Dans un geste de rejet, par une partie de l’establishment britannique, de la politique de guerre, de « choc de civilisation » et de soutien au terrorisme, le Sunday Times a publié le 18 janvier un article concernant le projet de remise en eau du lac Tchad, présenté comme antidote à l’expansion du mouvement djihadiste Boko Haram.
L’auteur de l’article, Miles Amoore, est le correspondant du quotidien pour le continent africain. Il avait été auparavant correspondant de guerre auprès des troupes britanniques déployées en Afghanistan, et avait suivi les rebelles libyens avant de se consacrer à Boko Haram.
Amoore écrit :
Le transport de milliards de mètres cubes d’eau dans un lac africain en voie de disparition peut sembler être une drôle de solution pour affaiblir l’un des groupes terroristes les plus brutaux de ce monde. Certains experts estiment pourtant qu’un projet ambitieux pour la construction d’un canal de 1500 kilomètres de long au cœur de l’Afrique, pour inverser l’une des pire catastrophes écologiques des temps modernes, pourrait aussi freiner l’influence de Boko Haram.
Au cours des cinquante dernières années, le lac Tchad, anciennement le troisième plus grand d’Afrique, a vu sa surface réduite de 90 %, détruisant la vie d’un grand nombre des 30 millions de gens qui en dépendaient pour la pêche, l’agriculture et les activités de pâturage. Des experts affirment que ceci a contribué à transformer les anciennes rives du lac en terres fertiles de recrutement pour Boko Haram, le groupe djihadiste meurtrier qui a entrepris de se créer un califat dans le nord-est du Nigeria.
’’Le rétrécissement du lac Tchad a affecté la vie de millions de gens dans la région ; des gens qui doivent se tourner vers d’autres activités pour survivre’’, a expliqué Jacob Zenn, un expert sur Boko Haram à la Jamestown Foundation, un groupe de réflexion domicilié aux Etats-Unis. ’’Il est hautement probable que ces gens ont rejoint les rangs de Boko Haram. Si vous donnez de quoi vivre à des gens qui ont perdu leur moyen de survie, vous éliminerez l’un des facteurs clé permettant aux rebelles d’exister’’.
Amoore décrit ensuite, sans le nommer, le projet Transaqua. « Il y a un faible intérêt dans les capitales occidentales pour financer la construction d’un canal, qui pourrait s’étendre de la République démocratique du Congo (RDC) jusqu’au lac Tchad, par la République centrafricaine. Le projet coûterait des milliards de dollars et sa construction exigerait de nombreuses années. Alors que l’intensité des attaques de Boko Haram va en s’accroissant, des responsables cherchent désespérément une solution à la rébellion. »
Après avoir décrit les dernières atrocités commises par le groupe terroriste, dont le massacre de 2000 personnes début janvier dans les villages de Baga et Doron Baga, sur les rives du lac Tchad, l’auteur conclut :
De nombreux experts pensent qu’une intervention militaire va échouer et qu’une solution à long terme basée sur le développement des régions les plus affectées par la rébellion est nécessaire. Indiquant peut-être une tentative désespérée de trouver une solution, la remise en eau du lac Tchad apparaît comme une proposition de plus en plus séduisante.
’’Il n’y aucune chance pour que ce problème de terrorisme soit résolu par des moyens militaires’’, a déclaré Lawrence Freeman, vice-président du sous-comité scientifique de la Commission du bassin du lac Tchad (CBLT). ’’Le canal est l’un des moyens permettant de contrer Boko Haram. Si vous placez les gens dans des situation désespérées, ils vont chercher des moyens désespérés pour survivre. C’est ce que l’on voit dans la région.’’
Soulignons également que Lawrence Freeman, qui est également rédacteur à la revue Executive Intelligence Review, a été aussi sollicité par la BBC pour une courte entrevue.
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