Ces textes ont été publiés pour la première fois en janvier 2006 dans la revue Fusion N°108.
I. Les précurseurs de Vernadski
dans la physiologie française
par Pierre Bonnefoy
L’étude de notre univers avec les yeux de Vernadski nous confronte à un paradoxe fondamental : la coexistence des domaines du non-vivant, du vivant et du pensant. Pourquoi est-ce un paradoxe ? Parce que, tout d’abord, si avec Vernadski et toute la tradition de savants dont il est l’héritier depuis Platon jusqu’à Leibniz et Pasteur, nous réfutons l’hypothèse matérialiste, aucun de ces domaines ne saurait se réduire à un autre : ils sont essentiellement séparés. Le paradoxe survient alors du fait que ces domaines sont néanmoins interdépendants. En montrant que la vie (resp. la pensée) est le facteur géologique le plus puissant de la biosphère (resp. la noosphère), Vernadski nous apprend qu’aucun ne peut véritablement être conçu indépendamment des autres. Où est donc l’Un dans ce multiple ? Ce problème a hanté toute l’histoire de la science, et il continuera à se poser sous des formes sans cesse renouvelées : c’est l’aiguillon métaphysique dont la résolution provoque les révolutions scientifiques.
Intéressons nous ici plus spécifiquement aux relations entre le non-vivant et le vivant. Il existe deux manières apparemment opposées de fuir le paradoxe et donc de rater une découverte, que nous désignerons ici par les termes…