Le beau livre de l’historien néerlandais Bernhard Ridderbos, Schilderkunst in de Bourgondische Nederlanden (La peinture aux Pays-Bas bourguignon, Davidsfonds, Leuven 2015) est un régal pour les yeux et l’esprit.
Ridderbos, déjà irrité par l’habile campagne de propagande menée depuis des siècles par des banquiers italiens pour qui « la » Renaissance n’était qu’italienne et pour qui les fiammingo n’étaient que des « Primitifs », démarre son ouvrage en incendiant (non sans raison) une œuvre qui reste une référence, L’automne du Moyen Age (1919), de Johan Huizinga (1872-1945).
Pour cet historien néerlandais influant, recteur de l’Université de Leyden :
L’art de Van Eyck, dans sa capacité de figurer les choses saintes, a su atteindre un haut degré de détail et de naturalisme, marquant sans doute un point de départ sur le plan strict de l’histoire de l’art, mais signifiant en réalité une fin sur le plan historico-culturel. La tension extrême de l’imagination terrestre du divin fut atteint ici ; cependant, le contenu mystique de son imagination s’apprêtait à quitter ces images et à ne laisser les réjouissances qu’à la forme
Niant l’esprit clairement pré-renaissant des peintres flamands du début du XVe siècle, pour Huizinga, leur naturalisme n’était rien d’autre que « le déploiement ultime de l’esprit moyenâgeux tardif. »
Or, comme j’ai cherché à démontrer, en avril 2006, lors de mon exposé au Colloque international à la Sorbonne sur le thème de « La recherche du divin à travers l’espace géométrique », Robert Campin, Jan van Eyck et d’autres peintres flamands, qu’on présente assez souvent comme récalcitrant à utiliser les modèles perspectivistes développés par l’italien Leon Battista Alberti et comme en témoigne la présence assez…