Coronavirus : Que feront les États-Unis face à ce nouveau Pearl Harbor ?

mercredi 8 avril 2020

Chronique stratégique du 8 avril 2020 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

Les États-Unis vont-ils réagir à la hauteur de la crise ? La coopération ébauchée entre Trump, Xi et Poutine contre la pandémie de Covid-19 va-t-elle se confirmer, ou les forces réactionnaires américaines parviendront-elles à exploiter la situation comme elles l’avaient fait suite au 11 septembre ? Ces questions sont cruciales pour savoir dans quelle direction le monde va se diriger dans les prochaines semaines et les prochains mois.

Avec un temps de retard, comme dans de trop nombreux pays occidentaux, le principe de réalité est venu frapper les esprits aux États-Unis. Lors de son intervention quotidienne du 31 mars, sur un ton grave, Donald Trump a prévenu les Américains de s’attendre à une période extrêmement difficile à vivre ; selon les experts, a-t-il rapporté, le nombre de morts dus au Covid-19 pourrait atteindre 250 000 si l’effort national était suivi scrupuleusement, et entre un et deux millions dans le cas contraire. « La semaine prochaine sera un moment comme Pearl Harbor, comme le 11-Septembre », a prévenu de son côté l’administrateur fédéral des services de santé publique, Jerome Adams, sur la chaîne NBC.

Reste à savoir si l’Amérique va faire preuve d’un sursaut similaire à ce qui avait suivi l’attaque japonaise du 7 avril 1941 contre la base navale de Pearl Harbor – s’engageant dans une coopération internationale en défense de l’humanité –, ou si les forces représentant le complexe militaro-financier vont parvenir à exploiter les talons d’Achille de Trump pour sauvegarder l’ordre financier criminel, comme elles l’avaient fait après le 11 septembre 2001, n’en déplaise à Jerome Adams.

Contradictions de l’administration américaine

La coopération entre les deux plus grandes puissances mondiales constitue la condition sine qua non pour terrasser la pandémie et sortir par le haut de la crise. Même ceux qui n’éprouvent aucune sympathie pour Donald Trump et Xi Jinping l’admettent. « Dans le meilleur des mondes possibles, les présidents Xi et Trump peuvent s’élever à la hauteur de ce défi, et s’engager clairement dans la formalisation d’un accord afin de mettre en œuvre le plus grand effort humanitaire de l’histoire moderne pour arrêter l’expansion du virus SARS-CoV-2 », écrit la célèbre épidémiologiste Laurie Garrett dans The New Republic, qui ajoute que les deux présidents pourraient même, à terme, partager un prix Nobel de la paix.

De ce point de vue, l’administration américaine se trouve plus que jamais dans la contradiction : d’un côté, le président Trump affirme chaque jour la volonté des États-Unis de venir en aide aux 150 pays touchés par la pandémie, et de l’autre les Américains chapardent des cargaisons destinées aux Français ou Italiens sur le tarmac des aéroports chinois ; Trump s’entretient et coopère avec Xi et Poutine, tandis le secrétaire d’État Mike Pompeo et le conseiller à la sécurité nationale Robert O’Brien, en opposition avec leur boss, alimentent les accusations de mensonge contre la Chine sur l’origine et l’expansion du coronavirus, et poussent pour de nouvelles attaques américaines contre l’Iran.

Signe des très fortes tensions traversant la société américaine, l’affaire du limogeage le 2 avril du capitaine Brett Croizer, le commandant de l’USS Theodore Roosevelt. Le porte-avion étant contaminé par le Covid-19, Croizer a outrepassé sa hiérarchie en ordonnant l’évacuation du bâtiment, estimant qu’en l’absence de guerre aucune raison ne justifiait de risquer la vie des 4000 marins, qui l’ont acclamé lors de sa mise à pied. Furieux, le secrétaire de la Navy Thomas Modly a traversé la moitié de l’hémisphère pour admonester le commandant limogé : « Bien que nous ne soyons pas en guerre dans le sens traditionnel du terme, nous ne sommes pas non plus réellement en paix. Les régimes autoritaires émergent. Plusieurs nations tentent, par divers moyens, de restreindre notre capacité à atteindre nos objectifs ». Trois jours plus tard, Modly a été poussé à démissionner.

Certains préféreraient un 11 septembre sanitaire

Partout le paradigme financier et géopolitique est remis en cause. Et, plus intéressant que les discours creux d’Emmanuel Macron et les envolées lyriques de Yannick Jadot, de multiples appels sont émis en Amérique latine, en Afrique et même à l’ONU, en faveur d’un changement substantiel. En effet, comme nous l’avons montré dans notre chronique du 31 mars, le secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres a plaidé en faveur d’un « cessez-le feu universel » et de la levée des sanctions, et plusieurs organisations ou personnalités ont appelé à une annulation des dettes des pays en développement (dont la Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement, ou CNUCED).

Les élites néolibérales sentent bien la menace, et tentent de retourner la situation à leur avantage. C’est ainsi qu’est réapparu Sir Henry Kissinger, le vieux porte-voix de l’establishment anglo-américain : « La pandémie de coronavirus va altérer de façon irréversible l’ordre mondial », écrit-il dans une tribune publiée dans le Wall Street Journal, ajoutant qu’il va falloir « planifier une nouvelle époque » de façon à « sauvegarder les principes de l’ordre mondial libéral ». Il faut dire que M. Kissinger a su défendre avec brio cet ordre libéral – l’ordre de ceux qui décident pour les autres – à partir des années 1970, grâce à un véritable savoir-faire en matière de coups d’État et autres opérations clandestines.

Quelques jours plus tôt, le très néoconservateur Atlantic Council a même suggéré que, au lieu d’interdire les vols aériens, Trump aurait dû invoquer l’article 5 de l’Otan, de façon à considérer le Covid-19 comme « une attaque par un ennemi étranger ». « Si l’Otan a pu invoquer l’article 5 pour combattre un acteur terroriste non étatique s’attaquant aux États-Unis [faisant ici référence aux 11 septembre 2001], pourquoi ne pas en faire autant pour combattre le Covid-19 d’origine chinoise ? » Rappelons que c’est Victoria Nuland, alors ambassadrice des États-Unis à l’Otan, qui, le 12 septembre 2001, a invoqué l’article 5 (« l’attaque d’un allié est une attaque contre tous »), faisant basculer le monde dans une période de vingt de guerres au Moyen-Orient.

Voilà donc le vieux paradigme, acculé dans les cordes, paniqué à l’idée de voir ses « alliés » le lâcher, qui tente de mobiliser les forces de l’Otan contre la Chine, au risque, si ça continue, d’une nouvelle guerre mondiale.

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COMMENTAIRES

Cupidon Marcatu - le 8 avril 2020

Je veux toujours recevoir vos emails.

Chemsi slimane - le 8 avril 2020

Le monde entier est pris en otage, c’est le plus grand terrorisme que l’humanité a connu,que Dieu nous protége tous de cette pandémie que je la qualifie comme étant un acte criminel

Jerome - le 8 avril 2020

Tres interessante la chronique ????????