Il ne se passe pas un seul jour sans voir « l’opinion publique » s’indigner du « scandale » des déchets nucléaires. Si l’on admet volontiers que l’énergie nucléaire civile possède quantité d’avantages, une bonne partie de la population mondiale reste convaincue que le « problème » des déchets hautement radioactifs est insoluble. Les solutions proposées jusqu’ici, notamment l’enfouissement des déchets, ne sont acceptables ni sur le plan technique (nombre de sites limité, stockage complexe, longue durée de vie, etc.), ni sur le plan moral (on lègue le problème aux générations futures).
Pourtant, cette situation pourrait très vite changer si l’Europe, et la Belgique en particulier, décident de lancer le projet très prometteur du réacteur de recherche MYRRHA (Multi-purpose hybrid research reactor for high-tech applications), conçu par le Centre d’étude de l’énergie nucléaire (SCK-CEN) de Mol, à une cinquantaine de kilomètres d’Anvers.
Ce projet vise, entre autres, à démontrer la faisabilité technique, via la fission nucléaire, de la « transmutation » (terme emprunté aux alchimistes) des déchets radioactifs à longue durée de vie en déchets à durée de vie écourtée ou en atomes stables inoffensifs, voire en ressources nouvelles. « Myrrha est un projet qui dépasse les frontières de la Belgique. Il intéresse toute la communauté scientifique nucléaire nationale et internationale », affirme Bertrand Barré, ancien directeur de la communication scientifique d’Areva.
Rappelons que les découvertes de l’isotope et de la transmutation datent du début du XXe siècle. Les noyaux des atomes d’un même élément de la table de Mendeleïev peuvent avoir le même nombre de protons, mais un nombre différent de neutrons. On dit alors qu’ils sont des isotopes de l’élément en question. Il s’agit d’atomes identiques du point de vue de la chimie, mais différents du point de vue nucléaire.
Par exemple, les carbone-12, carbone-13 et carbone-14 sont trois isotopes du carbone. Le 12 représente les six protons et six neutrons du noyau, le 13 représente six protons et sept neutrons et le 14 correspond à six protons et huit neutrons.
Les six protons définissent ces trois entités comme étant des isotopes de carbone, et c’est leur nombre de neutrons qui les différencie.
A la même époque on découvre que l’émission d’un rayonnement à partir de l’uranium s’accompagne de l’apparition de nouveaux éléments chimiques, notamment du thorium qui a sa place propre dans le tableau de Mendeleïev. Dans ce cas là on parle de transmutation.
Avec le réacteur Myrrha, une première catégorie de déchets, importante, pourra être traitée : les actinides (terres rares) plutonium, neptunium, américium et curium. Si ces éléments sont irradiés par la réaction de fission, ils disparaissent et une palette de nouveaux produits de fission radioactifs à durée de vie plus courte (3 à 7 ans) apparaît. Cette transformation change entièrement la donne en ce qui concerne le stockage des déchets, car tant leur volume que la durée de leur toxicité sont totalement altérés.
Mieux encore : en bombardant, par exemple avec des neutrons, deux radio-isotopes, le technétium 99 et l’iode 129, dont la demi-vie est respectivement de 200000 et de 16 millions d’années, le premier se transmute en technétium 100, dont la demi-vie n’est que de quelques secondes, et le second en gaz rare : le xénon, stable et très demandé ! Tel le roi Midas capable de transformer le plomb en or, Myrrha pourrait transmuter des déchets hautement radioactifs en matières plus faciles à gérer, voire en ressources précieuses pour l’homme et son développement.
Les avantages supplémentaires de Myrrha
Pour réduire au minimum le risque d’emballement d’une réaction en chaîne de fission nucléaire de ce type d’éléments, le réacteur fonctionne en mode « sous-critique », ce qui signifie qu’il ne peut pas entretenir par lui-même la réaction.
Cependant, le réacteur hybride Myrrha fonctionnera grâce à une nouvelle catégorie de systèmes nucléaires appelés « Systèmes pilotés par accélérateur » (SPA, en anglais : Accelerator Driven Systems ou ADS). Contrairement aux réacteurs classiques, un SPA est une installation sous-critique contrôlée par une source externe de neutrons. Cette source est constituée d’un accélérateur de protons de haute puissance et d’une cible constitué d’un matériau lourd comme le Pb, le W ou l’U : le bombardement de la cible par les protons génère les neutrons primaires nécessaires au fonctionnement du réacteur.
Cette configuration fait de Myrrha une installation de recherche polyvalente, capable de répondre aux besoins de la recherche scientifique sur les matériaux nécessaires à la fabrication des réacteurs de nouvelle génération (fission et fusion), laquelle nécessite des infrastructures nucléaires pouvant produire beaucoup de neutrons rapides, ou encore sur des matériaux avancés pour des utilisations spatiales et dans les télécommunications.
Myrrha, nous affirme un spécialiste qui adore mettre les écologistes devant leurs propres paradoxes, permettra aussi « de garantir la disponibilité de lingots de silicium dopé par irradiation, un composant essentiel des circuits électroniques de puissance utilisés dans les applications d’énergies renouvelables (panneaux solaires, éoliennes, voitures hybrides, etc.) ».
Autre avantage immédiat : la production de radio-isotopes dont on manque cruellement aujourd’hui pour traiter certains cancers et qui ne peuvent être produits dans les systèmes actuels. Rappelons que suite au non remplacement d’un certain nombre de réacteurs de recherche nucléaires, nous sommes confrontés à une pénurie aiguë de radio-isotopes à usage médical, produits à 80%, non pas par dame nature, mais par les réacteurs de recherche !
On peut donc se demander avec étonnement pourquoi les écologistes, par ailleurs si fanatiques à exiger le tri sélectif des déchets ménagers, ne militent pas en faveur du recyclage des déchets radioactifs et du projet Myrrha !
A eux d’approfondir les concepts du bio-géochimiste Vladimir Vernadski , auteur de La biosphère. Pour ce scientifique ukrainien, la dynamique de l’univers est régie par trois modes d’organisation : la lithosphère (du grec lithos = pierre, ou domaine de l’abiotique), la biosphère (la vie organique) et la noosphère (le domaine du pensant, du grec noos = pensée).
Vernadski identifie comment les éléments géochimiques de la lithosphère ont permis le développement de la biosphère. Or, si nous pensons à nos combustibles fossiles (pétrole, gaz naturel, houille et charbon), produits à partir de roches issues de la fossilisation de végétaux vivants, on constate que l’homme utilise non seulement la biosphère mais aussi les « déchets » qu’elle produit.
Aujourd’hui, avec Myrrha, en passant de la science nucléaire des isotopes à une « économie isotopique », nos déchets industriels d’hier deviendront les ressources de demain. A condition de disposer de densités énergétiques suffisamment élevées pour les extraire. Alors, l’homme, tel un nouveau Prométhée, s’affranchira une fois de plus de l’esclavage pitoyable du pillage des ressources.
Voir le site web du projet MYRRHA
COMMENTAIRES
Fred - le 17 octobre 2009
Je cite : "permettra aussi « de garantir la disponibilité de lingots de silicium dopé par irradiation, un composant essentiel des circuits électroniques de puissance utilisés dans les applications d’énergies renouvelables (panneaux solaires, éoliennes, etc.) ». "
Nous voilà sauvés ! ... Je ne savais pas que le silicium était une denrée rare pour les panneaux solaires photovoltaïques (deuxième élément après l’oxygène le plus disponible sur Terre). Les pro-nucléaires nous l’apprennent heureusement. Merci à eux.
En plus du silicium dopé par irradiation.. euh, pour quoi faire exactement ? Pouvez-vous nous donner plus d’explications, je serais curieux de les connaître.
En tout cas, nous comptons sur eux pour que cette application prometteuse marche.... nous n’en doutons pas un instant vu les résultats précédents.
A suivre donc...
Erasmus - le 17 octobre 2009
L’électronique est essentielle aux voitures hybrides respectueuses de l’environnement. Le silicium pour les semi-conducteurs doit être d’une qualité exceptionnelle. Seul le rayonnement dans un réacteur peut garantir cette qualité. Le réacteur belge BR2 couvre mondialement près de la moitié des besoins pour ce matériau. De cette façon, il contribue considérablement au succès des véhicules hybrides. Ce silicium de haute qualité est par ailleurs aussi utilisé pour les éoliennes.
Jean-Gabriel - le 17 octobre 2009
quelles perspectives enthousiasmantes !
arcane - le 17 octobre 2009
Le Veritable probleme de l’énergie, n’est pas la production, ou la quantité.
Le véritable probleme concernant les énergies est que le systeme de l’olligarchisme financier d’aujourd’hui refuse l’acces aux populations des energies libres qui existent déja et qui menerait à la gratuité des ces nouvelles energies et impossibilité de controller les populations par l’energie.
Au japon un homme a inventé un moteur electromagnetique utilisant l’inversion des polarités . Ils vont construire 135 milles moteurs pour les moteur de refrigeration, climatisation.
Ce scientifique est capable de construire des moteurs de 200 chevaux pour des aplications dans les transports. Seul le japon passe au niveau industriel de cette production car leur systeme banquaire est indépendant du quartel britanique americain.
Tous les brevets permettant à l’humannité de ne plus dépendre d’un monopole exploitant ont ete soit racheté et enterrés, ou les inventeurs ont ete assassinés.
Le génie de l’homme ne peut s’exprimer dans un tel systeme.
Pierre - le 18 octobre 2009
Dans la mythologie grecque, Myrrha (en grec ancien ????? / Múrra) est la fille de Cinyras (roi de Chypre). Sa légende est contée notamment dans les Métamorphoses d’Ovide.
Cinyras veut marier sa fille, alors que celle-ci est secrètement éprise de lui. Elle tente de mettre fin à ses jours, accablée de honte pour cet amour interdit. Avec l’aide de sa nourrice, elle réussit pourtant à rejoindre le lit paternel. Cinyras découvre un jour avec effroi que le visage de sa maîtresse est celui de propre fille et veut la tuer. Myrrha, enceinte de son père, est abandonnée à elle-même dans les bois où elle erre pendant neuf lunes, implorant les Dieux de la bannir du monde des vivants et de celui des morts. Les Dieux entendent sa prière et la transforment en arbre. La myrrhe serait ses larmes ayant coulé lors de sa transformation. Myrrha accouche d’Adonis par une fente de son écorce.
Pour l’instant, cela ne sent pas la myrrhe et l’encens... chez nos rois mages.
cutcut - le 19 octobre 2009
Cela me rappelle étrangement les louanges d’un certain phoenix.
Alors allons y gaiement, chantons à nouveau le progrès en marche et les lendemains radieux.
Si le projet est séduisant, et surtout s’il tient ses promesses dans un futur proche, j’en serai le premier ravi.
Mais d’ici là, force est de constater aujourd’hui que le nucléaire, ce sont surtout des milliers de tonnes de déchets hautement radioactifs, qui se baladent à la surface de la planète dans un flou peu rassurant.
Et connaissant le haut degré de responsabilisation de nos élites gouvernantes, il n’y a pas de raisons que la sécurisation de ces déchets devienne une priorité dans les mois à venir.
Ainsi, quand le nucléaire aura une solution viable à proposer du début à la fin de la chaîne de production, peut-être que je le soutiendrai, d’ici là, tant qu’on reste dans le domaine des promesses myrrhifiques, cela reste pour moi un moyen de produire de l’énergie à bas-coût au mépris de la santé humaine et des équilibres environnementaux, un exemple type de la production capitaliste.
la truie qui file - le 19 octobre 2009
C’est interessant mais cela risque d’être encore une trouvaille technocratique couteuse et inutile
Monsieur Cheminade devrait peut etre considerer d’autres alternatives ainsi que son eminent mentor
Les progres des sciences c’est tres bien à condition de sortir de l’obscurantisme des dogmes issus de l’époque illuministe dites des "lumières" qui à occulté en realité des pans entiers des sciences expérimentales .
Que sont devenus les recherches sur la fusion froide de Pons et Fleismann ?
La chimie quantique à fait des enormes progres et rejoint les sciences de la vie mais à une condition celle de la conscience alliée à l’humilité .
Des centaines de travaux de physiologistes et de chimistes relatent nombreuses exceptions dans l’application du principe de la stabilité des elements lors de reactions à base température .
Alors il faudrai peut etre commencer par faire le ménage dans les rangs d’institutions scientistes qui interdisent en réalité tout progres veritable dans ce domaine comme dans bien d’autres !
L’avenir de l’humanité passe par l’élévation du niveau de conscience et une véritable ouverture de pensée sinon des solutions provisoires ne changeront rien en temps utile et il semble que le temps devient compté ...
Mes respects
mimiche - le 20 octobre 2009
... le fanatisme idéologique des écologistes, pour qui le combat en vue d’un monde propre est seulement macroscopique. Ils ne se sentent pas concernés par l’écologie micro, càd. atomique ! Ils ne se sentiraient donc pas en accord avec le dogme, qui considère l’atome comme "sâle". Edifiant. Merci pour la mise au point contenue dans cet article.
la truie qui file - le 20 octobre 2009
Mes respects
Nous reprenons ici l’analyse de cette solution qui consiste à coupler un accélérateur de particule à un reacteur nucléaire de fission.
Il faut tout de meme savoir le cout previsible prohibitif d’un tel accélérateur et ses possibilités d’amortissements qui sont pour l’instant absolument hors de propos pour realiser une alternative de production energétique réalisable à grande echelle.
Pendant le temps ou des dizaines de milliard d’euros sont consacrés à ces recherches, il y a plus d’une centaine de chercheurs dans le monde qui obtiennent des resultats en matière de fusion à basse température et ceci par autofinancement dans la lignée de Pons et Fleismann puisque aujourd’hui encore tous les budgets sont consacrés à des projets inutiles basés sur des accelérateurs de particules ou autre projets faussement révolutionnaires tel le projet megajoule ou celui mentionné plus haut .
J’attire encore une fois sur les auteurs ainsi que "Solidarité et Progres"
sur les risque d’une intoxication de leur programmes par des idées scientistes chimériques qui vont à l’encontre de cet idéal qui pourtant dans les grandes lignes prend une bonne direction.
Mais ce genre de détails compte , sinon c’est la cause elle meme qui deviendra rapidement indéfendable !
Pour se donner une petite idée un oeuf de poule est formé de carbonate de calcium . Or pour contrairement à toute attente la poule n’utilise pas du calcium mais du silicium et d’autres elements qui sont transmutés en calcium au sein de l’organisme vivant . Ceci est mentionné par le physiologiste Vauquelin au XVIII eme...
Et il a des centaines d’exemples dans la suite des travaux de Louis Corentin Kevran et qui sont vérifiables avec un minimum de matériel et surtout de bonne volonté et de bonne foi .
Les etres vivants sont capables depuis toujours de realiser une alchimie propre et bien mieux que n’importe quelle installation couteuse.
Ce qui interdit ces recherches c’est le lobby des scientistes et leurs hurleurs/manipulateurs des medias qui se créent des rentes de situation tout comme des prelats des sectes du passé et surtout le fait que l’energie pourrait devenir gratuite et facile à produire pour TOUS LES HUMAINS PARTOUT SUR LA TERRE comme le souhaitais Nicolas Telsa
Et cela naturellement gene beaucoup les promoteurs de l’ultra capitalisme qui veulent seulement le pouvoir et le profit monstrueux pour eux memes et leurs seides quitte à tout detruire et meme eux memes .
La victoire de "solidarité et progres" devrait passer par l’abandon des dogmes issue d’une fausse science qui n’est que la pérénisation d’un nouvel obscurantisme calqué sur les précédents.
ffi - le 20 octobre 2009
Sur ce sujet, il faut absolument regarder les recherches de Georges Lochak (http://www.ensmp.fr/aflb/MEMOS/GLmonopole/GLmonopole.htm) et les expériences qui ont eu lieu en Russie (Recom) : Une décharge électrique dans une feuille de titane crée des neutrinos magnétiquement excités qui, de part leur neutralité électrique peuvent s’approcher autant que possible des noyaux. Dans l’expérience, il est constaté une transmutation des éléments, et la modification des temps de décroissance radioactive. Le grand avantage, c’est que l’expérience en elle-même est simple et miniaturisable (un gros condensateur pour faire une grosse décharge).
Le Canard - le 24 octobre 2009
Je dis bravo ! Il ya longtemps que je pense que la solution du pb des déchets nucléaires est LA.
Bonald - le 31 mars 2020
Parfait ! Quelle relation avec Astrid et la fusion froide ?
Bernard Deham - le 22 mai 2020
Évocation savoureuse du ridicule des écolos dont le manque de connaissances scientifiques se matérialise dans une idéologie dogmatique d’un autre âge. Tout en reconnaissant les aspects positifs de ce projet, je me demande pourquoi les investissements ne se font pas en faveur de la filière réacteurs rapides à sels fondus qui en plus de tous les avantages attribués ici au projet MYRRHA offrent une technologie plus sécurisée, tout d’abord parce que la pression est proche de la pression atmosphérique et que le cœur ne risque pas de fondre, car... il est déjà fondu ! En outre : coefficient thermique modérateur négatif, pas de plan de charge etc.