Le projet Blair-Bush qui a porté Al-Qaïda au pouvoir en Syrie

mercredi 28 mai 2025

Nous publions ici notre traduction de la tribune dévastatrice de la journaliste indépendante Vanessa Beeley, qui détaille l’implication des réseaux britanniques, notamment sous la houlette de l’ancien Premier ministre Tony Blair (l’un des principaux instigateurs des mensonges ayant justifié la guerre d’Irak en 2003), dans le coup d’État de décembre 2024 qui a porté Al-Qaïda au pouvoir en Syrie.

Sans oublier les réseaux français qui ont pu bénéficier de la « modeste » participation des gouvernements français de Hollande puis de Macron à cette opération.

Par Vanessa Beeley

Source : UK Column, 27 mai 2025

« Le traité Sykes-Picot est en train de s’effondrer ; le reconstruire, même sous une forme différente, sera une affaire longue et sanglante. » C’est ce qu’écrivait Tim Marshall en 2016 dans son livre Dix cartes qui vous disent tout ce que vous devez savoir sur la politique mondiale – véritable éloge du redécoupage des frontières européennes et britanniques, notamment au Moyen-Orient (Asie occidentale).

La Syrie a résisté pendant des décennies aux opérations clandestines du MI6 et de la CIA visant à remodeler l’histoire d’une nation souveraine, symbole de cette érosion des frontières Sykes-Picot tracées en 1916. Cet accord secret divisait l’Empire ottoman en sphères d’influence britannique et française. Ces frontières furent tracées sans respect des frontières ethniques, tribales et religieuses de la région, ce qui allait engendrer une instabilité et des conflits orchestrés pendant un siècle.

Myriam Charabaty, universitaire et journaliste arabe, a déclaré à propos de la fin de Sykes Picot :

« La montée de la résistance en Palestine, au Liban, en Irak et au Yémen a démantelé les frontières coloniales de Sykes-Picot, forgeant une identité commune et unifiant les fronts. L’Occident, prévoyant qu’une Résistance islamique rejetterait la carte fragmentée de la région, a lancé les ‘Printemps arabes’ pour reconfigurer les rôles au-delà de Sykes-Picot. »

La chute de la Syrie a pris 14 longues et sanglantes années. On estime qu’un million de Syriens ont péri pendant ces longues années de guerre contre les forces terroristes mandatées par les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Union européenne, la Turquie, les États arabes du Golfe et Israël.

La majorité de ces Syriens étaient des soldats de l’armée arabe syrienne qui ont donné leur vie pour défendre leur pays contre le projet takfiriste fomenté par le Royaume-Uni et les États-Unis après le 11 septembre, en défense d’Israël.

La guerre de changement de régime contre la Syrie trouve son origine dans l’action du Premier ministre britannique mondialiste Tony Blair et du président George W. Bush. Elle peut également être attribuée à la « Doctrine de la rupture pure (clean break) », un document stratégique de la CIA pour Israël, rédigé en 1996 et qui précisait :

« Israël peut façonner son environnement stratégique, en coopération avec la Turquie et la Jordanie, en affaiblissant, en contenant, voire en faisant reculer la Syrie. Cet effort peut se concentrer sur l’éviction de Saddam Hussein du pouvoir en Irak, un objectif stratégique israélien important en soi, afin de contrecarrer les ambitions régionales de la Syrie. »

Comme l’a déclaré Pat Buchanan, conseiller spécial des présidents américains Nixon, Ford et Reagan : « Dans la stratégie Perle-Feith-Wurmser, l’ennemi d’Israël reste la Syrie, mais la route de Damas passe par Bagdad. »

En 2017, le Dr Piers Robinson a rédigé un article intitulé « Leçons tirées du rapport Chilcot : propagande, tromperie et la ‘guerre contre le terrorisme’ ». Il y écrivait :

« En outre, en se basant sur les communications entre le Royaume-Uni et les États-Unis au lendemain immédiat du 11 septembre, le rapport Chilcot fournit également des preuves suggestives mais très significatives d’une politique géostratégique plus large et secrète, incluant des actions contre la Syrie et l’Iran, et qui était soutenue par une ‘campagne de propagande étroite’. »

Robinson fait également allusion aux communications Bush-Blair, après le 11 septembre, qui pointent la déstabilisation de la Syrie comme dernier recours, si tous les efforts pour rallier le pays et le séparer de l’Axe de la Résistance échouaient :
(Communications Bush-Blair)

En décembre 2024, nous assistons à la chute définitive de Damas, la capitale syrienne, après une avancée rapide des forces terroristes sous contrôle turco-israélien, sous la direction secrète du Royaume-Uni et des États-Unis.

La prétendue « guerre contre le terrorisme », née des événements tragiques du 11 septembre orchestrés par l’État profond américain, a culminé avec la prise de contrôle de la Syrie par le terrorisme. Al-Qaïda règne désormais en Syrie, menant des pogroms de nettoyage ethnique contre toutes les minorités et les communautés musulmanes sunnites qui rejettent les politiques obscurantistes de l’alliance des colons takfiris.

La Syrie laïque et inclusive, qui a résisté au néocolonialisme pendant toute son existence depuis son indépendance du mandat français en 1946, est maintenant, du moins temporairement, jetée aux ravages de l’Empire – turc, russe, israélien, américain, britannique et des États arabes du Golfe qui sont indirectement liés aux États-Unis et à Israël.

Face à la perte irrémédiable des accords Sykes-Picot, la France et la « Grande-Bretagne mondiale » [« Global Britain », selon la doctrine impérialiste imaginée par l’ancienne Première ministre Theresa May] s’efforcent de restaurer l’ordre colonial. Les frontières, remises en cause par la montée de l’Axe de la Résistance avant même le 7 octobre, doivent être rétablies ou redéfinies pour que ces deux puissances coloniales en déclin puissent maintenir leur influence dans la région.

L’armée française est présente en Syrie. Les Contras kurdes ont suggéré que les troupes françaises pourraient servir de tampon entre l’expansion néo-ottomane d’Erdogan et le projet de région autonome kurde soutenu par les États-Unis et Israël.

Parallèlement, l’Autorité générale des ports terrestres et maritimes d’Al-Qaïda en Syrie a récemment signé un protocole d’accord stratégique avec la société française CMA CGM, pour la création et l’exploitation de « ports secs » dans la zone franche syro-jordanienne et la zone industrielle d’Adra, au nord-ouest de Damas. CMA CGM a également renouvelé son contrat de modernisation et d’extension du port syrien de Lattaquié pour les 30 prochaines années.

La France a également ses racines dans la région côtière de la « Nouvelle Syrie », sous mandat Sykes-Picot, et voit très certainement un potentiel dans la restauration d’un État indépendant pour les trois millions d’Alaouites en Syrie, sous contrôle français. Le nettoyage ethnique et le massacre des Alaouites par les Joulanis (Ahmed Al-Charaa) depuis le coup d’État de décembre 2024 servent cet objectif.

Les Britanniques ont cependant adopté une ligne beaucoup plus directe pour protéger leurs intérêts en Syrie après le coup d’État international qui a installé Al-Qaïda au palais présidentiel.

La Grande-Bretagne mondiale saisit l’opportunité de rétablir les frontières Sykes-Picot
Le 12 mai, l’ancien ambassadeur des États-Unis en Syrie, Robert Ford, a donné une conférence au Baltimore Council on Foreign Affairs : « Les rebelles syriens ont gagné, et maintenant ? » Il y explique comment, en 2023, il a été invité par une « organisation non gouvernementale (ONG) britannique spécialisée dans la résolution des conflits » pour « les aider à sortir cet homme [Jolani] du monde terroriste et à l’intégrer à la vie politique ».

Selon Ford, il a effectué deux voyages avec l’ONG britannique en mars et septembre 2023, puis, en janvier 2024, après le coup d’État, il a accompagné une ONG britannique à Damas et a rencontré, à nouveau, Jolani.

Extrait d’Independant Arabia :
« Des sources bien informées ont révélé à Independent Arabia que l’organisation britannique qui a fourni un soutien politique et une formation au président syrien Ahmad al-Sharaa est Inter-Mediate, basée à Londres. L’ancien ambassadeur des États-Unis en Syrie, Robert Ford, a indiqué plus tôt ce mois-ci avoir collaboré avec cette organisation pour conseiller al-Sharaa, près de deux ans avant le renversement du régime de Bachar al-Assad. »

Ford a hésité à nommer l’ONG britannique, peut-être à juste titre. Plusieurs médias régionaux ont repris l’information et identifié l’organisation.

Inter-Mediate (IM) a été fondée en 2011 par Jonathan Powell, ancien chef de cabinet de l’ancien Premier ministre britannique Tony Blair, reconnu comme l’architecte de la guerre de changement de régime contre la Syrie, aux côtés de George W. Bush.

Le rôle joué par Powell dans le soutien de Blair et les discours sur les armes de destruction massive qui ont conduit la Grande-Bretagne à la guerre contre l’Irak est bien connu.

Le Spectator  a récemment publié un article dans lequel il est écrit :
« [Powell] est l’un des rares hauts responsables de la guerre en Irak à avoir réussi à revenir dans les coulisses – et sur les canapés – du pouvoir. L’histoire montre qu’il doutait des armes de destruction massives irakiennes, mais qu’il pensait que Saddam Hussein devait partir ‘car c’était un dictateur impitoyable opprimant son peuple’. »

Il s’agissait, comme Blair l’a appelé, d’« interventionnisme libéral », qui appelait l’Occident à « s’impliquer activement dans les conflits des autres ».

En novembre 2024, moins d’un mois avant le coup d’État d’Al-Qaïda en Syrie, Keir Starmer a invité Powell à devenir son conseiller à la sécurité nationale. Six jours avant la chute de Damas, Powell a quitté le MI pour occuper son poste à la sécurité nationale sous la direction de Starmer. Nombreux sont les rapports faisant état de l’influence de Blair sur Starmer depuis son élection. Cette décision pourrait donc avoir été prise sous l’égide de Blair, conformément à sa feuille de route pour la Syrie.

Hyperlien pour les rapports faisant état de l’influence : https://foreignpolicy.com/2024/07/03/starmer-labour-blair-election-britain-tories-optimism/

Le cofondateur et conseiller principal d’IM n’est autre que Martin Griffiths. En 2023, il a été rapporté qu’IM bénéficiait d’un lien étroit avec le MI6 (service de renseignement militaire britannique) et le ministère des Affaires étrangères.

Non seulement IM a reçu un financement du ministère britannique des Affaires étrangères évalué à 4 millions de livres sterling entre 2011 et 2020, mais il existe des preuves tangibles que Powell a communiqué à Hillary Clinton les liens de l’organisation avec le MI6 en 2012, juste après le début des opérations de changement de régime menées par les États-Unis et le Royaume-Uni contre la Syrie.

En 2012, Powell a informé un haut conseiller de Clinton que IM « travaillait en étroite collaboration avec le Foreign and Commonwealth Office (FCO), le NSC (Conseil national de sécurité) et le SIS (Service de renseignement secret) à Londres ».

Il a également informé Clinton que IM organisait des « canaux secrets entre les insurgés et les gouvernements », ajoutant que les travaux ultérieurs venaient de commencer en Syrie, au Yémen, en Somalie et en Birmanie.

Powell a rencontré le chef de cabinet adjoint de Clinton, Jake Sullivan, qui lui a déclaré : « Al-Qaïda est de notre côté en Syrie. »

Non seulement IM, une prétendue ONG, a reçu des fonds du gouvernement britannique et d’autres gouvernements, mais c’est aussi une organisation composée d’anciens agents du MI6 et de forces spéciales militaires.

Il est donc clair que le rôle de Powell a débuté avec Tony Blair et s’est étendu tout au long de la guerre néocoloniale britannique contre la Syrie, pour finir avec Starmer, qui a présidé, de manière plutôt ignominieuse, à la mise en œuvre finale de la prise de pouvoir par Jolani et Al-Qaïda et au renversement d’Assad.

Le rôle de Powell est de normaliser la junte d’Al-Qaïda dans l’opinion publique, de poursuivre la politique coloniale britannique et d’asseoir l’influence britannique dans la région pour les décennies à venir.

Comme l’a déclaré Charabaty :

« La dissuasion israélienne ayant été brisée le 7 octobre et Damas tombée aux mains d’al-Jolani, la Grande-Bretagne a vu une opportunité de reconquérir son influence. Si les États-Unis parviennent à affaiblir la résistance, le Royaume-Uni pourrait s’implanter durablement en Syrie, s’étendre dans certaines régions d’Irak et peut-être d’Égypte, où les Frères musulmans ont longtemps entretenu des liens avec la Grande-Bretagne, jusqu’à ce que les martyrs de Gaza la redéfinissent en s’unissant sous l’égide des brigades Al-Qassam. »

Le 19 février 2025, The National rapporta la rencontre discrète de Powell avec l’administration de la « Nouvelle Syrie », dirigée par l’ancien agent de Daech et d’Al-Qaïda, Jolani. On peut supposer qu’il s’agissait du voyage mentionné par Ford, qui a eu lieu en janvier. Le rapport détaille l’influence exercée par le Royaume-Uni en Syrie post-Assad, grâce à un réseau complexe de connexions politiques, à des opérations soi-disant caritatives et à une diaspora de retour, « bien connectée ».

Cen’est pas une nouveauté pour ceux qui suivent le rôle britannique dans la déstabilisation de la Syrie depuis 2011.

Le frère de Powell, Lord Charles Powell, est administrateur de la Fondation Said, créée par l’homme d’affaires et philanthrope anglo-syrien Wafic Said. Selon The National, ce dernier a rencontré Jolani à Damas, lors de la convergence des protagonistes du changement de régime et de la guerre vers la capitale syrienne en janvier.

En 2018, j’ai coécrit une série d’articles avec l’auteure et journaliste Whitney Webb, explorant le complexe caritatif instrumentalisé par les Britanniques contre le gouvernement syrien. Nous avons découvert l’alliance entre Ayman Asfari, un obscur homme d’affaires syro-britannique entretenant des liens privilégiés avec le régime britannique et le roi Charles, et la Fondation Said :

« En mai 2016, la Fondation Asfari (dont nous avons parlé dans la première partie de cette série) s’est associée à la Fondation Said pour collecter des fonds en faveur de l’appel ‘Hands Up for Syrie’. Les Fondations Asfari et Said ont égalé les 3,997 millions de livres sterling générés pour ‘des millions de jeunes enfants’ privés d’éducation pendant les sept années de conflit en Syrie. Parmi les intervenants figuraient le Premier ministre britannique de l’époque, David Cameron, David Miliband, président-directeur général du Comité international de secours, et l’actrice Cate Blanchett, ambassadrice de bonne volonté du HCR. Le prince Charles a envoyé un message vidéo soulignant l’importance de l’éducation pour la reconstruction de la Syrie. »

Le National souligne que les liens de Powell avec la Fondation Said lui ont permis d’acquérir une connaissance approfondie de la Syrie grâce aux renseignements recueillis par cette dernière. Il est confirmé que Powell avait établi des contacts secrets avec Al-Qaïda, rebaptisée HTS, avant son arrivée au pouvoir. Ces contacts étaient gérés, en pratique, par messagerie instantanée.

Powell aurait rencontré Jolani dès 2021, deux ans avant que Ford soit invité à contribuer à la formation de l’ancien terroriste de l’EI. C’est la même année que PBS Frontline a diffusé son documentaire « The Jihadist ».

Ce fut l’une des premières tentatives de présenter Jolani comme un adversaire politique plutôt que comme un représentant du terrorisme sectaire.

Hamish De Bretton Gordon, un autre agent du MI6 présumé, présent à Damas immédiatement après le coup d’État, s’est rendu au nouveau ministère de la Santé et a mis en avant le rôle des Casques blancs, incubés par la CIA et le MI6, dans la gestion des services d’urgence à l’échelle nationale. Et ce, malgré les accusations restées sans réponse portées contre l’organisation, accusée de participation aux crimes perpétrés par Al-Qaïda contre le peuple syrien, y compris le trafic d’organes et l’enlèvement d’enfants, l’organisation d’attaques à l’arme chimique, le vol et le meurtre. Gordon a préféré annoncer que « la Grande-Bretagne est particulièrement bien placée, grâce à la diaspora anglo-syrienne, pour faire une réelle différence, et l’ouverture de l’ambassade britannique à Damas est urgente [souligné par l’auteur]. »

L’auteur et journaliste français Georges Malbrunot a écrit un article pour Le Figaro sur l’implication d’IM dans la campagne de recrutement de Jolani et sur l’attention plus récente accordée aux membres « réformés » d’Al-Qaïda de la nouvelle junte syrienne, notamment le ministre des Affaires étrangères par intérim Asaad Hassan al-Shibani, l’un des fondateurs d’Al-Qaïda en Syrie. Selon Malbrunot, « à Damas, une employée d’Inter Mediate parlant arabe et farsi, Lucy Stuart, conseille M. Chibani, selon un responsable syrien qui a présenté sa carte ».

Stuart, coachée par Powell et les services de renseignement britanniques, a-t-elle organisé l’interview plutôt embarrassante de Shibani par Tony Blair à Davos ? Blair passe sous silence la recrudescence du nettoyage ethnique et le massacre des alaouites, des chrétiens et des factions anti-takfiri en Syrie, perpétrés par HTS et ses mercenaires étrangers. Marque-t-il ainsi son territoire en Syrie en tant que chef d’orchestre machiavélique des événements qui ont facilité l’ascension d’Al-Qaïda au pouvoir ? Il semble bien que oui.

Charabaty a également évoqué le potentiel de la « Nouvelle Syrie » pour renforcer la Jordanie, État vassal anglo-américain de longue date dans la région. 

« Un bastion britannique à Damas pourrait également stabiliser ou remplacer une Jordanie en déclin, propulsant le poste de commandement arabe britannique au cœur du monde arabe, ancienne colonie française devenue bastion de la Résistance pendant des décennies. »

Ce commentaire est renforcé par la visite de Powell en Jordanie le 14 mai et son entretien avec le roi Abdallah et le prince héritier Hussein. Au cours de cette rencontre, le roi a souligné les liens profonds entre les deux pays, susceptibles de déboucher sur une coopération renforcée, notamment dans le secteur de la défense.

La Grande-Bretagne a été félicitée pour avoir maintenu la stabilité dans la région, mais c’est tout le contraire. Elle a utilisé l’orientalisme pour façonner la perception occidentale d’un Moyen-Orient arriéré et irrationnel, et pour justifier les ravages colonialistes britanniques dans tous les pays où elle a exercé son influence. L’héritage britannique dans la région est la naissance du projet sioniste, qui a conduit à des décennies d’effusions de sang et d’instabilité.

La Jordanie a également exprimé ses craintes quant au possible déplacement des Palestiniens, probablement dans l’espoir que le Royaume-Uni serait en mesure d’empêcher l’exode des réfugiés palestiniens vers la Jordanie, une idée lancée par le président Trump et les génocidaires sionistes.

Il convient de noter que, dans un média régional, Jolani a affirmé que les déclarations de Ford concernant ses rencontres avec lui à partir de 2023 étaient « infondées ».

On ne comprend pas vraiment pourquoi Jolani pourrait nier ces informations. Ford est connu pour être un allié de longue date des « escadrons de la mort » syriens et un promoteur du changement de régime en Syrie. Il a fui la Syrie en 2011 après avoir été assailli à plusieurs reprises par des citoyens ordinaires qui l’avaient vu inciter aux manifestations « pacifiques » à travers le pays.

Il se peut que Jolani tente de dissimuler l’implication évidente du MI6 dans sa refonte et son adhésion à la direction non élue du pays, alignée sur Israël et l’Occident. « La présidence syrienne a également indiqué que le diplomate à la retraite était parti d’une délégation d’un organisme britannique de recherche et de conseil [et non d’IM, note de l’auteur]. »

Quelle qu’en soit la raison, les mains qui manipulent Jolani sont désormais exposées dans toute leur gloire significative, et il ne fait aucun doute que la Grande-Bretagne a dirigé les opérations de renseignement contre la Syrie depuis le début.

La prise de la « Nouvelle Syrie » par l’armée britannique

J’ai récemment fait état de l’apparition d’au moins une entreprise militaire privée britannique en Syrie, immédiatement après la chute de Damas. Emerald Solutions s’est parfaitement intégrée au soutien du régime de Jolani, sans jamais attirer l’attention sur les multiples crimes commis par lui et les factions terroristes sous son commandement, avant et après la fuite d’Assad en Russie. Cette démarche s’inscrit dans le projet Blair-Bush de normalisation des relations avec les dirigeants et l’armée terroriste de Jolani.

C’en est arrivé au point où, le 19 mai, la Grande-Bretagne a salué la prétendue création de commissions de justice transitionnelle et de recherche des personnes disparues en Syrie. Compter sur HTS pour enquêter sur ses propres crimes contre le peuple syrien depuis 2024, et pendant les 14 années précédentes, revient à compter sur le régime sioniste pour enquêter sur le génocide des Palestiniens à Gaza et dans les territoires occupés depuis 1948. C’est absurde. En fait, depuis que les Britanniques ont renouvelé leur intérêt et leur implication dans la Nouvelle Syrie, les crimes des milices de Jolani n’ont cessé d’augmenter.

La semaine dernière, dans UK Column News, nous avons examiné la visite de l’attaché militaire britannique, le lieutenant-colonel Charles Smith, à Damas. Selon les rapports de cette visite, la Grande-Bretagne cherche à établir une coopération militaire et de défense avec Al-Qaïda. Une coopération qui sera bénéfique à Israël et permettra de prévenir toute menace takfiri à la sécurité nationale israélienne à l’avenir.

Elle offre également au Royaume-Uni l’occasion de se réinsérer dans la région, de redessiner les lignes Sykes-Picot pour servir les plans de politique étrangère du Grand Israël et de l’alliance États-Unis/Royaume-Uni/États du Golfe dans la région, d’isoler l’Iran et, éventuellement, d’empêcher la consolidation russe dans la région côtière où se trouvent les réserves de gaz du Levant.

Ce n’est peut-être pas un hasard si des factions terroristes soutenues par la Turquie ont lancé de graves attaques contre la base russe de Hmeimim peu après la visite de Smith à Damas. L’animosité historique de la Grande-Bretagne envers la Russie a toujours été un facteur déterminant de la campagne de déstabilisation contre la Syrie, bien plus que celle des États-Unis.

Le secrétaire d’État de Trump, Marco Rubio, menace d’une guerre civile « épique » en Syrie, utilisant peut-être les factions restantes de l’Armée syrienne libre et Daech pour défier le leadership de Jolani tout en protégeant les forces Contra kurdes américaines dans le nord-est. La Grande-Bretagne se positionne-t-elle à la tête d’un nouvel État client militaire ou politique, sous l’autorité de l’Occident ?

Quelle que soit l’évolution des événements en Syrie, une chose est sûre : la Grande-Bretagne porte une énorme responsabilité pour chaque vie perdue en Syrie depuis 2011 et au cours des années précédentes, alors qu’elle interférait dans les affaires intérieures d’une nation souveraine qui refusait de s’agenouiller devant l’impérialisme britannique et éliminait les lignes Sykes-Picot en résistant au Grand Israël et à l’ingérence lâche de l’Occident.

Comme l’a également déclaré Rubio, « lorsque la Syrie est instable, la région le devient aussi ». L’Occident n’a jamais hésité à créer de l’instabilité dans la région et l’a générée au nom d’Israël. Ce que Rubio veut dire en réalité, c’est que la Syrie doit être stabilisée d’une manière qui soit compatible avec la sécurité nationale d’Israël. Elle ne doit pas être autorisée à exister comme plaque tournante de l’Axe de la Résistance et comme pont terrestre. Elle doit devenir un État client de l’Occident, normaliser ses relations avec Israël et se vendre aux pots-de-vin du Fonds monétaire international et des États arabes du Golfe, jusqu’à devenir un autre État régional sans pouvoir ni direction.

Comme l’a déclaré la journaliste libanaise Marwa Osman :
« Après des années de feu et de sang, la Syrie se voit offrir une ‘bouée de sauvetage’ par ceux-là mêmes qui ont tenté de l’étrangler. Le Trésor américain vient d’annoncer gracieusement une suspension de 180 jours des sanctions du César Act… car apparemment, c’est le temps qu’il faut pour céder totalement sa souveraineté. Il ne s’agit pas de diplomatie. Il s’agit de récupérer des avoirs. Le même Occident qui a échoué à renverser la Syrie militairement la reprend maintenant par le chantage… et il se trouve qu’il a préparé al-Jolani à ce rôle principal depuis le début. Et au cas où ce ne serait pas clair : 180 jours est la date limite : normaliser ou être à nouveau sanctionné. Résistance ou localisation d’un État. »

Jolani a déclaré dans une interview donnée en 2015 : « Nous voulons d’abord couper les bras à l’Iran (les groupes de résistance) dans cette région, puis, lorsque cela sera nécessaire, nous entraînerons la guerre sur le sol iranien, à l’intérieur. L’Iran est assis sur un volcan sur le point d’exploser [souligné par nous]. » Jolani est un agent avéré de la CIA et du MI6. Ses intentions ne sont pas les siennes propres, mais celles de ses agents ; nous devons donc y prêter attention.

Pour l’instant, le changement de régime Blair-Bush est en bonne voie. La Syrie est déchirée par les puissances prédatrices qui ont pris ce pays pour cible depuis la création de l’État colonisateur sioniste dans la région. Ce projet sioniste visait à semer la discorde entre l’Égypte et la Syrie, afin d’empêcher toute ambition pan-arabiste et toute liberté face à l’accommodement des ressources par l’Occident. Nous sommes à un tournant de l’histoire qui pourrait basculer dans un sens ou dans l’autre.

Myriam Charabaty nous rappelle qu’« aujourd’hui, l’ordre mondial tout entier lutte contre un groupe d’individus organisés, convaincus qu’ils libéreront inévitablement leur peuple au prix de leur sang, se rangeront du côté des justes et refuseront d’être esclaves de qui que ce soit [souligné par l’auteur]. »

Comme l’a dit le célèbre historien Ilan Pappé, la région traverse une longue nuit. Si l’alliance sioniste est si brutale et si rapide dans sa progression, c’est parce qu’elle a vu venir sa fin. Le projet échoue ; il est démantelé de l’intérieur et de l’extérieur par une série de « processus discrets ». Si ces processus discrets s’unissent, ils deviendront une force puissante, peut-être capable de mettre fin au projet sioniste et à ses ramifications de terrorisme par procuration dans la région et au-delà.

Un monde d’équité pour les Palestiniens peut sembler utopique, face aux massacres qui nous sont retransmis en direct heure par heure, mais si la Résistance refuse de renoncer à ce rêve, nous devons également rester fermes. « Le sionisme s’effondrera et Sykes Picot s’effondrera [souligné par l’auteur]. »

Ces mots de l’auteur palestinien Hebh Jamal sont un rappel pour nous tous :

« Nous ne pouvons pas nous retirer. Non pas parce que nous sommes plus forts que le désespoir ou immunisés contre lui, mais parce que le prix de notre silence se paie en vies que nous aimons. Parce que nous faisons partie de quelque chose qui s’efface, et si nous cessons de le nommer, si nous cessons de le réclamer à cor et à cri, il disparaîtra encore plus vite. »

Nous devons, à tout le moins, nous tenir du bon côté de l’histoire, et non du côté des criminels de guerre comme Tony Blair.