2019 : les États-Unis face au double « effet Spoutnik »

mercredi 2 janvier 2019

Signes précurseurs d’une année à venir très riche en événements aussi imprévisibles que disruptifs, 2019 commence avec une double mauvaise (ou bonne, tout dépend du point de vue) surprise pour les États-Unis : mercredi dernier, la Russie a réussi les premiers tests de missiles hypersoniques, et dans quelques jours, la Chine réalisera, sauf catastrophe, une première historique en déposant le rover Chang’e 4 sur la face cachée de la Lune.

Si ces deux développements étaient attendus, ils n’en provoquent pas moins un véritable tremblement de terre parmi les dominants du monde transatlantique, persuadés depuis l’effondrement de l’URSS de détenir le monopole scientifique et militaire, et donc le pouvoir.

Cette situation fait écho bien entendu au choc qu’avait provoqué la mise en orbite terrestre du satellite Spoutnik, le 4 octobre 1957, et surtout l’envoi du premier homme dans l’espace, le Russe Youri Gagarine le 12 avril 1961 ; elle rappelle également ce qu’il s’était passé en 1977, lorsque l’économiste et homme politique américain Lyndon LaRouche avait pu démontrer, en s’appuyant sur la mise en garde du chef du renseignement de l’armée de l’air américaine, le Major-général George J. Keegan, que l’URSS, qui disposait depuis 1962 des missiles anti-missiles ABM-1 Galosh, travaillait d’arrache-pied sur un système de défense anti-missiles basé sur des principes physiques nouveaux (lasers, faisceaux de particules, etc.) qui rendraient quasiment inutile la dissuasion nucléaire occidentale.

Comme l’ont démontré les tests de la semaine dernière, les nouveaux missiles hypersoniques russes, baptisés « Avangard », sont en effet capables de dépasser les 33 000 kilomètres par heure, soit Mach 27, et sont donc « pratiquement » impossibles à abattre par les systèmes antimissiles classiques ; ils rendent par conséquent ces derniers, qui ont méticuleusement été installés autour de la Russie depuis 20 ans, parfaitement obsolètes.

En réponse, le ministère américain de la Défense tente de mobiliser ses ressources et celles de l’industrie de l’armement afin de rattraper le retard. Le 28 décembre, l’amiral John Richardson, chef des opérations navales, a présenté un plan ultra-prioritaire prévoyant de mettre au point et de déployer une arme hypersonique offensive d’ici 2025.

Interrogée sur les raisons pour lesquelles le secteur de la Défense n’avait pas investi le champ des armes supersoniques, la porte-parole du Pentagone Michelle Baldanza a répondu que bien que les États-Unis soient (en théorie) les leaders mondiaux en systèmes hypersoniques, « nous n’avons pas choisi de les militariser ». Elle a ajouté que la décision par la Russie de créer des armes supersoniques provoquait un déséquilibre et que les États-Unis se devaient d’y répondre, visiblement inconsciente de l’ironie d’une telle affirmation, étant donné que le programme d’armes hypersoniques russes a justement été lancé en réponse au « déséquilibre » provoqué par l’administration Bush Jr, lorsque celle-ci en 2002 de se retirer du traité ABM (sur la limitation des armes stratégiques).

Désormais, l’administration Trump est dos au mur. Soit elle écoute les sirènes des réseaux anglo-américains qui font de la Russie et de la Chine les deux ennemis absolus, soit elle rompt avec la règle du jeu de la géopolitique britannique des dernières décennies, et s’ouvre à une coopération avec ces deux grandes nations, dans l’esprit de ce que de Gaulle appelait « la détente, l’entente et la coopération ». Les présidents Poutine et Xi Jinping, sans se faire d’illusions, y sont prêts. Dans son message de vœux pour la nouvelle année adressé à Donald Trump, le président russe souligne que « les relations russo-américaines sont le facteur le plus important pour assurer la stabilité stratégique et la sécurité internationale », et réaffirme que la Russie est ouverte au dialogue avec les États-Unis sur tous les sujets y compris celui des armes nucléaires.

La récente décision de Trump d’engager le retrait des troupes américaines de Syrie – qui a eu le don de mettre en fureur l’ensemble des milieux transatlantiques à Londres, Paris et Berlin – représente un pas très important dans ce sens. Vendredi dernier, en Irak, le président a même déclaré que « les États-Unis ne peuvent plus être le gendarme du monde ».

Le « muscle » américain serait-il en train d’abandonner le « cerveau » britannique ?