Il n’y a que les technocrates qui pensent qu’on peut décréter l’emploi dans le vide. Les bons économistes, ceux qui échappent aux temples de la finance, commencent tous par le « capital humain ». Comment va-t-il évoluer ? Comment en améliorer l’efficacité et la qualification ?
Rien qu’en examinant la bonne dynamique de la démographie française, on peut dessiner quelques contours de la croissance et des embauches de demain.
Pour l’instant, notre démographie se caractérise par trois tendances :
- Fécondité. Notre taux de fécondité, l’un des plus élevés en Europe (en 2012 il était de 2,01 en France, 1,38 en Allemagne, 1,40 en Italie), et l’apport de l’immigration assurent que notre population augmente chaque année ;
- Vieillissement. L’espérance de vie, à plus de 82 ans, nous place au troisième rang dans les pays de l’OCDE. plus de 82 ans aujourd’hui en moyenne contre 47 ans en 1900. Les plus de 60 ans sont 15 millions aujourd’hui et ils seront 20 millions en 2030 et près de 24 millions en 2060. Les plus de 75 ans seront 12 millions en 2060, contre 5,7 millions en 2012. Enfin le nombre des plus de 85 ans va quasiment quadrupler, passant de 1,4 million à 4,8 millions en 2050.
- Fin de cycle. Comme le note, sur la base des chiffres de la DARES (Direction de l’Animation de la Recherche, des Études et des Statistiques), le rapport de juillet 2014 « Les métiers en 2022 » de France Stratégie (héritier du Commissariat au Plan) : « Depuis les années 2000, l’arrivée en fin de vie active des premières générations nées après la Seconde Guerre mondiale engendre un nombre croissant de départs en fin de carrière », de l’ordre de 600 000 par an, c’est-à-dire qu’il va falloir former et embaucher six millions de personnes d’ici 2022, un chiffre qui ne comprend d’aucune façon les emplois supplémentaires que pourront permettre un redémarrage de l’activité.
Ainsi, rien que pour renouveler l’existant, c’est-à-dire faire la « maintenance » du capital humain, cette réalité démographique dicte d’emblée des opportunités énormes pour un nombre considérables de demandeurs d’emplois peu qualifiés ou sans grande expérience professionnelle qu’on pourrait rapidement former, soit en vue du remplacement de ceux qui partiront en fin de carrière, soit pour les secteurs où une forte demande d’emploi est dès maintenant prévisible. [1].
L’étude mentionnée ci-dessus, qui ne fait que bêtement extrapoler des tendances actuelles, anticipe des « fortes créations d’emplois » dans les professions de soin et des services aux personnes :
Le vieillissement de la population engendre en effet des besoins croissants en matière de soins et d’accompagnement de la dépendance dans un contexte de baisse programmée du nombre de médecins et tandis que les possibilités de prise en charge par les familles tendent à se réduire avec la poursuite de la hausse du taux d’activité des femmes après 45 ans et la fragmentation croissante des structures familiales (…) Le nombre d’assistantes maternelles devrait également augmenter plus rapidement que l’ensemble des métiers pour répondre aux besoins encore insatisfaits de prise en charge des jeunes enfants (…) Les postes à pourvoir devraient donc être très importants pour ces métiers, dont les effectifs sont élevés. Entre 2012 et 2022, près de 500 000 postes seraient à pourvoir dans ces deux métiers. (C’est-à-dire 50 000 par an).
Les crèches
Rappelons qu’en 2012, le manque criant de solutions de garde pour les enfants de moins de 3 ans a été un sujet pour les principaux candidats. Marine Le Pen, Nicolas Sarkozy, François Hollande et Jean-Luc Mélenchon s’engageaient à trouver des solutions pour résorber l’énorme déficit. Il manque aujourd’hui entre 300 000 et 500 000 places (10 000 crèches), selon les estimations. Et le prix des places existantes varie selon les endroits. Le prix est parfois plus du double du coût d’une assistante maternelle.
Or, Le Figaro du 25 mars 2016 estime que les crèches… nuisent à l’emploi ! Le journal cite France Stratégie (supposément le successeur du Commissariat au Plan) qui note qu’en France, seulement 12 % de la population en âge de travailler opte pour le travail à temps partiel, contre 20 % dans les pays européens. A qui la faute ? A la politique familiale française ! En effet, grâce aux politiques d’accueil des jeunes enfants, mais aussi aux rythmes scolaires (les enfants sont occupés toute la journée), les femmes peuvent travailler à temps plein. Or, ce sont elles qui sont « prédisposées » au travail à temps partiel ! Nos politiques familiales font que le taux d’emploi féminin à plein temps s’élève à 43 %, contre 37 % en moyenne chez nos voisins européens. Or, le fait qu’en France, une femme ne soit pas obligée de renoncer à sa vie professionnelle pour avoir des bébés, explique en partie pourquoi nous avons un bon taux de croissance démographique. Car chez nos voisins, les femmes choisissant d’avoir une vie professionnelle renoncent souvent à enfanter.
En conclusion, disons qu’il est regrettable que certains travaillent beaucoup, non pas à remettre les gens au travail, mais pour traficoter les statistiques…
[1] En identifiant les secteurs spécifiques où les départs à la retraite seront les plus nombreux, l’étude signale « les agents d’entretien (375 000), les aides à domicile (163 000), les enseignants (256 000), les infirmiers (127 000), les cadres des services administratifs, comptables et financiers (147 000), les conducteurs de véhicule (211 000) et les vendeurs (132 000) ». On peut y rajouter les assistantes maternelles (126 000), le BTP et la Mécanique et travail des métaux où l’on prévoit respectivement 426 000 et 232 000 départs à la retraite.
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