Nous savons que la Bretagne figure parmi les premières régions victimes du désoeuvrement et des comportements à risque (20 à 30 % au dessus de la moyenne nationale) ; qu’elle détient un triste record concernant l’alcoolisme et la dépression chez les jeunes, ou la consommation et la circulation de drogues. Ni les faibles dispositifs d’aide au niveau psychiatrique et social (ce qui est un problème national), ni l’environnement urbain (rues baptisées « de la soif » à Rennes, pont dit « des suicidés » à Brest), ni les choix culturels (promotion de festivals tels les Vieilles Charrues ) ne sont une solution ; et cela ira empirant avec les politiques gouvernementales d’austérité.
Nous proposons donc que la politique culturelle et sociale s’organise selon un plan d’ensemble cohérent, qui mette à contribution tous les acteurs sociaux et tous les citoyens. Elle ne doit plus seulement consister à promouvoir des infrastructures et du patrimoine (bibliothèques, musées, etc.) ou en initiatives et manifestations culturelles « à consommer » quelles qu’elles soient et selon « l’air du temps » (même si nous défendons l’importance accordée par le Conseil régional aux dispositifs permettant l’irrigation culturelle de la région : promotion des métiers du spectacle, soutien aux communes pour la création et l’enrichissement des bibliothèques, etc.). La culture ne doit plus être considérée comme un divertissement, mais comme un pilier fondamental de l’avenir et du développement de la région et des citoyens. Cela suppose que le Conseil régional engage une réflexion « épistémologique » et s’engage. Ainsi, nos jeunes redeviendront « assoiffés » non de bière, mais de créativité et de projets ! Pour recouvrer l’estime de soi, il faut que la société ait confiance en notre capacité à créer notre avenir, à être les bâtisseurs de notre région et de notre nation, et non les consommateurs d’un présent imposé de l’extérieur. Et particulièrement pour les banlieues.
La question de l’identité de la Bretagne se pose alors. Préparer notre avenir suppose de comprendre notre histoire. Pourtant, noyée dans un monde surmédiatisé, formaté et sans repères, la jeunesse tend depuis quelques années à se réfugier dans le regret du passé et le repli sur soi, en même temps que le rejet de l’Etat et du progrès. Ces derniers, et on le comprend, sont en effet associés aux politiques actuelles, dans lesquelles l’argent et l’austérité ont pris le pas sur l’humain, et les industries en otage. S’il est bon que les Bretons soient sortis du « complexe de Bécassine » (effacement et victimisation) et soient à nouveau fiers de leur région, ils sont malheureusement victimes d’une instrumentalisation médiatique et politique : celle-ci, par la promotion du traditionalisme, les enferment dans un passé idéalisé, qui les pousse à un écologisme sans issue et une forme de mélancolie. Il est alors fondamental de recréer une culture de la recherche de la vérité historique et non de la consommation fantasmatique de folklore (légendes de la ville d’Ys, Merlin, druidisme, etc.).
Identifier les origines du « régionalisme » et leur rapport étroit avec le mouvement romantique aristocratique européen, puis avec les défenseurs de l’idéologie fasciste, sera crucial (voir Morvan Marchal, Yann Fouéré, Roparz Hemon, etc.). Citons leur héritage aujourd’hui dans le Conseil des Trente lancé par MM. Bolloré, Guillemot et Pinault, poussant tant à la mise en place d’une gouvernance mondiale qu’à un indépendantisme breton. Patrick Le Lay a été et demeure une figure de proue de ce mouvement, sans doute pour occuper le temps de cerveau libre de ses victimes médiatiques ! Notre projet est au contraire d’inspirer, pour que tous puissent devenir les acteurs d’un changement vers une société meilleure pour la France et le monde, en redécouvrant ceux qui, dans le passé, portèrent le flambeau que nous devons reprendre. N’oublions surtout pas que la Bretagne a souvent été un catalyseur de progrès ! Ne citons que le colonel Armand ayant mené la guerre en Amérique aux côtés de Washington, Jacques Cartier, l’abbé Bridel combattant pour la classe ouvrière, les pêcheurs de l’île de Sein entrant en Résistance en 1940 et le « clan » Joliot-Curie Curie passant ses vacances à l’Arcouest…
Cela ne doit pas être imposé par le haut, mais par une démarche interactive, particulièrement chez les jeunes. Nous proposons donc un travail de lobbying et de coordination via notamment la Direction régionale des affaires culturelles, à travers des appels à projets auprès du Conseil général, des municipalités, organismes, associations, lycées et universités (en fonction des champs de compétences attribués à ces-derniers). Cela pour :
• ?Pousser un travail d’investigation et de pression sur le gouvernement pour une meilleure prise en charge au niveau social et psychiatrique. Cela concerne les politiques sociales d’urgence.
• ?Développer le rôle et l’intérêt des jeunes pour le devenir de leur propre génération. Les pousser à contribuer aux campagnes de prévention sur les comportements à risques (alcool, drogue, sida, etc.) au sein des universités, lycées et quartiers en difficulté. Les faire s’interroger sur les causes et les solutions à la dépression et la délinquance. Permettre d’engager une réflexion autour du rôle qu’y joue la culture, et notamment celle du « divertissement » et du virtuel (festivals de musique rock, tecknivals, très présents en Bretagne ; centres de jeux vidéos, culture internet, etc.) reconnus par les jeunes eux-mêmes comme étant un palliatif à l’ennui et au malaise social.
• ?Aider à cet effet les municipalités à recréer une culture de la découverte, de la créativité et de la citoyenneté, en redonnant un élan aux maisons de la culture, notamment dans les quartiers en difficulté. Y impulser des questionnements comme : « Qu’est-ce qu’une véritable culture citoyenne ? la culture et l’art furent-ils toujours ceux que l’on a aujourd’hui ? Qui doit les promouvoir et comment ? » ; cela accompagnant une recherche et une redécouverte de l’histoire culturelle de la France et de la Bretagne, du point de vue de leur contribution au progrès intellectuel et moral, de la préhistoire à nos jours. Faire redécouvrir aux jeunes pourquoi la culture classique y a joué un rôle et le doit encore, en quoi la notion de beauté doit être retrouvée. La redécouverte du théâtre classique et du chant choral polyphonique comme moyen d’éducation « esthétique » serait en même temps un moyen d’intégration sociale et de découverte de ses propres facultés créatrices.
• ?Notre projet de musée Kepler-Vernadski serait un centre d’impulsion.
• ?Concrétiser le fruit de ce « travail » de redécouverte en aidant les jeunes à promouvoir plus de manifestations et de festivals, préférant le théâtre et la musique classiques à la musique-bruit et à « l’art » qui se revendique lui-même comme décadent. Les faire participer (sous forme d’animations, ou de contribution au choix des livres, etc.) à l’amélioration des musées, bibliothèques, lieux culturels, à l’accessibilité au patrimoine, etc.
• ?Les faire participer dans la mesure du possible, et à travers la transmission de ce que nous avons évoqué ci-dessus (en particulier le chant choral, le théâtre et la peinture), au processus de réinsertion des personnes en difficulté (jeunes délinquants, personnes en isolement social, handicapés, patients d’hôpitaux ou de structures psychiatriques, particulièrement les unités pour les jeunes), via également le sport et les chantiers d’insertion. Nous voulons qu’ils contribuent à la réinsertion et à la réhabilitation des prisonniers, pendant l’accomplissement de leur peine et à leur sortie de prison, en s’inspirant de l’expérience des pays d’Europe du nord et du programme Genepi. Enfin, qu’ils participent à l’amélioration de la vie dans les maisons de retraite. Qu’ils redéveloppent ainsi un sentiment citoyen et une cohésion sociale et transgénérationnelle.
• ?Tout cela doit s’inscrire dans une politique de responsabilisation . Nous proposons de mettre à contribution le Conseil régional des jeunes (CRJ), en élargissant le champ de ses responsabilités. Nous voulons également que celui-ci engage avec les habitants et les municipalités une réflexion autour du devenir de la région : réhabilitation du patrimoine, des villes détruites et mal reconstruites après la guerre, tant au niveau architectural que « social et culturel » : comment faire revivre des centres villes désertés, devenus mal fréquentés ou en dégénérescence ? Idem, les engager dans une réflexion autour de la réhabilitation des banlieues.
Contre la culture de l’utilitarisme et du malthusianisme, ces projets, que nous voulons alimentés par d’autres idées venant des citoyens, doivent contribuer à recréer une culture de la vie, de la responsabilité, et de l’avantage de l’autre…
Un message, un commentaire ?