Communiqué de Jacques Cheminade en soutien à la campagne d’Helga Zepp-LaRouche en Allemagne pour rétablir le mark.
Saturne dévorant ses enfants, il est des moments de l’histoire où un système devient prédateur, tant par ses effets que par ce qu’il empêche de faire. Alors, sans hésitation, il faut en changer. C’est pourquoi, aujourd’hui, je suis absolument convaincu que la France et l’Allemagne doivent sortir du système euro, instrument d’austérité sociale, de malthusianisme financier et de désintégration industrielle. C’est pourquoi je soutiens l’initiative d’Helga Zepp-LaRouche, candidate à la chancellerie allemande, de rétablir un mark associé à une politique de grands travaux européens. De mon côté, je propose que la France se dote à nouveau d’une monnaie nationale, un franc polytechnique, dans une perspective européenne de développement mutuel.
Paix par le développement mutuel
Alors que le système financier et monétaire international se désintègre sous nos yeux et que s’amorce l’effondrement inéluctable de la bulle des hedge funds (fonds hyper-spéculatifs) et de l’immobilier, l’absolue priorité est de faire redémarrer l’économie européenne et mondiale. Il faut sauver de l’effondrement financier les infrastructures, la production, la santé publique, l’éducation, la recherche et l’épargne populaire, en organisant l’annulation ou le moratoire de dettes qui ne peuvent être remboursées et en créant des emplois qualifiés par l’impulsion de grands travaux Ouest-Est et Nord-Sud. Aujourd’hui, nous fonctionnons en dessous de notre seuil de reproduction réel ; le défi à relever est de repasser au-dessus.
Pour cela, il faut que l’Europe investisse annuellement l’équivalent de 1000 milliards d’euros dans des infrastructures allant de Lisbonne à Pékin, avec un programme de recherche commun démarrant sur la base de 200 milliards d’euros. Notre contribution, à nous autres Français, doit être de 200 milliards d’euros par an pour les infrastructures (ports, ponts, trains à grande vitesse, canaux, énergie) et de 20 milliards d’euros pour la recherche. C’est beaucoup ? Oui. Mais il y a aujourd’hui des sommes bien plus importantes gaspillées sur les marchés financiers, dans des opérations qui engendrent de l’argent sans créer de richesse.
200 milliards d’euros pour les infrastructures et 20 milliards pour la recherche : l’emprunt et l’impôt ne peuvent y faire face. Il faut donc autre chose ; l’émission de crédit public productif, à terme de quinze à cinquante ans, et à faible taux d’intérêt, par une banque nationale, une véritable « Banque de France », associée à une véritable Bundesbank de l’Etat allemand. Seule la mise en place de banques nationales, associées à des monnaies nationales, permettra en effet à l’Europe de sortir de la prison monétaire où elle s’est enfermée. C’est ce qui est nécessaire pour rebâtir l’Europe en retrouvant la volonté politique qui nous manque depuis plus de trente ans. C’est ce qui est nécessaire pour mettre en place une politique de bien commun, exemplaire vis-à-vis du monde, que ni la droite ni la gauche n’ont été capables d’entreprendre en raison de leur soumission aux pouvoirs financiers du moment. C’est ce qui est nécessaire pour que l’Europe soit une référence de paix dans le monde, car il ne peut y avoir de paix sans développement partagé.
Au moment même où les faucons américains, groupés autour du vice-président Cheney, menacent de bombarder l’Iran, cette politique européenne est le meilleur soutien que nous puissions fournir à ceux qui, aux Etats-Unis, s’efforcent de les écarter du pouvoir et de faire prévaloir, avec Lyndon LaRouche, le retour à une politique américaine libérée de ce qu’Eisenhower appelait le « complexe militaro-industriel ».
Banque nationale
Une banque nationale, à l’opposé d’une banque centrale, a pour mission de servir l’intérêt général à long terme. Par et pour les peuples. Une banque centrale, au contraire, abandonne l’émission de monnaie aux banques et aux compagnies d’assurance, qui servent des intérêts commerciaux et financiers à court terme.
Banque nationale et franc polytechnique : il ne s’agit pas d’une affaire technique, réservée à la compréhension d’experts, mais d’un projet politique catalyseur. Le franc polytechnique en appelle à une tradition qui est celle de Carnot, Monge et Prieur de la Côte d’or, source d’idées républicaines associées à la Révolution américaine contre l’ordre anglo-hollandais de spéculations financières et marchandes, dont l’euro est l’ultime avatar.
Demandez-vous pourquoi, depuis 1978, le pouvoir d’achat des salaires a baissé de 4 à 8 %, pourquoi l’endettement de la France est passé, depuis 1980, de 20 % à plus de 65 % de notre produit intérieur brut (18 000 euros par Français), sans création de richesse mais avec une explosion du chômage. Demandez-vous pourquoi, à une économie financière du gain immédiat, s’est associée une sous-culture du virtuel, de l’image et de la violence morbide, dont le festival d’Avignon a été un exemple : le sommeil d’une Europe soumise à une globalisation destructrice a engendré des monstres.
Il faut donc rebâtir l’Europe, monétaire, économique et culturelle, conforme au meilleur de notre civilisation commune. C’est la mission que tout parti politique devrait se donner, incarnée dans un projet mobilisateur.
Au contraire, l’euro a été, dès le départ, créé pour servir les forces d’une oligarchie financière qui n’est pas attachée à la production réelle de biens, mais à la vente et aux profits sur les marchés. Toute l’histoire de l’Union monétaire européenne le prouve. L’euro n’est pas une monnaie des peuples européens, mais une devise faite pour servir la valeur de l’actionnaire, le gain à court terme contre le financement d’infrastructures à long terme. A travers la Banque centrale européenne (BCE) et les banques centrales des divers pays européens, il est, sans contrôle possible des citoyens, entre les mains d’anciens banquiers ou de fonctionnaires du Trésor répercutant les tendances des marchés.
J’ai personnellement proposé, il y a quelques années, que soit adopté un euro à référence or adossé à une politique de grands travaux eurasiatiques, élargissant le concept de grands travaux européens avancé en son temps par Jacques Delors. Ni les grands travaux eurasiatiques, ni les grands travaux européens n’ont cependant été entrepris, car l’euro, de par sa substance même et la volonté de ceux qui le contrôlent, s’est avéré totalement opposé à cette perspective à long terme. L’euro a ainsi scellé son propre sort.
Volonté politique
Le retour du contrôle des Etats sur l’émission de monnaie est l’expression nécessaire d’une volonté politique retrouvée. L’on ne peut laisser l’avenir de l’Europe entre les mains de M. Trichet, qui n’a été élu à la tête de la BCE que par ses collègues de la synarchie financière, dont la seule ambition est de gérer leurs privilèges.
Le 28 février 2005, 82 % des députés et des sénateurs réunis à Versailles donnaient leur feu vert au Traité constitutionnel européen. Le 29 mai, 55 % des Français votaient « non ». Un non qui n’est pas un non à l’Europe, mais un appel à une autre Europe.
Nous devons répondre à cet appel ! Un mark et un franc associés à des banques nationales, engagées avec leur Etat et leur peuple dans une politique de grands projets communs, une Europe ne partant pas de martingales institutionnelles mais de l’économie physique, c’est une Europe construisant son avenir. Autour de cette souveraineté retrouvée, les politiques des banques nationales devront être étroitement associées par les projets, par la réalité de monnaies représentant le pouvoir de production retrouvé des économies, et non des rapports de force ou des statistiques d’échanges. Sur ce socle réel, l’Europe de l’avenir, sans utopie chauvine ni fédéraliste, pourra enfin être construite.
La France a besoin de passeurs qui éclairent son avenir et tiennent parole. Socialisme jaurésien, gaullisme de rupture, christianisme social, islam de justice et judaïsme universel pourront ainsi se rassembler dans un même fleuve, fidèle à ses sources en servant les générations futures.