Voici le texte du 4 pages spécial distribué à 3000 exemplaires par S&P à La Rochelle, où se tient l’Université d’été du Parti socialiste. A télécharger ici. Suivez notre intervention en direct sur solidariteetprogres.org/ueps.
Il y a dans notre France, sur les problèmes vitaux, une inertie de la pensée, une somnolence de l’esprit qui nous exposent à toutes les surprises jusqu’au jour où se produisent ces lumineux réveils qui viennent heureusement, quoique à de trop longs intervalles, sauver notre pays.
— Jean Jaurès, pour un article intitulé Défaillance cérébrale.
Aujourd’hui, nous voici parvenus à l’un de ces moments tragiques de l’histoire où nous devons retrouver le souffle de Jaurès, cet enthousiasme qui bouscule, élève et « fait jaillir dans la vieille forêt humaine, l’immortelle fraîcheur des sources ». Le souffle vivant de Jaurès, hors des commémorations et des catéchismes opportunistes, Jaurès toujours déterminé à inscrire l’idéal dans le réel. Car il faut le dire franchement : la politique du gouvernement actuel a renoncé à ce souffle, elle ne semble avoir d’autre but que la préservation du pouvoir et la pratique du moindre mal au sein d’un système qui porte en lui le mal absolu.
Le président de la République et son entourage ne veulent pas croire au tragique de l’histoire et, faute de formuler un projet global de société, farfouillent dans une dérisoire boîte à outils. Ils se rendent ainsi complices, consciemment ou pas, d’un capitalisme financier qui saccage le travail humain et détruit la substance physique, productive, des économies. Cela devient évident pour tous, d’où l’effondrement de la popularité de François Hollande, non comme être humain mais comme dirigeant politique.
Ceci dit, la critique est aisée mais l’art est difficile. Ce n’est donc pas à la facilité que nous appelons ici, mais à ce courage invoqué par Jaurès dans son discours à la jeunesse d’Albi, en 1903 : « Le courage, c’est de dominer ses propres fautes, d’en souffrir, mais de n’en pas être accablé et de continuer son chemin (…) Le courage, c’est de rechercher la vérité et de la dire ; c’est de ne pas souffrir la loi du mensonge triomphant qui passe, et de ne pas faire écho, de notre âme, de notre bouche et de nos mains aux applaudissements imbéciles et aux huées fanatiques. »
Certains d’entre vous qui me lisez penseront que ce sont de belles paroles, des paroles « en l’air » et qu’il est injuste de les évoquer contre des êtres humains qui font ce qu’ils peuvent. C’est précisément ici qu’intervient Jaurès. Pour lui, la République n’est pas la recherche de synthèses, de compromis ou de consensus, elle ne consiste pas à obtenir de bonnes couvertures de presse, mais elle est « un grand acte de confiance et un grand acte d’audace (…) elle a vaincu parce qu’elle est dans la direction des hauteurs ».
Cela signifie, si l’on est progressiste, républicain et socialiste, de ne pas se définir par rapport à un système destructeur, en acceptant sa règle du jeu, mais en situant sa pensée et ses actes par rapport à un avenir meilleur. « En continuant, vers l’avenir, l’œuvre des forces vives qui, dans le passé, travaillèrent. »
En termes économiques, cela signifie acquitter envers les générations futures la dette que nous avons contractée envers les génération passées. Pas la dette contractée envers les établissements financiers, du fait que les Etats ont cédé à leur chantage, mais la vraie dette, envers des êtres humains.
Ici est le point décisif. Car la « réforme bancaire » de Pierre Moscovici et de Karine Berger consacre une dette injuste et renfloue au détriment de tous les banques qui ont joué au détriment de tous. Le moyen « d’en sortir » est de couper les banques en deux, en arrêtant de soutenir celles qui jouent sur les marchés, et de créer un système de crédit public qui permette de financer de grands projets d’avenir après avoir assaini le terrain. Comme l’article 123 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne l’interdit, il faut sortir de cette Europe de faux monnayeurs, de financiers et de marchands du temple, et se battre pour en refonder une vraie, dans l’intérêt des peuples et des patries.
Impossible ? Les « autres » ne seraient pas d’accord ? Encore faut-il se battre pour cette cause, et on ne le fait pas. Ici réapparaît Jaurès !
Dans un article intitulé Crédit démocratique, écrit pour La Dépêche le 27 juin 1892, il nous dit : « Mais avec une Banque nationale, et ayant absorbé toute la puissance financière des banques privées de dépôt et d’escompte, on pourra rembourser les actionnaires des chemins de fer et des mines avec une simple émission de billets (…) C’est dans le crédit national et démocratique, qu’est la solution tranquille du problème social. » Jaurès a bien vu que l’orientation du crédit est la question essentielle, car c’est elle qui détermine quel sera l’avenir.
Malheureusement, ceux qui aujourd’hui se réclament de Jaurès, mais ne se battent pas pour un système de crédit public, se soumettent à ceux qui étaient hier ses ennemis et restent aujourd’hui les nôtres, c’est-à-dire les ennemis de ce que Pierre Leroux et Jean Jaurès appelaient l’Humanité.
Sortons donc de notre petitesse ! Sortons de notre somnolence de la pensée ! Léon Blum, au Congrès de La Bellevilloise, en janvier 1926, a distingué l’exercice et la conquête du pouvoir. Mais lui-même ne concevait pas l’exercice comme un service rendu au système dominant ! Au contraire, s’il constatait qu’on ne pouvait pas tout de suite changer de système, il entendait changer le système en préparant l’avènement du suivant par l’élaboration d’un contre-projet.
Jaurès n’est pas une photo, une gravure ou des mots qu’on répète pour faire bonne figure. Jaurès est un souffle révolutionnaire que l’on doit retrouver. Il n’aurait en tous cas jamais dit que « la crise de l’euro est terminée », que « la reprise est là » parce que « l’économie est un phénomène cyclique ». Jaurès s’exprimait avec une force éblouissante car il voyait au-delà de ses contemporains et les inspirait, il était une puissance dynamique.
Au bord du gouffre aujourd’hui comme lui-même le fut hier, il est temps pour chacun d’entre nous de retrouver son héroïsme et sa passion des idées et de l’action.
Alors, en mobilisant nos volontés, ce « lumineux réveil » n’apparaîtra plus comme une illusion de l’esprit mais comme une nécessité de l’histoire.
Que faire ?
En respectant la règle du jeu financière, le gouvernement se condamne lui-même. S’il continue sa politique de « sérieux budgétaire » , l’oligarchie financière que dénonçait Jaurès se servira de lui comme d’un kleenex et le jettera après usage, sans qu’un peuple déçu et démobilisé réagisse. Les conséquences en seraient terribles pour nous tous. C’est pourquoi nous nous adressons à vous, qui ressentez la gravité de la situation et cherchez une porte de sortie.
Définir un projet : une économie physique au service de l’homme
« Tout individu humain a droit à l’entière croissance. Il a donc le droit d’exiger de l’humanité tout ce qui peut seconder son effort. Il a le droit de travailler, de produire, de créer, sans qu’aucune catégorie d’hommes ne soumette son travail à une usure et un joug. »
Se compromettre avec ceux qui ont une conception différente de l’être humain devient criminel dans une Europe qui laisse détruire son industrie, ses acquis sociaux et sa culture elle-même.
Notre mission est de donner un avenir à notre pays, à l’Europe et au monde. Pour cela, organiser une reprise par de grands projets de développement mutuel, Ouest/Est et Nord/Sud, reposant sur un équipement de l’homme et de la nature. Ce sont ces grands projets, mus par des découvertes scientifiques et l’application de technologies nouvelles plus productives, qui engendreront les ressources nécessaires pour imposer à nouveau la justice sociale, organiser une éducation reposant sur le développement des capacités créatrices de chacun et l’égalité des chances pour tous, relancer une politique de santé publique qui accroisse l’espérance de vie sans incapacité, servir des retraites décentes et assurer les conditions d’une politique alimentaire, de logement et de sécurité sociale et publique enfin digne.
Identifier l’ennemi principal : l’Empire de la City et de Wall Street
L’ennemi principal est l’Empire de l’argent, un conglomérat d’intérêts financiers, juridiques et de renseignement qui constitue le monde de la City et de Wall Street. Son centre opérationnel et intellectuel se trouve à la City de Londres et au sein du Conseil privé de la monarchie britannique. C’est là que s’élabore la stratégie de recul organisé.
L’Empire britannique « classique », mort au cours des années cinquante du XXe siècle, a ressuscité sous une forme indirecte, en s’étendant à partir de paradis fiscaux qui ont absorbé toutes les sociétés des autres pays, y compris bien entendu le nôtre, pour leur permettre d’opérer hors la loi des états-nations. C’est à partir de ce centre que toutes les opérations de spéculation financière ont été conçues et lancées, depuis le « Big bang » du 27 octobre 1986 de Margaret Thatcher, imposant une piraterie financière à l’échelle du monde.
Aucun compromis, dans aucun domaine, n’est possible avec ce système. Car il repose par nature sur le pillage, il bloque la création humaine et il est incapable de créer de la valeur réelle. Sa phase « libérale », qui a prévalu pendant une quarantaine d’années, prend aujourd’hui fin, cédant la place, comme lors des années trente du XXe siècle mais cette fois à l’échelle du monde, à un état policier total (l’on pense notamment aux systèmes Prism et Tempora des services américains et britanniques ou aux recommandations de la banque J.P. Morgan contre les constitutions européennes qui protègent les peuples). Cela s’appelle une nouvelle forme de fascisme.
Ne pas combattre cet ennemi principal, ne pas se battre pour mettre un terme à ce monde de la City et de Wall Street, revient donc à trahir la cause des peuples.
L’arme de ce combat : couper les banques en deux
C’est dans ce contexte que la réforme bancaire de Pierre Moscovici est à la fois une erreur et un crime politique. En ne filialisant qu’environ 1 % de l’activité de nos « banques universelles », elle laisse sous la garantie implicite de l’Etat le reste de leurs activités. C’est un consentement au système de Wall Street, de la City et de ses collaborateurs français.
C’est priver notre pays de l’arme décisive contre ses ennemis : un Glass-Steagall coupant les banques en deux, c’est-à-dire livrant à elles-mêmes les activités de marché spéculatives et protégeant sous un autre toit les fonctions de dépôt, de crédit et de gestion des paiements. En clair, cela veut dire mettre en faillite les activités associées au système de Wall Street et de la City, qui ne perdurent que par la complicité des Etats qui les protègent.
C’est pourquoi pour nous, malgré le vote malheureux de la « réforme », le combat continue. Car la crise s’aggravant, il apparaîtra que tout reste à faire.
Couper les banques en deux veut dire mettre en faillite le système actuel, annuler les dettes illégitimes et revenir à une économie assainie, au service de l’homme et non d’une oligarchie criminelle.
Mesurons donc la nature du crime politique de la réforme qui vient d’être votée, et exigeons-en une autre, réellement dans l’esprit de Jaurès. On dira que la France ne peut agir seule, que les activités de marché de nos banques partiront à Londres.
Eh bien, qu’elles partent ! Car de toutes façons, le système actuel n’est pas viable et il est prédateur. Mieux vaut en changer le plus vite possible, car plus nous attendrons, plus graves seront les conséquences de nos compromissions.
Pour bâtir l’avenir : un système de crédit productif public
L’Etat, pour organiser une reprise économique et sociale, doit pouvoir lancer les grands projets d’équipement de l’homme et de la nature, créant l’environnement propice à l’essor d’entreprises ayant recours à des technologies de production avancées, c’est-à-dire plus productives. C’est la seule solution pour éliminer le chômage en suscitant la création d’emplois qualifiés dans la recherche, le développement, l’innovation et la production.
Cependant, l’état ne peut lancer ces grands projets dans le cadre du système européen actuel, qui est une camisole de force monétaire, pas plus qu’il ne pourra le faire après l’application de la nouvelle loi Glass-Steagall, si l’on en restait là. En effet, après l’application du principe, il ne restera pas suffisamment d’établissements financiers solvables ni de liquidités disponibles pour enclencher la politique de reprise.
Il est donc nécessaire de faire ce que disait Jaurès, mettre en place un autre système, fondé sur une banque nationale émettant du crédit productif public. C’est un système par nature anti-oligarchique, anti-impérial et progressiste, car il respecte la personne humaine en s’insérant dans un processus de développement portant sur plusieurs générations.
La dissuasion du faible au fort
A ceux qui nous opposent que la France ne peut pas le faire toute seule et que c’est utopiste, nous répondons qu’ils mesurent mal le point auquel la France, l’Europe et le monde sont arrivés. Si on ne met pas en échec, c’est-à-dire en faillite, le système de la City et de Wall Street, c’est l’humanité tout entière qui se trouvera menacée par la finance devenue folle, et dont la folie mène à la guerre. Il y a urgence ! La France doit donc donner l’exemple. Non en se jetant aveuglément contre l’ennemi, mais en refusant de le servir et en s’alliant à tous ceux qui mènent un combat semblable.
Nos responsables devraient commencer par prendre contact avec ceux qui se battent aux Etats-Unis : 75 députés soutiennent un projet de vrai Glass-Steagall (H.R.129), et 7 sénateurs ont déposé un texte analogue (S.1282). Les amis de Lyndon LaRouche ont déjà organisé les législateurs de plus de 25 Etats pour voter des motions de soutien à ces textes. En Italie, déjà cinq résolutions de groupes politiques de toutes obédiences, mais allant toutes dans le sens d’un Glass-Steagall, ont déjà été déposées au Parlement. Dans notre pays lui-même, plus de 300 élus locaux ont signé un appel en ce sens, et de nombreux conseils municipaux ont déjà voté des vœux en soutien à notre proposition de loi relative au crédit et à la séparation entre banques de dépôt et banques de marché.
Un vrai mouvement de Résistance apparaît dans le monde ! Il a un projet. C’est le moment de le rejoindre, c’est le moment de s’engager. Les Français se disent les plus pessimistes de tous les peuples. C’est le moment de leur rappeler que la dissuasion du faible au fort, ça marche, pourvu qu’on se batte avec l’obstination de celui qui n’attend d’autre récompense que la joie de servir la justice et la vie des générations futures.
# petite souris
• 25/08/2013 - 23:27
"La France éternelle" de de Gaulle
celle dont il parle dans son discours de l’hôtel de ville de Paris un certain 25 août existe encore il suffit de lui parler et elle sera encore debout
http://www.ina.fr/video/I00007088
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# Joel Smikow
• 22/08/2013 - 14:34
« Tout individu humain a droit à l’entière croissance. Il a donc le droit d’exiger de l’humanité tout ce qui peut seconder son effort. Il a le droit de travailler, de produire, de créer, sans qu’aucune catégorie d’hommes ne soumette son travail à une usure et un joug. »
Je trouve cette citation admirable car elle anéantit la notion artificielle et parasite du "droit d’auteur" dans les dispositions législatives actuelles, droit qui, par l’usage surabusif et généralisé qui en a été fait, est devenu, de fait, un outil de spéculation et un obstacle majeur rendant très compliquée la publication de toute création artistique, même dans un cadre absolument non lucratif.
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