Aux côtés des organisateurs de la manifestation, des Parisiens issus d’une mouvance plus large où l’apolitisme déguise peu la haine du régime : la Fédération nationale des contribuables, le Comité de salut économique… Une part de militants du parti xxx participe à la manifestation, pensant hâter la décomposition d’une République vilipendée (…) C’est là un jour de colère trouble. Des mécontents s’agrégent, dont le plus petit dénominateur à l’extrême droite est l’aspiration à une solution autoritaire…
Non, il ne s’agit pas d’un récit sur « le jour de la colère » du 26 janvier 2014 à Paris, qui a vu se coaliser des forces a priori aux antipodes (catholiques traditionnels, militants de Dieudonné, casseurs de banlieue, militants identitaires, petits patrons, chômeurs, révoltés fiscaux, etc.), tous unis pour crier leur colère aveugle : « Hollande dégage », « Mort à la République », « CRS, milice de juifs », etc., mais d’une description de la fameuse manifestation du 6 février 1934 qui avait fait 15 morts et 1500 blessés et où une partie des 30 000 manifestants tentèrent de prendre d’assaut le Palais Bourbon.
Si l’histoire ne se répète jamais, sauf comme une farce, il n’empêche que les mêmes causes engendrent les mêmes effets.
Le contexte d’alors
A l’époque aussi, une dette illégitime (celle, imposée en 1921 à l’Allemagne par le Traité de Versailles, afin de permettre à la France, la Belgique, l’Italie et quelques autres de rembourser leurs propres dettes de guerre aux banques américaines) plombe la croissance mondiale, tout en permettant à quelques banques de spéculer à tout va jusqu’au moment où le krach boursier de 1929 impose une politique d’austérité pour tous.
Si aux Etats-Unis, l’élection de Franklin Roosevelt en 1933 fait reculer temporairement le camp fasciste, les gouvernements européens sont balayés par la montée du fascisme, italien d’abord (1922), puis allemand (1933).
En France, paradoxalement, c’est la fameuse manifestation du 6 février 1934 qui donna l’électrochoc à la gauche (PS-SFIO-PC-CGT-CGTU) pour donner naissance à un « Front populaire pour le pain, la paix et la liberté ».
Rompant avec la guerre de classes, Maurice Thorez, du Parti communiste, déclara le 17 avril 1936 : « Nous te tendons la main, catholique, ouvrier, employé, artisan, paysan (…) Nous te tendons la main, volontaire national, ancien combattant devenu Croix-de-feu. »
On peut évidemment regretter qu’à l’époque, ce Front populaire, manquant de science économique, n’ait pu imposer la séparation bancaire et un New Deal européen pour faire dérailler le fascisme européen et l’ordre de Versailles.
Et aujourd’hui ?
Au lieu de combattre cet ordre financier fasciste, la plupart des gouvernements européens ont visiblement choisi la stratégie de « l’enfumage », afin de faire oublier leur capitulation en rase campagne devant le monde bancaire. N’est-il pas étrange qu’au moment où l’Espagne devrait se lever comme un seul homme contre la Troïka et les lois liberticides, on exacerbe toutes les passions en y remettant en cause la loi sur l’avortement ?
En France, le gouvernement, engagé dans une réforme bancaire a minima, semble bien servi par les longs débats sur les questions sociétales, qui permettent par ailleurs au PS de surmonter ses divisions internes. Les élucubrations d’un Dieudonné ne font-elles pas avancer les visées de M. Valls ? Quant à la théorie du genre, promue depuis des années par les textes officiels de l’UE, sans pour autant faire la une des journaux, et qui met dans le même paquet le combat pour l’égalité homme/femme et la déconstruction des stéréotypes sexuels dès l’école maternelle, elle est soudainement attaquée avec grande violence par l’église… polonaise.
Perte d’humanité
A cela s’ajoute une question de fond, celle d’une perte d’humanité qui gagne de plus en plus nos sociétés. Responsable : des gouvernements sans projet ni dessein, hormis une austérité mortifère, un chômage de masse durable, la crainte du déclin et du déclassement gagnant les classes moyennes, une culture du plaisir immédiat, un individualisme dévoyé aboutissant au rejet de tout projet collectif, qu’il soit politique, sociétal ou familial, sans oublier un pessimisme vert et malthusien jetant le doute systématique sur les bienfaits du progrès, de la science et de l’éducation.
Plongé dans ce bain-là, c’est sûr, vous n’êtes plus qu’une bête vivant ses pulsions, et la seule idée que quelqu’un puisse vous représenter dans une assemblée délibérante vous agace. Vous êtes le parti du « moi » (et non pas celui du « je »).
Pire encore, ceux qui aujourd’hui comptent faire revenir Nicolas Sarkozy ou propulser Emmanuel Valls comme l’homme du recours, arrivant sur son cheval blanc, vous utiliseront comme chair à canon pour semer ce chaos utile dont ils espèrent faire naître « l’ordre nouveau ».
Comme Mme Helga Zepp-LaRouche le démontre avec force dans sa Déclaration d’indépendance des nations européennes, l’ordre de Versailles qui a engendré le fascisme hier s’appelle aujourd’hui Union européenne.
Non seulement il faut organiser une sortie concertée entre plusieurs pays pour transformer la monnaie unique en monnaie commune, mais, vu le caractère pervers et trompeur des derniers traités européens adoptés, il est urgent d’enterrer l’Union européenne dans sa forme actuelle afin de pouvoir en fonder une autre.
C’est cela la différence entre une révolution et une rébellion sans issue.
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