Le 28 juillet, les présidents et dirigeants politiques de la Chine, de la Russie, du Japon, de l’Inde, de la Corée du Sud, de la France et d’autres pays ont salué les participants à la cérémonie de lancement de l’assemblage du réacteur thermonucléaire expérimental international (ITER) à Cadarache (13) près d’Aix-en-Provence.
Dans un long entretien en deux parties avec la chaîne de télévision chinoise Mandarin TV, l’auteur fait le point sur l’origine et l’avancement des coopérations en cours.
En termes de « fusion thermonucléaire contrôlée », de nombreux réacteurs et dispositifs expérimentaux ont permis d’atteindre, de façon séparée, une ou plusieurs des conditions requis d’atteindre le seuil du « break-even » où la quantité d’énergie obtenue sera supérieure à celle injectée.
Le démonstrateur/réacteur ITER vise à réunir, en une seule machine, capable de gérer un plasma par confinement magnétique, la possibilité d’obtenir l’ensemble de ces critères (température, compression, durée de réaction, etc. ), dites « critères de Lawson ». Si l’expérience aboutit où pas, on apprendra énormément de choses nouvelles.
ITER, un enfant très chaud de la guerre froide
Comme le retrace un article historique publié sur son site, le projet ITER (initialement proposé par des scientifiques russes et américains) est l’un des résultats tangibles du « sommet au coin du feu » qui s’est tenu à Genève en novembre 1985 entre Ronald Reagan et Gorbatchev, et qui a permis d’apaiser les tensions de la guerre et d’ouvrir une nouvelle ère dans les relations américano-soviétiques.
À cette époque, le secrétaire général Mikhaïl Gorbatchev et le président Ronald Reagan « ont souligné l’importance potentielle des travaux visant à utiliser la fusion thermonucléaire contrôlée à des fins pacifiques et, à cet égard, ont préconisé le développement le plus large possible de la coopération internationale pour obtenir cette source d’énergie, qui est essentiellement inépuisable, au profit de l’humanité tout entière ».
Onze mois après le lancement de l’initiative sur la fusion lors du sommet de Genève, elle a été confirmée lors du sommet de Reykjavik. Un comité d’initiative quadripartite a été formé avec EURATOM et le Japon, et « la grosse machine » était sur la bonne voie. Bientôt, elle s’appellera ITER.
La machine doit peser 23 000 tonnes et aura un volume de plasma de 830 mètres cubes, bien plus élevé que les tokamaks en service aujourd’hui qui ont un volume de plasma maximum de 100 mètres cubes. Les 35 pays partenaires, qui ont mis en commun leur vaste expertise et leurs ressources, sont l’UE (plus le Royaume-Uni et la Suisse), la Chine, l’Inde, le Japon, la Corée, la Russie et les États-Unis.
-
- La pièce (400 tonnes pour 10,5 m de diamètre) arrivée lundi 8 juin au port de Marseille Fos a été fabriquée en Chine par l’Institut de physique des plasmas/Académie des sciences (ASIPP).
- Crédit : DR
Messages par pays
- JAPON : « Je félicite chaleureusement le projet ITER », a déclaré Shinzo Abe, Premier ministre du Japon. « Je suis convaincu que l’innovation de rupture jouera un rôle clé dans la résolution des problèmes mondiaux, notamment le changement climatique, et dans la réalisation d’une société durable sans carbone ». ;
- CHINE : Dans son message, le président chinois Xi Jinping, selon l’agence de presse Xinhua, a souligné que « les explorations et pratiques actives de ces dix dernières années ont pleinement prouvé que les échanges ouverts sont une voie clé pour explorer les frontières scientifiques ». Notant que « la science n’est pas limitée par les frontières nationales » et que « l’innovation est une entreprise qui ne connaît pas de fin », Xi a déclaré que la coopération scientifique et technologique internationale « est essentielle pour relever les défis mondiaux ». « Le projet ITER incarne le désir humain d’utiliser l’énergie de fusion à des fins pacifiques », a déclaré M. Xi. « Alors que le monde est confronté à de graves défis engendrés par la pandémie du Covid-19, l’humanité a plus que jamais besoin de forger des partenariats et de surmonter les difficultés », a souligné le président chinois ;
- CORÉE DU SUD : Le projet « vise à créer un soleil artificiel », a déclaré le président sud-coréen Moon Jae-in. « Un soleil artificiel est une source d’énergie de rêve ». ;
- INDE : Le Premier ministre indien Narendra Modi, dans une déclaration lue par l’ambassadeur indien en France, a qualifié la collaboration internationale de « symbole parfait de la croyance indienne séculaire ... (que) le monde est une seule famille » ;
- RUSSIE : Sur le site du Kremlin, selon l’agence TASS, Vladimir Poutine a affirmé que « malgré les restrictions liées à la pandémie de coronavirus, il a été possible de maintenir le rythme des travaux requis. Cela permet d’espérer que les objectifs du projet seront atteints dans les délais prévus et que, dans une perspective prévisible, nous obtiendrons une source d’énergie d’une puissance et d’une sécurité uniques, qui contribuera sans aucun doute à résoudre les tâches de développement économique durable et à améliorer la qualité de vie de millions de personnes ». Poutine a également souligné qu’ITER est actuellement le plus grand projet scientifique et technique international et un exemple brillant de coopération multilatérale efficace et mutuellement bénéfique. « Comme vous le savez, la Russie, en tant que l’un des pays fondateurs de cette initiative, qui vise à apporter une contribution importante à la sécurité énergétique de l’humanité, joue un rôle actif dans la mise en œuvre de cette initiative », peut-on lire dans le message. Poutine a souligné que le projet est basé sur le concept du dispositif tokamak, inventé en Russie. Poutine a remercié tous ceux qui ont travaillé sur le projet ITER, et a exprimé une gratitude particulière envers le président français Emmanuel Macron, le dirigeant du pays qui a fourni un site pour le réacteur ;
- FRANCE : Dans un message et lors d’un message vidéo posté sur le site de l’Elysée, Emmanuel Macron, plus enthousiaste que d’habitude, a déclaré :
Il est des moments ou les peuples, les pays du monde choisissent de dépasser leurs différences pour se hisser à la hauteur de l’histoire. Et le lancement, aux milieu des années 2000, du projet ITER, est de ceux-là. ITER c’est une promesse de paix. Les Etats-Unis, la Russie, la Chine, le Japon, l’Europe, l’Inde et la Corée, mettant à disposition leurs plus grands scientifiques, leur meilleur savoir-faire pour le bien commun de l’humanité. C’est la preuve que le meilleur qui rassemble les hommes et les Etats, est plus fort que ce qui les divise.
ITER, c’est une promesse de progrès, de confiance dans la science, et c’est d’ors et déjà une prouesse scientifique et technologique. Imaginez que l’expérience soit concluante, qu’elle puisse demain trouver des applications industrielles. Nous aurons mis au point là une énergie non-polluante, décarbonée, sûre et pratiquement sans déchets, qui permettra de répondre tout à la fois de répondre aux besoins de tous les zones du globe que de relever le défi climatique et de préserver les ressources naturelles. Avec la fusion, le nucléaire peut être une filière d’avenir, encore plus qu’il ne l’est déjà.
ITER, c’est précisément un acte de confiance en l’avenir. Les plus grandes avancées de l’histoire ont toujours été des paris, des parcours semés d’embûches. Au départ on pense toujours que les obstacles seront plus fort que la volonté de faire avancer et ITER renoue avec cet esprit de découverte, d’ambition. Avec cette idée que grâce à la science, demain, en effet, peut être meilleur que hier. C’est pourquoi que je suis fier que notre pays accueille ce projet pour l’avenir de l’humanité. ITER, en latin, signifie « le chemin ». La France, dans une Europe forte, entend à nouveau être de ces forces qui tracent pour le monde un nouveau chemin, un chemin de prospérité, un chemin de progrès, pour tous. »
Du côté américain, il n’y a pas eu de déclaration jusqu’à présent, mais l’agence de presse Associated Press remarque « qu’il n’y avait aucun signe de la discorde aiguë qui règne actuellement entre les États-Unis et la Chine, et entre l’Inde et la Chine.
# RICHARD
• 20/10/2020 - 18:20
Voir les choses en grand et réaliser des projets concrètement
Répondre à ce message