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Une lame de fond pour la séparation des banques met Obama en porte-à-faux

18 mai 2012, 14:42, par Go

Bonjour,

Voici un article de Paul Jorion que je trouve intéressant et qui désigne une autre voie pour réguler la finance :

Le 15 septembre 2008, la banque d’affaires américaine Lehman Brothers fait faillite. Quelques jours plus tard, les « money markets », le marché des prêts interbancaires à court terme, s’effondrent. On ne sait pas combien exactement les banques centrales mondiales durent débourser conjointement pour stopper l’hémorragie mais le chiffre avoisine les mille milliards de dollars.

Le nouveau mot d’ordre fut bien sûr : « Plus jamais ! » On inventa un surnom pour désigner les établissements financiers susceptibles d’entraîner dans leur perte celle du système financier tout entier : « Too Big to Fail », trop grosses pour faire défaut. On les appela aussi de manière plus solennelle : « institutions financières importantes d’un point de vue systémique ».

On avait eu très peur mais la solution allait de soi : il fallait démanteler ces établissements susceptibles d’entraîner le système économique et financier dans leur chute.

Qu’a-t-on fait depuis ? Rien !

On a bien tenté initialement d’empêcher qu’une telle tragédie ne se reproduise mais tous les efforts ont été vains : un nombre infini de bâtons ont été mis dans les roues du Dodd-Frank Act, le projet américain de réglementation financière, long de 2.300 pages, puis l’on a entrepris de détruire avec méthode tout ce que le texte contenait.

Dans un article paru ce mois-ci dans la revue américaine Rolling Stone, le journaliste Matt Taibbi a dressé l’inventaire navrant de la déconstruction : accumulation des exceptions affaiblissant les mesures envisagées, suppression des budgets de fonctionnement des organes de régulation, collusion de régulateurs individuels avec les adversaires de la loi, actions en justice intentées par les milieux financiers contre tous les aspects du projet, recours divers visant à retarder indéfiniment sa mise en application, vote de nouvelles lois visant à vider de toute substance le peu qui subsiste, retraits des contributions aux campagnes électorales des parlementaires et sénateurs impliqués dans le projet, etc.

Taibbi termine son article sur une note désabusée : « Voilà le problème qui sous-tend toute tentative de mettre Wall Street au pas : notre système politico-économique est devenu trop intriqué et incontrôlable pour que la logique démocratique puisse encore jouer ».

Pourquoi la finance torpille-t-elle des mesures visant à empêcher l’écroulement du système financier tout entier ? Parce que la survie de celui-ci sur le long terme ne fait pas partie de son horizon, qui est le plus souvent uniquement celui du bénéfice immédiat. Comme le dit le scorpion : « Me préoccuper du cadre n’est pas dans ma nature ! », et du coup, le suicide accidentel n’est pas à écarter.

Y a-t-il une solution ? Oui, bien sûr, et elle crève les yeux, implicite au fait que le Dodd-Frank Act fait 2.300 pages : c’est sa taille-même qui en a fait un château de cartes.

Par exemple, quand Taibbi observe qu’« Un marché non-régulé des produits financiers dérivés permet […] à Wall Street de placer des taxes invisibles sur tout ce qui existe dans le monde », il ne se trompe pas. Pour empêcher cela, il suffit de restaurer les quelques articles de loi qui interdisaient autrefois la spéculation (abrogés en Belgique en 1867 et en France, en 1885). Ou, mieux encore : créer un article unique dans une Constitution pour l’économie affirmant sans détours : « La spéculation est interdite ».

Mille pages au moins du Dodd-Frank Act remplacées par une seule phrase de quatre mots, et sans finasseries possibles dues à des ambiguïtés ! Qui dit mieux ?

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