Si 2009 célèbre les cinq cents ans de l’Eloge de la Folie d’Erasme, il serait injuste d’oublier un de ses prédécesseurs, l’humaniste strasbourgeois Sebastian Brant (1457-1521). Double docteur (de droit civil et canonique), il publie en 1494 à Bâle la Nef des Fous, une œuvre dont le succès est fulgurant et durable.
Brant, comme plus tard Erasme, s’inspire de la première Epître aux Corinthiens où l’on distingue la sagesse de Dieu de celle du monde, qu’il a « frappé de folie ». Ainsi, « si quelqu’un parmi vous pense être sage à la façon de ce monde, qu’il devienne fou pour devenir sage ; car la sagesse de ce monde est folie auprès de Dieu ».
Dans l’esprit du renouveau spirituel mis en chantier par les frères et sœurs de la vie commune, Brant s’offusque que, bien que les Saintes Ecritures « abondent », « on se moque bien de Bible et de doctrine. Le monde est dans le noir, et va tête baissée tout droit dans le péché ». Loin de la misanthropie médiévale, il tentera au contraire d’éveiller ses concitoyens à se libérer, via le rire, de cet esclavage.
Abstraction faite de la grande piété qui animait les humanistes de l’époque, bien des remarques de Brant restent d’une grande actualité. Car la Nef des Fous, « miroir de la folie », permet à chacun de se reconnaître « en voyant son portrait ». Suivent ensuite plus d’une centaine de narrations sur des comportements humains tout aussi tragi-comiques que grotesques. En tête de la liste, l’hypocrisie et la paresse. En effet, le premier à monter dans la nef est cet homme qui s’entoure de milliers de livres qu’il ne lit jamais mais qui, interrogé par des savants, leur lance : « J’ai tout cela chez moi ! »
Suit alors la folie de toutes ces…