Six cents manifestants arborant des drapeaux soviétiques et russes, mais aussi celui de la France libre avec la croix de Lorraine, porté par des membres de Solidarité & Progrès, se sont rassemblés place de la République. Chaque Russe, Français ou étranger descendant de combattants antinazis portait le portrait d’un ancêtre mort au combat, sous la torture ou lors d’actes de résistance. « Chacun peut apporter des drapeaux des pays alliés et des fleurs à déposer sur les tombes », précisait le collectif.
Au cimetière du Père Lachaise

Le défilé s’ébranla en direction du cimetière du Père Lachaise, qui a la particularité d’abriter les tombes des résistants français de la France libre ainsi que celles des communistes. S’y dressent aussi les monuments dédiés aux déportés (Auschwitz, Dachau…), et les sépultures des résistants étrangers (polonais, belges…).
Pendant la guerre, l’Allemagne nazie envoie en France des prisonniers de guerre soviétiques (civils déportés ou militaires) pour des travaux forcés dans les mines du nord. Rares sont ceux qui parlent français mais un certain nombre réussit à s’évader. Ils rejoignent alors souvent les groupes de la résistance communiste. Par leur nombre, ils forment le 1er régiment soviétique de partisans qui contribuera à libérer Montpellier, Toulouse et Nîmes, ainsi que le 2ème régiment participant à la libération de Lyon. Globalement, il y a, en France, environ 250 sépultures de guerre où reposent 10 000 militaires soviétiques tués pendant la guerre. Par ailleurs, rien qu’au camp de concentration français du Struthof, on sait que 1600 prisonniers soviétiques sont morts.
Également au Père Lachaise, le « Mémorial des Combattants russes tombés dans la Résistance française, au cours de la Seconde Guerre mondiale », inauguré solennellement le 3 mai 2005, à l’occasion du 60e anniversaire de la victoire sur le nazisme.
C’est là que le 7 mai, à la veille du Jour de la Victoire, l’ambassadeur de Russie en France, Alexey Meshkov, accompagné de l’attaché militaire, a déposé une gerbe. Le représentant permanent de la Russie auprès de l’UNESCO, Rinat Alyautdinov, et la direction de la Maison russe de la science et de la culture à Paris assistaient à la cérémonie.
Le chant des partisans
Une fois entrée dans le cimetière, la manifestation s’arrêta dans l’allée des résistants communistes pour un dépôt de gerbe sur l’un des nombreux monuments, avant de se diriger vers le mur des Fédérés et le monument dédié aux déportés d’Auschwitz.
Parmi les personnalités invitées, la fille du colonel Passy, résistant et proche du général Charles de Gaulle, le colonel Alain Corvez, ancien secrétaire général de la Fondation de la France libre, et Jacques Cheminade, président de Solidarité & Progrès.
Dans son discours, le colonel Alain Corvez évoqua la France libre, l’alliance des résistants français et russes et la déportation. Les militants de S&P entonnèrent le Chant des partisans, que les manifestants reprirent avec eux. Ce chant a été mis en musique par Anna Marly, une Russe mariée à un Français. Ce fut un grand moment d’émotion partagée.
Les marcheurs se dirigèrent ensuite vers le Mémorial des combattants russes tombés dans la Résistance française pour un dépôt de gerbe. Les représentants des associations et le délégué de l’Ambassade russe en France prononcèrent un discours dans leur langue natale.
Jacques Cheminade, président de S&P, prit alors la parole pour rappeler la fraternité entre résistants russes et français, ainsi que la gloire du régiment de chasse « Normandie-Niémen », voulu par De Gaulle.
La foule fut très étonnée, car habituellement aucun représentant d’un parti politique français n’intervient dans ces commémorations. Cheminade fut chaleureusement applaudi.
Nous avons ensuite fraternisé entre communautés, en nous promettant de nous retrouver rapidement pour d’autres événements en commun.
Allocution de Jacques Cheminade, président de S&P, lors de la « Marche du Régiment immortel », au Mémorial des combattants russes tombés dans la Résistance française, au cimetière du Père Lachaise.
Paris, 8 mai 2025
« Nous sommes tous biologiquement mortels. Ceux que nous célébrons aujourd’hui portent, eux, notre part d’immortalité. Notre engagement est d’être à leur image car nous devons, comme eux, aux générations futures.
« Régiment des immortels, ils ont combattu pour leur patrie et pour la cause de l’humanité. Côte à côte, Français libres et Russes communistes ont partagé leur engagement. Une pensée aujourd’hui pour Vassili Porik, Edith Haithin et tous les héros russes de notre Résistance française. Et puis le nom de Normandie, devenu « Normandie-Niémen » par fraternité des armes, qui évoque tant l’amitié de nos peuples en Russie et qui devrait davantage l’évoquer chez nous. Une pensée pour les 96 pilotes français qui ont servi dans ce régiment de chasse, et particulièrement pour les 42 morts au combat, dont les 21 compagnons de la Libération. Les deux léopards passant d’or de leur blason sont notre honneur. Plusieurs écoles russes portent leur nom et beaucoup d’entre eux reposent au carré français de la Présentation, à Moscou.
« Aujourd’hui, l’espérance est portée par tous ceux qui ont marché ou marcheront comme nous dans le monde, au-dessus des querelles vulgaires et subalternes, ceux qui marchent, ont marché ou marcheront demain dans le monde entier, en Russie bien sûr, mais aussi à Washington, au Vénézuéla, en Argentine même, en Australie, en Turquie et en Chine. A Moscou se réuniront les plus hauts représentants de 29 pays du monde, de la Chine au Brésil et à l’Egypte, et la France, hélas, n’y sera pas.
« C’est pourquoi ici, tous ceux qui ont marché, quelle que soit l’heure de la journée, sont la France. Faisons donc le serment, au fond de nos cœurs, que nous construirons ensemble pour l’avenir, en hommage à ceux qui sont morts au combat, une nouvelle architecture mondiale de paix par la sécurité et le développement mutuel, respectant toutes les souverainetés nationales Nous leur devons la fin des impérialismes et ce monde polyphonique, récemment appelé à devenir par un chef d’État qui n’est pas, hélas, celui de notre pays. L’être humain n’est pas un animal prédateur qui a besoin d’ennemis pour exister. Patriotes et citoyens du monde, c’est notre solidarité devant leurs tombes qui est notre part d’humanité à partager. »