Affaire Julian Assange : le montage de la Justice américaine s’effondre

vendredi 16 juillet 2021

Chronique stratégique du 16 juillet 2021 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

Le principal témoin du département de la Justice américain (DoJ), l’Islandais Sigurdur Thordarson, a avoué avoir menti en affirmant que Julian Assange, le fondateur de WikiLeaks, l’avait poussé à pirater un pays membre de l’OTAN. C’est la pièce maîtresse de l’accusation américaine qui s’effondre ; plus rien ne devrait (théoriquement) empêcher la libération du journaliste australien.

Depuis avril 2019, Julian Assange, l’homme qui a exposé avec WikiLeaks les crimes de guerre anglo-américains en Irak et en Afghanistan, meurt à petit feu dans une cellule de la prison de Belmarsh, la plus sécurisée du Royaume-Uni.

En janvier dernier, la justice britannique a refusé d’accorder son extradition demandée par les États-Unis – pour des raisons « humanitaires ». Mais, dans le même temps, elle a rejeté les demandes de libération fondées sur la défense de la liberté d’expression, et six mois plus tard, le journaliste poursuit son calvaire — la « torture psychologique », comme l’a qualifiée Nils Melzer, le rapporteur spécial de l’ONU sur la torture — dans la plus grande indifférence des chantres de la démocratie et des droits de l’Homme qui occupent le paysage médiatique occidental.

Cependant, les confessions explosives d’un repris de justice à la solde du FBI viennent de porter un coup mortel au dossier d’accusation monté par les États-Unis.

Le témoin clé avoue avoir menti

Le 26 juin, le bihebdomadaire islandais Stundin, relayé ensuite par Wikileaks, Consortium News et d’autres, a révélé que l’Islandais Sigurdur Thordarson (surnommé « Siggi le hacker ») a admis avoir menti en affirmant qu’il aurait reçu de la part de Julian Assange des consignes de piratage visant un pays membre de l’OTAN – un mensonge proféré au service du FBI, en échange de son immunité judiciaire.

Thordarson admet aujourd’hui qu’Assange ne lui a jamais demandé de pirater ou d’accéder à des enregistrements téléphoniques, rapporte le journal islandais.

Cette allégation de piratage était la pièce maîtresse de l’acte d’accusation monté par le DoJ, qui comptait faire comparaître le journaliste pour espionnage, et se basait pour cela sur l’affirmation selon laquelle Assange aurait demandé à « Siggi » d’obtenir des enregistrements de députés islandais et de voler des données sensibles dans une banque islandaise. Les aveux de l’Islandais, le « témoin vedette » des Américains, jettent le discrédit total sur les accusations de la Justice américaine.

Précisons que Sigurdur Thordarson est un criminel jugé en Islande pour fraude, pédophilie et plusieurs autres crimes. Il s’était fait embaucher en 2010 par Wikileaks, où il s’était rapidement fait passer auprès de groupes de hackers respectivement pour « le chef d’État-major », le « directeur de la communication » ou encore le « numéro 2 de l’organisation » – allant même jusqu’à usurper l’identité de Julian Assange. En 2011, WikiLeaks avait rompu la collaboration et porté plainte contre lui, après avoir découvert qu’il avait volé 50 000 dollars, en plus des autres manigances. Thordarson avait alors immédiatement contacté l’ambassade américaine en Islande, et était devenu un informateur du FBI.

Deux ans plus tard, lors du procès, le jeune escroc plaida coupable pour les accusations de WikiLeaks, et fut condamné pour détournements de fonds, fraudes, vols et abus sexuels sur plusieurs dizaines de mineurs – le diagnostic physiologique le décrivant comme un « sociopathe » incapable de remord.

Plus tard, comme le rapporte Stundin, lorsque le gouvernement islandais a découvert que le FBI tentait d’instrumentaliser l’Islande dans sa croisade contre Julian Assange, il a exigé auprès de Washington de cesser toutes opérations du FBI sur place et de quitter le pays. Ce qui n’a pas dissuadé le département la Justice américain de faire du témoignage de Thordarson le principal chef d’accusation pour la demande d’extradition d’Assange.

Il faut libérer Assange

Si ces révélations n’ont trouvé pour l’heure qu’un faible écho médiatique, elles circulent énormément sur Internet, ayant été partagées plusieurs dizaines de milliers de fois sur les réseaux sociaux.

« C’est la fin de l’affaire contre Julian Assange » a notamment réagi le lanceur d’alerte Edward Snowden. « Il est grand temps de mettre fin à cette parodie », a commenté Nils Melzer. Le rapporteur spécial de l’ONU sur les tortures a énuméré les événements qui ont permis, les uns après les autres, de « démanteler la persécution d’Assange » : 1/ l’exposition en 2019 de la torture et des pratiques arbitraires du Royaume-Uni, 2/ l’échec, toujours en 2019, des allégations de viol en Suède, 3/ la mise en lumière en 2020 de l’espionnage de l’ambassade de l’Équateur à Londres (où Assange s’est réfugié en 2012), 4/ les prisons américaines reconnues inhumaines par la justice britannique, et 5/ l’échec en juin 2021 des allégations américaines de piratage.

Toutefois, l’affaire Assange n’est pas terminée – et il risque d’en être ainsi tant que la mafia du complexe militaro-financier sera au pouvoir à Londres, à Washington et dans les autres capitales occidentales. Le 7 juillet, la Haute cour de Justice britannique a annoncé qu’elle entendrait l’appel des États-Unis de la décision du Tribunal de première instance qui a rejeté en janvier la demande d’extradition. Cette décision, qui survient une semaine après les aveux de Thordarson, a été prise après que le DoJ a promis qu’en cas de condamnation par le Tribunal fédéral d’Arlington, en Virginie, Julian Assange purgerait sa peine soit dans une prison de son pays natal, l’Australie, soit aux États-Unis, mais pas dans la prison de haute-sécurité du Colorado, comme envisagé initialement.

Comme le souligne Ray McGovern, un ancien analyste de la CIA et co-fondateur des Veteran Intelligence Professionals for Sanity (VIPS), à moins d’une mobilisation populaire en faveur de sa libération, le fondateur de Wikileaks va être trimbalé d’un tribunal à l’autre, d’une prison à l’autre, toujours sous couvert de la loi, jusqu’à le détruire totalement.

La torture psychologique à laquelle Assange est soumis (…) se fait au vu et au su du reste du monde, écrit McGovern sur le site antiwar.com. Mais aussi répréhensible que soit ce crime, l’enjeu est encore plus grand pour les démocraties qui ne peuvent exister sans des médias libres.

Rappelons que le gouvernement d’Emmanuel Macron a lâchement ignoré la demande d’asile formulée par Assange auprès de la France – une honte pour notre pays, qui a inscrit dans le préambule de sa Constitution (écrite « au lendemain de la victoire remportée par les peuples libres sur les régimes qui ont tenté d’asservir et de dégrader la personne humaine ») que « tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur le territoire de la République ».

Il est temps de libérer Julian Assange et de jeter en prison les criminels de guerre qui ont voulu le faire taire !

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