Sur la notion de musique ancienne et moderne
Abendroth : Si je vous ai bien compris, vous êtes d’avis que les musiques modernes sont faciles à interpréter et les classiques difficiles.
Furtwängler : On ne peut pas généraliser à ce point. Je voudrais faire observer à cet égard que ce n’est pas en tant que telle que j’admire la musique dite classique. Je suis un musicien moderne et cette musique « classique » ne m’intéresse que pour autant qu’elle nous dit encore quelque chose à nous, hommes d’aujourd’hui – donc dans la mesure où elle est, en somme, de la « musique moderne ». L’art évanoui d’une époque jamais abolie m’a toujours semblé n’avoir qu’un intérêt limité. Raison de plus pour s’intéresser aux musiques que l’on appelle « classiques » mais qui, pratiquement, doivent être considérées comme la cheville ouvrière de notre vie musicale d’aujourd’hui. Il est indéniable que ces musiques sont aujourd’hui en danger ; et ainsi toute notre vie musicale est menacée. En fait, jusqu’à présent, nous avons à peine pris conscience de ce danger, et il me semble d’autant plus urgent d’y porter notre attention. Et je voudrais pour cela poser la question de l’interprétation un peu différemment.
Qu’est-ce qui fait de l’activité de l’interprète une vraie tâche artistique – et une tâche point facile apparemment, puisqu’elle est si rarement bien remplie ? C’est…