Attaques chimiques en Syrie : une "fake news" fabriquée à Londres

mercredi 3 juillet 2019

Chronique stratégique du 3 juillet 2019 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

Un document publié le 26 juin démontre que les rapports de l’Organisation pour l’Interdiction des Armes Chimiques (OIAC) accusant le gouvernement syrien d’avoir mené des attaques chimiques contre son propre peuple, notamment à Douma en avril 2018, ont été falsifiés par les mêmes services de renseignement britanniques qui ont fabriqué l’organisation des Casques blancs.

Le document, qui s’intitule « Comment l’enquête de l’OIAC sur l’incident de Douma a été ‘pipée’ », a été produit par le Working Group on Syria, Propaganda and Media, une organisation ad hoc menée par le professeur Piers Robinson de l’Université anglaise de Sheffield.

En se basant sur des documents publics ainsi que sur des échanges entre des membres de l’OIAC excédés par le comportement de leurs supérieurs, le Working Group tire deux conclusions explosives :

  • des liens étroits existent entre certains des enquêteurs de l’OIAC et les Casques blancs ;
  • le gouvernement britannique est impliqué, par le biais des opérations de guerre de l’information, dans la suppression des preuves tendant à contredire le narratif officiel sur la responsabilité du gouvernement de Damas dans les deux principales attaques chimiques survenues au cours de la guerre en Syrie.

Un mois avant la publication du document du Working Group, on apprenait qu’une note technique de l’OIAC avait été supprimée. Elle montrait pourtant que les bonbonnes de gaz ayant soit-disant été utilisées lors de l’incident de Douma en avril 2018 avaient été disposées manuellement sur le site, et non larguées depuis un avion comme l’avait prétendu l’opposition syrienne (voir photo ci-dessus). La conclusion de cette note technique a été « omise » dans le rapport final de la mission d’enquête, document que les auteurs de la note n’ont pas pu consulter avant qu’il soit publié.

Le Working Group cite par ailleurs une note interne ayant circulé parmi les équipes de l’OIAC :

La direction est en train d’examiner le rapport de l’OIAC sur les attaques chimiques supposées à Douma le 7 avril. Dans sa version actuelle, le rapport indique qu’il est très probable que cette attaque présumée soit une mise en scène montée par un groupe de l’opposition. (…) Je pense que l’OIAC ne sera pas autorisée à publier un rapport émettant le moindre doute sur la partie pré-jugée coupable.

Liens entre les enquêteurs et les Casques blancs

La mission de l’OIAC chargée de l’enquête sur cet incident avait été divisée en deux parties, ce qui avait suscité des critiques de la part des Russes. Une première équipe, surnommée « bravo », s’est rendue à Damas afin de travailler avec le gouvernement syrien. La seconde, l’équipe « alpha », s’est rendue en Turquie afin de recueillir les plaintes émises par l’opposition syrienne armée.

Or, il s’avère que l’homme conduisant cette seconde équipe, un certain Len Phillips, entretient des liens étroits avec les Casques blancs. Selon le Working Group, lorsqu’il se trouvait en Turquie, Phillips rencontrait régulièrement James Le Mesurier, le fondateur des Casques blancs. Il existe également des preuves que Phillips était en contact avec au moins l’un des membres des Casques blancs qui se trouvait justement à Douma au moment de l’incident (rappelons-nous des images, très médiatisées, de casques blancs en train de secourir les « victimes » de cette prétendue attaque chimique).

Il apparaît que, dans son rapport d’enquête, Phillips a pris soin d’ignorer ou de travestir tous les éléments suggérant que les incidents du 7 avril 2018 furent une mise en scène, plutôt qu’une véritable attaque chimique.

Ceci plaide en faveur du retrait de l’ensemble des rapports, et pas seulement du rapport final sur l’incident de Douma, et de la réalisation d’une réévaluation indépendante du matériel recueilli, écrivent les auteurs.

Implication du gouvernement britannique

Le Working Group explique qu’en combinant l’ensemble des informations disponibles, il devient clair que plusieurs entités impliquées dans l’enquête sur les prétendues attaques chimiques ont pour origine un programme secret lancé par le gouvernement britannique en 2012.

Dans ce programme, comme dans une production de théâtre à petit budget, les mêmes acteurs réapparaissent dans différents rôles, écrivent-ils. Par exemple, Hamish de Bretton-Gordon apparaît dans le rôle d’agent sous couverture collectant des échantillons à Porton Down, puis comme un expert indépendant sur les armes chimiques cité par les médias et enfin comme fondateur d’une petite entreprise à but non lucratif collectant des preuves pour l’OIAC. Le même personnage est décrit, à partir de 2016, comme un ‘ancien espion’ reconverti en travailleur humanitaire coordonnant un réseau d’hôpitaux. Il est très probable que ce programme ait tenté de coopter les équipes de l’OIAC, en particulier les membres britanniques.

La semaine dernière, l’OIAC a annoncé qu’une nouvelle « équipe d’identification et d’investigation » (ITT), mise en place suite au mécanisme d’attribution imposé en 2018 au sein de l’OIAC en dépit des objections russes [1], était prête à se rendre en Syrie afin d’identifier les « coupables » de l’attaque chimique, comme l’a rapporté Le Figaro/AFP le 28 juin.

Cependant, le directeur-général de l’OIAC Fernando Arias a déclaré que le gouvernement syrien avait refusé de délivrer un visa au coordinateur de l’ITT. D’après le Working Group, la principale responsable de l’enquête est Elise Cote, la seconde secrétaire de l’Ambassade du Canada à la Haye. « Il s’agit de toute évidence d’un conflit d’intérêt, puisque le gouvernement canadien est fortement opposé au gouvernement syrien et qu’il maintient que l’utilisation d’armes chimiques par le gouvernement syrien est un fait avéré pour lequel il doit ‘rendre des comptes’ », affirme le Working Group.

Le 14 avril 2018, la France avait pris la décision de suivre aveuglément les États-Unis et la Grande-Bretagne en lançant des frappes aériennes sur plusieurs sites en Syrie — alors qu’il n’avait été apporté aucune preuve démontrant qu’une attaque chimique avait été perpétrée par le gouvernement de Bashar al-Assad. Compte tenu des révélations du Working Group, le gouvernement français devrait immédiatement demander des comptes à Londres pour cette manipulation évidente, tout en présentant ses excuses auprès du gouvernement et du peuple syriens.

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[1Les États membres de l’OIAC ont décidé en 2018 de donner à l’OIAC le pouvoir d’identifier les auteurs d’attaques chimiques en Syrie. Jusqu’alors, l’OIAC avait seulement le mandat d’enquêter sur l’utilisation ou non d’armes chimique, sans pouvoir investiguer sur les coupables potentiels.