Corée, Érythrée, Éthiopie, Bolivie… L’esprit de Singapour va bon train

lundi 23 juillet 2018

Chaque semaine nous apporte de nouveaux développements spectaculaires s’inscrivant dans l’esprit de la rencontre entre Donald Trump et Kim Jong-un à Singapour. La matrice géopolitique internationale, dominée depuis Londres et Wall Street au moyen des divisions « amis-ennemis », est menacée jusque dans ses fondements.

Le 16 juillet, le Conseil coréen pour la réconciliation et la coopération (KCRC) s’est rendu à Pyongyang pour une visite de plusieurs jours. Son président Kim Hong-geol (fils du président sud-coréen Kim Dae-jung, qui avait initié en 1998 le processus de paix, avorté par l’administration Bush), a proposé la création d’un comité conjoint entre les deux Corées afin de faciliter le rapatriement depuis le Japon des biens des Coréens qui avaient été déportés dans des camps de travail entre 1910 et 1945.

Le ministère sud-coréen de la Réunification a annoncé le 19 juillet que les deux Corées prévoient d’effectuer une inspection générale du réseau ferroviaire nord-coréen se trouvant sur la côte est, en vue de le connecter au réseau sud-coréen et de développer les échanges économiques. Les inspections commenceront le mardi 24 juillet. Ce corridor est fondamental pour la péninsule, car il fera la jonction entre le train trans-coréen et les réseaux ferroviaires chinois, mongols et sibériens, et permettra aux produits coréens d’être transportés directement en Europe par voie terrestre comme maritime.

Le problème est toutefois l’obstination des Américains, par la voix du secrétaire d’État Mike Pompeo, à imposer une dénucléarisation complète de la Corée du Nord comme condition exclusive à la levée des sanctions.

Pendant ce temps dans la Corne de l’Afrique, une rencontre historique a eu lieu le 8 juillet à Asmara, la capitale d’Érythrée, entre le Premier ministre éthiopien Abiy Ahamed et le président érythréen Isaias Afwerki. Une telle rencontre était inimaginable quelques semaines plus tôt. Les deux dirigeants ont signé une « Déclaration conjointe de paix et d’amitié » mettant fin au statut de guerre qui existait depuis vingt ans entre les deux pays, et qui avait causé près de 100 000 morts en 1998 et 2000.

L’Éthiopie s’est engagée à respecter les termes de l’accord signé en 2000 prévoyant la restitution des territoires contestés, tandis que l’Érythrée donnera accès à son voisin aux ports de la mer Rouge. L’accord inclut également la reprise du trafic aérien et naval et la réouverture des ambassades. Mercredi 18 juillet, le premier vol depuis vingt ans a provoqué des scènes de joie dans les deux pays.

Enfin, en Amérique du Sud, une nouvelle ère de coopération s’est ouverte entre la Bolivie et le Paraguay. Le 11 juillet, le président bolivien Evo Morales a rencontré le président paraguayen récemment élu Mario Abdo Benitez. La discussion s’est portée sur le projet de train bi-océanique, le projet de canal entre l’État de Parana (Brésil) et le Paraguay, qui offrira à la Bolivie un accès à l’océan Atlantique, et enfin le projet d’autoroute diagonale qui connectera les autoroutes et les rivières du Paraguay, de la Bolivie, du Chili et du Pérou.

« Nous avons une destinée commune que nous devons bâtir ensemble… et un énorme potentiel » en terme d’intégration économique, a déclaré Evo Morales. Comme pour illustrer le concept de « coïncidence des opposés » développé par Helga Zepp-LaRouche lors de la conférence internationale de l’Institut Schiller le 30 juin à Francfort, le président bolivien a renvoyé au passé la Guerre du Chaco (1932-1935) qui avait déchiré les deux pays, et qui avait été fomentée par les intérêts financiers et pétroliers internationaux. « Maintenant, nous devons tourner nos yeux vers le futur », a-t-il dit.

Rappelons que Morales a également invité le Chili à participer au projet de train bi-océanique, surmontant ainsi les ressentiments hérités de la Guerre du Pacifique (1879-1884), où le Chili s’était emparé de nombreux territoires boliviens, dont son accès à la mer.

Tous ces développements représentent autant de percées contre la « géopolitique », car cela montre que les rapports entre les nations ne sont pas déterminés par la lutte des intérêts des uns contre les autres, mais qu’ils peuvent l’être par une vision de développement mutuel dans laquelle la « coexistence » et l’ « inclusivité » – pour reprendre des termes chers aux Chinois – deviennent possibles.