente pas du tout le même profil écotoxicologique, documente l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa). Aucun effet notable n’a été observé sur les abeilles après une exposition chronique (11 jours consécutifs). »
(…) « Une poignée de travaux, ayant soumis des rats pendant plusieurs semaines à de très fortes doses d’acétamipride, ont soulevé la possibilité d’un lien avec le développement de cancers. Mais aucune étude, soulignent les autorités sanitaires, n’a observé de cancérogénicité ‘en conditions réalistes’ d’utilisation. Ni suggéré d’effet en population humaine. Dans le cadre du renouvellement européen de la molécule, l’Efsa a conduit, en 2024, une évaluation approfondie des propriétés toxicologiques de l’acétamipride. Elle a confirmé n’avoir trouvé aucune preuve de génotoxicité ni de cancérogénicité.
« Quant à son impact sur les abeilles, il est considéré ‘comparable à celui des autres insecticides autorisés’, explique l’écotoxicologue Csaba Szentes, de l’équipe Ecotox de l’Efsa. ‘Même si c’est un néonicotinoïde, selon les données, il ne s’agit pas d’un tueur d’abeilles’, souligne-t-il. »
(…) « Surtout, l’acétamipride ne persiste pas dans l’environnement : sa demi-vie dans le sol est inférieure à 8 jours, et de 1 à 4 jours dans les cours d’eau – contrairement à certaines molécules qui, elles, peuvent s’accrocher plusieurs années. »
Conséquences de l’interdiction
Quel a été l’impact de l’interdiction de ce produit depuis 2020 ?
Au niveau de la culture de noisettes, la superficie de vergers de noisetiers en France a doublé entre 2010 et 2023, passant de 4 000 à 8 000 hectares, selon les chiffres de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture. Quatrième consommatrice au monde, la France compte toujours à près de 90 %, sur les importations essentiellement de Turquie.
Dans le Lot-et-Garonne, suite à l’interdiction du pesticide, les producteurs ont perdu la moitié de leur récolte en 2024 et peinent à rembourser leurs banques et leurs fournisseurs. « C’est bien simple, si on nous refuse l’acétamipride, on est morts », regrettent-ils amèrement. « On nous refuse ce produit qui pourrait clairement sauver notre culture alors qu’on nous a donné des dérogations pour utiliser certains produits qui ont la réputation d’être plus dangereux », fustigent les producteurs.
Au niveau des betteraves, la loi a été réclamée avec force et conviction par les producteurs de betteraves sucrières, avançant n’avoir aucune autre solution pour protéger efficacement leurs cultures.
Dans une pétition en soutien à la loi Duplomb, Philippe Parmentier, un producteur des Hauts-de-France alerte sur « les pucerons vecteurs de la jaunisse en betterave, causant des pertes allant jusqu’à 40% ». Regrettant le caractère idéologique et non-scientifique du débat, Parmentier estime que l’acétamipride n’est pas dangereux pour les humains. « Sachez que les colliers antipuces de vos animaux de compagnie sont traités avec cet insecticide à des doses 20 000 fois plus concentrées », soutient-il.
Concurrence déloyale
La FNSEA et la Coordination Rurale dénoncent à juste titre, sur ce sujet, une « concurrence déloyale » avec les autres producteurs européens et une « porte ouverte aux importations », notamment de noisettes produites avec des pesticides interdits en France. « On interdit à nos paysans certaines molécules, mais on les laissent être concurrencés par des produits étrangers bien moins régulés », s’énerve Olivier Lehe dans sa propre pétition qui réclame
Être cohérent
Vu la gravité des accusations formulées en France, il devient incompréhensible que cette même molécule reste autorisée, en usage agricole, aux États-Unis, au Japon, au Canada, en Australie, dans les continents asiatiques et sud-américain, de même que dans l’ensemble de l’Union européenne, où son homologation a été récemment renouvelée jusqu’en 2033. Comment expliquer, surtout, qu’elle n’ait pas été interdite en usage domestique, et reste utilisée dans les maisons françaises, l’acétamipride étant présent dans 95 produits biocides ?
Sur les 27 pays de l’UE, 26 autorisent son usage, la France n’ayant pas été capable de fournir les preuves suffisantes pour obtenir son interdiction à l’échelle européenne.
Rappelons que les fruits et légumes (ainsi que les poissons et crustacés) sont les produits les plus importés en France. Au total, près de 71 % des fruits consommés sont d’origine étrangère, contre 28 % pour les légumes.
La pétition
Le droit de pétition est encadré par le règlement de l’Assemblée nationale. Les pétitions recueillant plus de 500 000 signatures, issues d’au moins 30 départements ou collectivités d’outre-mer, « peuvent » être débattues dans l’hémicycle par les députés.
Si la pétition lancée par une simple étudiante innocente a connu un tel engouement, ce n’est pas le fruit du hasard, affirme Politico pour qui les grosses machines écologistes sont à la manœuvre.
Les partis politiques de l’opposition, les mêmes qui par l’obstruction parlementaire ont empêché que l’Assemblée puisse discuter de cette loi avant son adoption, crient désormais au scandale et exigent un débat, chacun instrumentalisant le sujet et tentant de séduire une génération de Français qui ont fini par croire, à tort, que les mots « chimie », « industrie » et « agriculture » sont synonymes de pollution, malbouffe, maltraitance animale et exploitation.
Soulignons que la Commission mixte paritaire (CMP) a assorti la ré-autorisation de l’acétamipride à plusieurs aménagements, tels une clause de revoyure au bout de 3 ans ou encore l’interdiction de planter, sur les parcelles préalablement traitées, des végétaux qui attirent les pollinisateurs. Elle a acté l’obligation pour l’État d’accompagner les professionnels dans leurs recherches d’alternatives lorsqu’il interdit des produits phytopharmaceutiques contenant des substances autorisées au niveau européen.
De plus, l’État, dit la loi « se fixe pour objectif d’indemniser les exploitants agricoles subissant des pertes d’exploitation significatives tant que les alternatives disponibles à l’utilisation de ces produits sont inexistantes ou manifestement insuffisantes ».
A noter également, le fait qu’un « comité des solutions à la protection des cultures », placé auprès du ministre chargé de l’agriculture, a été créé.
Plus intéressant le fait que la loi ré-autorise, dans certaines conditions, les distributeurs de produits phytopharmaceutiques (coopératives...) à réaliser une activité de conseil, mais pas les fabricants de ces pesticides (les firmes), compte tenu « du risque élevé de conflits d’intérêts ». Un conseil stratégique global facultatif est créé au service des agriculteurs, articulé avec les diagnostics modulaires de la loi d’orientation agricole.
Même précaution pour les simples retenues de stockage d’eau (diabolisées par les écologistes extrêmes comme des « mégabassines ») à vocation agricole seront présumées « d’intérêt général majeur » ou « répondre à une raison impérative d’intérêt public majeur » (RIIPM) au sens des directives européennes sur l’eau et les habitats, sous certaines conditions : dans les zones de déficit quantitatif pérenne compromettant le potentiel de production agricole, il y a nécessité d’une démarche territoriale concertée sur la répartition de la ressource en eau entre l’ensemble des usagers....
Des dispositions réécrites entendent « apaiser les relations entre l’Office français de la biodiversité (OFB) et les agriculteurs ». Lors des contrôles, le port de caméra individuelle pour les inspecteurs de l’environnement sera mis en place, sur le modèle de la police et la gendarmerie.
Referendum, refus de promulgation ?
Tout comme l’opposition, le gouvernement se dit « pleinement disponible » pour un nouveau débat ,selon la ministre de l’Agriculture qui reste favorable à la loi Duplomb.
Si la loi Duplomb est à nouveau débattue - à condition que la Conférence des présidents de l’Assemblée l’accepte - le texte ne pourra pas faire l’objet d’un nouveau vote. Les seuls moyens de revenir sur la loi sont entre les mains d’Emmanuel Macron : il peut convoquer un référendum sur le sujet au nom de l’article 11 de la Constitution ou refuser de promulguer la loi.
« Au sujet du référendum, le peuple a clairement montré sa volonté de s’exprimer sur le sujet avec la pétition sur le site de l’Assemblée nationale, alors pourquoi ne pas le faire aller aux urnes ? », écrit la rédaction de l’internaute.
Le Conseil constitutionnel, saisi par la gauche qui dénonce un vice de procédure dans l’adoption de la loi Duplomb, doit désormais rendre son verdict d’ici le 10 août. Voilà la date que tout le monde - Emmanuel Macron compris - attend avec impatience. S’il reconnaît un vice de procédure, le texte ne pourrait pas être promulgué.
Reste que le sujet de la « loi Duplomb » est l’amélioration des modalités d’installation et de vie des agriculteurs, ce qui aurait mérité un débat de fond sur les conditions d’exercice du métier.
La simplification des formalités de permis, d’autorisations et de déclarations diverses, répond à la demande formulée depuis longtemps par la profession – ainsi que la facilitation d’accès au crédit et à une assurance récolte, qui sont les éléments fondamentaux de la loi.

